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Actualités - CHRONOLOGIES

THÉATRE - « Les cinq dits des clowns au prince » ce soir et demain, 20h15, à l’Usek - Ministère amer

Dans un pays imaginaire mais affreusement proche quand on y pense, règne un prince qui a installé sa tyrannie dans son «ministère de l’efficacité et de l’économie de parole». Autrement dit, ce despote s’acharne sur tout ce qui n’est pas un produit de masse, donc qu’il ne peut pas maîtriser. Cible de sa royale ligne de mire : les bateleurs, dramaturges, mimes et autres clowns, bannis de sa cité ou recyclés dans le service tertiaire, source de rentabilité et d’utilité. Tout ce que ne sont pas, en apparence et pour les tyrans, les artistes. Alors, les artistes sont-ils utiles dans une société ? Voilà la question que pose Jean-Pierre Alègre dans sa pièce Les cinq dits des clowns au prince, mise en scène par Youmna Tarazi au théâtre de l’Usek et jouée encore ce soir et demain à 20h15. Rébellion de clowns Dans un monde désormais «sans rire ni couleurs», privé de leurs caravanes et de leur cirque «La Traviata», les deux clowns Caramel et Chocolat se sont réfugiés dans la forêt pour fuir les agents du prince. Sans couverture pour dormir ni accessoire pour faire rire, les deux amis continuent envers et contre tout de parler clown (en déformant et en inventant des mots) et à rêver d’éteindre la lune. Leur naïveté les perd et les voilà devant le prince, un triste sire argenté qui, devant leur rébellion, s’amuse à leur laisser une dernière chance de lui prouver le bien-fondé de leur existence dans sa cité : Caramel et Chocolat doivent le faire «rire et pleurer», puis l’«étonner» et l’«émouvoir». Les amuseurs retrouvent alors leurs semblables, déjà captifs : le bateleur monsieur Loyal, le dramaturge monsieur Répertoire, l’actrice Daphné, le mime américain Bill Volu et madame Mélodrame. Tous ensemble préparent les cinq dits qui pourraient leur rendre leur liberté. Mais après les dits de l’enfance, de l’amour, du glouquier et de l’histoire, le prince se lasse et s’emporte : il n’écoute pas le dernier dit. Exercice difficile Loyal, Répertoire, Daphné, Bill Volu et madame Mélodrame s’intègrent alors dans la société amère et aseptisée du prince tandis que Caramel et Chocolat, éternels comiques rebelles, retrouvent l’anonymat sauvage de la forêt, non sans avoir joué le cinquième dit, celui de la liberté. L’histoire des Cinq dits des clowns au prince est simple, efficace, prémonitoire peut-être. Youmna Tarazi, qui signe ici sa troisième mise en scène, a su mener ses acteurs vers le but principal : faire rire et distraire. Mais l’exercice comique est de loin le plus difficile au théâtre et certains des jeunes apprentis comédiens des beaux-arts de l’Usek ont été un peu timides dans l’effort de voix (il aurait vraiment fallu hurler dans certaines scènes) et de geste (les pitreries, les grimaces et autres loufoqueries auraient dû être moins gracieuses). Peu importe, le résultat est là car le public applaudit avec chaleur cette heure et demie bien menée dans l’ensemble et soutient avec enthousiasme le dernier message de la pièce : «Tes artistes sont ta liberté». Dans chaque pays, un ministère amer guette. Au Liban, mettrait-il déjà en joue ?
Dans un pays imaginaire mais affreusement proche quand on y pense, règne un prince qui a installé sa tyrannie dans son «ministère de l’efficacité et de l’économie de parole». Autrement dit, ce despote s’acharne sur tout ce qui n’est pas un produit de masse, donc qu’il ne peut pas maîtriser. Cible de sa royale ligne de mire : les bateleurs, dramaturges, mimes et autres...