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Actualités - INTERVIEWS

Diplomatie de la communication - Le président du Middle East Institute fait le point avec la presse libanaise - Walker : Le Hezbollah n’est pas le Hamas, - et la collision Bush-Sharon aura lieu

Le cas du Hezbollah est distinct de celui du Hamas palestinien qui s’en prend à des civils, et il faut se tourner vers l’avenir plutôt que de s’attarder sur de l’histoire ancienne ; le choc est devenu inévitable entre l’Administration US et Ariel Sharon, qui a en effet défié le président Bush ; et les attentats terroristes du 11 septembre dernier sont venus souligner l’urgence d’une meilleure communication entre les États-Unis et les peuples arabo-musulmans : tels sont quelques-uns des points de vue qu’a exprimés, samedi matin à Beyrouth, devant une quinzaine de journalistes libanais, l’ancien secrétaire d’État adjoint américain pour les Affaires du Proche et du Moyen-Orient Edward Walker, qui visite actuellement le Liban dans le cadre d’une vaste tournée dans la région. Au terme d’une longue et brillante carrière diplomatique – il a notamment occupé les postes d’ambassadeur en Égypte (1994/97) et en Israël (1997/99) –, M. Walker est, depuis le mois de mai dernier, le président-directeur général du Middle East Institute, sans doute un des centres de recherches privés américains, le plus ancien (il fut fondé en 1946 ) et le plus prestigieux. Dédié à la connaissance de cette partie du monde en constante ébullition, l’institut abrite une élite de spécialistes, experts et chercheurs, disposant d’une énorme bibliothèque, il publie un trimestriel, le Middle East Journal, et organise régulièrement des séminaires ou des rencontres avec des officiels américains ou des responsables des nombreux pays concernés. Depuis son élection à la tête de l’institut, M. Edward Walker a sillonné en tous sens le Moyen-Orient, portant son intérêt sur deux questions principales : la confrontation israélo-palestinienne et la crise irakienne. Cependant, les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York et Washington ont bouleversé l’ordre des priorités : depuis cette date, explique M. Walker, les Américains voient les choses autrement, ils cherchent à comprendre, ils s’intéressent de près désormais aux problèmes du dehors, notamment la crise du Proche-Orient. Pour l’institut dès lors, il s’agit surtout aujourd’hui d’aménager une aire de communication entre l’Amérique et les pays du Moyen-Orient : une Amérique découvrant brutalement, en même temps que son extrême vulnérabilité, la grande hostilité dont elle est l’objet parmi les populations de la région, et un Moyen-Orient où les gouvernements, pour autoritaires qu’ils soient le plus souvent, sont tenus de tenir compte des passions politiques ou religieuses animant la rue. Deux courants à Washington C’est dire que la démarche du Middle East Institute déborde largement les contacts avec les officiels et s’adresse largement aussi aux opinions publiques («notre pays a toujours été plutôt faible en matière de propagande», déplore-t-il) : d’où sa longue entrevue de samedi avec les représentants de la presse conviés par l’ambassade US à le rencontrer à l’hôtel Albergo où il réside durant son bref séjour à Beyrouth. S’exprimant parfaitement en français, en arabe et en hébreu, Edward Walker signe régulièrement des éditoriaux dans le quotidien al-Hayat basé à Londres et dans le Haaretz israélien ; n’assumant plus désormais la moindre responsabilité officielle, il y exprime des opinions forcément plus nettes que, du temps où il travaillait au département d’État ; et tout en souligant la grande amitié qui le lie au chef de la diplomatie US Colin Powell, il tient à préciser que les idées qu’il avance sont strictement celles de son institut, et que durant ses rencontres avec les officiels libanais, il ne convoyait aucune sorte de message émanant de l’Administration américaine. Edward Walker reconnaît que celle-ci est actuellement le théâtre d’une sourde lutte d’influence entre deux courants : celui, partisan de la manière forte, et dont les tenants ne se recrutent pas seulement au sein du seul Pentagone ; et celui, représenté par le président Bush et le secrétaire d’État Powell qui, tout en recourant à la riposte militaire, se rend parfaitement compte de la nécessité d’œuvrer parallèlement à régler la crise de confiance entre Washington et ses partenaires, ce qui implique plus précisément un effort accru en vue d’une solution équitable du problème de Palestine. Itinéraire de collision Pour M. Walker, cet effort était en cours avant même le 11 septembre et devait se concrétiser par un «document Powell» reprenant, dans ses grandes lignes, l’accord manqué de Camp David et de Taba, court-circuité notamment par l’élection d’Ariel Sharon. Si cet effort ne s’est pas encore matérialisé, ajoute-t-il, c’est que l’Amérique ne souhaite pas donner l’impression qu’elle a cédé à la pression ou au chantage terroriste. «Il n’en reste pas moins, souligne-t-il, que les relations avec le gouvernement Sharon sont aujourd’hui extrêmement tendues, elles suivent un itinéraire de collision ; Bush pousse les choses dans une direction qui n’est pas du tout celle de Sharon, un choc va se produire, je ne sais trop quand, mais cette confrontation, le président des États-Unis, qui a été proprement défié, ne la redoute pas, il a déjà fait savoir que l’Amérique défendrait ses propres intérêts». En tout état de cause, l’Administration actuelle, rompant en cela avec celle de Clinton, ne croit guère en l’efficacité des sommets hermétiques du type Camp David : tout en reconnaissant que Palestiniens et Israéliens ont besoin d’un tiers pour s’entendre, si large en effet est le fossé de haine et de sang qui les sépare, Washington se rend bien compte désormais qu’aucun accord effectif ne verra le jour s’il n’obtient pas l’adhésion du monde arabo-musulman, au sein duquel l’Amérique a aujourd’hui un pressant besoin d’amis. Mais les plus notoires de ces amis ne sont-ils pas des régimes antidémocratiques dont les méthodes oppressives alimentent elles-mêmes tous les extrémismes, notamment religieux ? Et qu’a fait Washington dans le passé pour pousser à l’évolution de ces systèmes ? Il est vrai, admet M. Walker, que les précédentes Administrations ont ignoré ce réel problème, elles ont sacrifié la démocratie à d’autres impératifs dont celui des négociations de paix ; c’est aujourd’hui seulement que l’on s’aperçoit que tout est lié. Mais il ne faut pas non plus aller trop vite et bousculer les choses car cela créerait une périlleuse instabilité ; mieux vaut donc œuvrer avec les sociétés civiles, les ONG pour, à partir de dossiers peu politiques tels que l’environnement, façonner peu à peu une culture démocratique. L’erreur afghane Dans ses propos, M. Walker s’efforce d’opérer une distinction entre fondamentalisme musulman et sa perversion actuelle : «Qu’un pays arabo-musulman choisisse le rigorisme nous n’avons rien contre, ahlan wa sahlan ; mais la frontière est franchie dès lors qu’on en vient au terrorisme». Toujours est-il que les États de la région ont eux-mêmes intérêt à combattre ce genre d’ extrémisme et c’est bien le cas, estime-t-il, pour la Syrie autant que pour l’Égypte et l’Arabie séoudite. Disant tout ignorer de quelconques tractations qui auraient lieu actuellement entre Washington et Damas, le président de l’Institut du Moyen-Orient relève néanmoins qu’un des points les plus épineux du dossier est l’asile qu’accorde Damas au Hamas. Quid du Hezbollah libanais, et son statut est-il différent de celui de ce mouvement palestinien ? «I wish (je le souhaite), répond, avec un gros soupir, l’ancien responsable du département d’État qui signale que le Hamas s’en prend parfois, lui, à des civils ; quoi qu’il en soit, fait-il encore remarquer, le président Bush a déjà fait savoir qu’on ne regardera pas en arrière et je crois que la priorité doit aller à l’affaire Ben Laden plutôt qu’à l’histoire ancienne...». M. Edward Walker ne nie pas la part de responsabilité que porte son pays dans le développement de l’affaire afghane même s’il paraît justifier le soutien accordé naguère aux combattants islamistes «qui, après tout, se battaient contre une occupation soviétique et étaient soutenus par les bons Arabes». Ce qui était moins bon, poursuit-il, c’est d’avoir abandonné les Afghans à leur sort une fois la guerre finie et les Soviétiques partis, car les taliban ont pris la relève. Il considère par ailleurs que les récentes restrictions apportées aux libertés publiques aux États-Unis, dans le cadre de l’effort de détection et de neutralisation du terrorisme, sont loin de remettre en cause le système libéral américain, «car il y a là une marge raisonnable de législation, selon que le pays soit en guerre ou non». Selon M. Walker, les événements actuels ne devraient pas affecter le tissu national américain, l’Administration Bush étant consciente de l’importance de sa composante arabe, laquelle compte près de sept millions de citoyens. Il note à ce sujet que «le meilleur allié de Ben Laden c’est encore l’extrême droite juive d’Amérique qui, elle aussi, croit dans le choc inéluctable des civilisations». Enfin, quant à l’issue de l’actuelle campagne contre le terrorisme, il paraît désapprouver les doutes récemment émis publiquement à ce sujet, et de manière plutôt surprenante, par le secrétaire à la Défense Rumsfeld. «Ce n’était pas très habile, commente-t-il, même si cela avait le mérite d’être honnête...».
Le cas du Hezbollah est distinct de celui du Hamas palestinien qui s’en prend à des civils, et il faut se tourner vers l’avenir plutôt que de s’attarder sur de l’histoire ancienne ; le choc est devenu inévitable entre l’Administration US et Ariel Sharon, qui a en effet défié le président Bush ; et les attentats terroristes du 11 septembre dernier sont venus souligner...