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Actualités - REPORTAGES

ENQUETE - Les trois Libanais les plus recherchés au monde, des retraités de l’action militante ? - Sur les traces de Moghnié, Atwé et Ezzeddine…

Que la liste américaine des nouveaux noms dont il faut geler les avoirs ait été ou non communiquée aux autorités libanaises, une chose demeure sûre : trois Libanais figurent parmi les 22 «terroristes» les plus recherchés au monde. L’annonce faite il y a plus d’une semaine n’a pas provoqué une véritable surprise au Liban, les trois personnes étant plutôt de vieilles connaissances, en tout cas, leurs noms revenant fréquemment dans les démarches américaines. Imad Moghnié, Hassan Ezzeddine et Ali Atwé ont, aux yeux des Américains, un passé lourd, même si ceux qui les ont connus affirment à l’unanimité qu’ils ont depuis longtemps abandonné toute activité militante. Depuis plus d’une semaine, les milieux politiques libanais se posent la même question : pourquoi les Américains ont-ils remis sur le tapis le vieux contentieux entre eux et le Hezbollah, alors qu’il s’agit d’une mouvance chiite aux antipodes de l’islamisme sunnite de Ben Laden et de ses partisans et, qui plus est, étroitement liée à l’Iran qui appuie ouvertement les opposants aux taliban en Afghanistan ? Les analyses se multiplient, alors que le Hezbollah affiche, lui, une sérénité qui se veut convaincante. «Les Américains, disent ses membres, veulent nous faire peur et exercer des pressions sur nous, sur le Liban et sur la République islamique d’Iran. Mais nous ne nous sentons pas concernés par cette liste et nous n’avons rien à dire au sujet de ces trois hommes». Depuis qu’en 1999, la secrétaire d’État américaine Madeleine Albright a ouvertement demandé aux autorités libanaises l’arrestation de Imad Moghnié, le Hezbollah refuse d’affirmer que cet homme fait partie de ses membres. Il ne le nie pas non plus, se réfugiant dans un silence indifférent… augmentant encore le flou qui entoure le personnage. Le piratage aérien, un thème porteur Le nom de Imad Moghnié est toutefois beaucoup apparu lors de certaines actions d’éclat au milieu des années 80 : l’enlèvement des otages occidentaux, et plus particulièrement les attentats contre les troupes ou les intérêts américains au Liban. Aujourd’hui, en lui adjoignant deux autres noms, Hassan Ezzeddine et Ali Atwé, Washington met ainsi l’accent sur le détournement du Boeing de la TWA en juin 1985, puisque ces trois hommes formaient le commando qui avait entamé l’opération, obligeant l’avion portant drapeau américain à atterrir à Beyrouth, alors qu’il devait effectuer la liaison Athènes – Rome. Plus tard, le dénouement est intervenu après l’intervention des miliciens d’Amal du chef de ce mouvement Nabih Berry. Les exécutants initiaux étant, selon les investigations américaines, les trois personnes précitées. Pour les politiciens, en choisissant de mettre l’accent sur cette affaire au lieu des attentats contre les Marines ou contre l’ambassade US, Washington a préféré une action à caractère international, l’avion ne devant absolument pas prendre la direction du Moyen-Orient, qui dépasse donc le territoire libanais et qui est classée dans le dossier du piratage aérien, thème porteur actuellement. Peu de gens se souviennent encore de l’arrestation par la police grecque de Ali Atwé alors qu’il s’apprêtait à monter illégalement dans l’avion de la TWA à Athènes. Ses deux compagnons, Imad Moghnié, chef présumé du commando, et Hassan Ezzeddine étaient déjà à bord. Ils auraient effectué seuls le détournement, avant de réclamer la libération de Atwé comme préalable à toute négociation. Effectivement, Atwé les a rejoints 48h plus tard à Alger où ils avaient obligé l’avion à atterrir. C’est d’ailleurs la seule fois où les noms de Ali Atwé et Hassan Ezzeddine sont apparus dans la presse. Après cette action, les deux hommes sont restés très discrets. Par contre, Moghnié a encore fait parler de lui, avant de s’installer progressivement en Iran, à partir des années 90. Qualifé par la chaîne américaine CNN de fondateur du Hezbollah, Imad Moghnié n’a jamais officiellement occupé un poste de responsabilité au sein de ce mouvement. Lorsqu’au milieu des années 80, son nom a commencé à être lié aux attentats antiaméricains, le Hezbollah n’était pas encore doté d’une structure claire. Il ressemblait plus à des cellules un peu désordonnées dont les actions n’obéissaient pas à un commandement reconnu. Moghnié et ses compagnons, originaires du Sud, ont tous commencé leur entraînement aux côtés des groupes palestiniens, notamment le Fateh de Yasser Arafat. Selon certaines informations, Moghnié aurait même collaboré un temps avec les services de renseignements du Fateh dirigés par Abou Ayad. Et ce serait de là que lui serait venu son goût du secret et de l’action clandestine. D’ailleurs, selon ceux qui l’ont connu, Moghnié aurait gardé le lien avec Abou Ayad jusqu’à la mort de ce dernier à Tunis en 1991. Des débuts au Fateh C’est au cours de ces années Fateh que Moghnié rencontre ceux qui deviendront ses compagnons de route, Abdel Hadi Hamadé et Ali Dib. Ce dernier a d’ailleurs été assassiné en août 99 par l’équipage d’un hélicoptère israélien alors qu’il se faisait appeler Khodr Salamé et qu’il était un des responsables de la résistance armée au sein du Hezbollah. Moghnié, Hamadé, Dib, Atwé et Ezzeddine font donc partie d’un même groupe, le noyau chiite du Fateh, établi dans la banlieue sud. C’est là que le chemin de Moghnié croise celui de sayyed Mohammed Hussein Fadlallah qui prêche dans la mosquée de Bir el-Abed. Ses sermons lui plaisent d’autant plus qu’ils évoquent les droits des opprimés et, petit à petit, le jeune homme bascule dans l’islam, la victoire de la révolution iranienne en 1978 lui servant pratiquement de révélateur. C’est dans la banlieue sud qu’il rencontre Rafic Dust, venu aider le Fateh à entraîner les jeunes. Dust deviendra plus tard le chef des gardiens de la révolution iranienne. Moghnié et ses compagnons tissent des liens étroits avec cet entraîneur et, lorsque les combattants palestiniens quittent Beyrouth en 1982, ils ont déjà choisi leur voie : ce sera la résistance dans les rangs des groupes islamistes. À cette époque, les gardiens de la révolution affluent au Liban et s’installent à Baalbeck. Moghnié, grâce à ses liens avec Dust et d’autres, est l’un de leurs interlocuteurs privilégiés. Mais il n’occupe jamais des fonctions officielles fuyant les projecteurs et les titres. Pour les Américains, il serait le chef des services de renseignements du Hezbollah, mais son nom n’a jamais été cité par les responsables de ce parti. Les experts pensent d’ailleurs que depuis l’assassinat de son frère Fouad, dans l’explosion d’une voiture piégée à Bir el-Abed en décembre 1995, il n’est plus revenu au Liban. L’enquête effectuée par les autorités libanaises avait établi que la voiture piégée visait Imad et que l’attentat avait été planifié par le Mossad israélien, selon les aveux complets du principal exécutant Ahmed Hallak condamné à mort et exécuté. En tout cas, Imad Moghnié n’a plus été vu au Liban depuis plusieurs années. Pour les autorités officielles, il n’est pas sur le sol libanais. Mais certaines sources proches des Américains pensent au contraire qu’il aurait été chargé par le Hezbollah de missions sécuritaires et, lors de son dernier congrès, il y a deux mois, le parti a publié les noms et les photos de tous les élus, membres de son conseil consultatif sauf de l’un d’entre eux, Jawad Noureddine, pour des raisons de sécurité. Pour ces sources, Jawad et Imad ne feraient qu’un. Les responsables du Hezbollah sourient lorsqu’on leur en parle. Pour eux, Imad Moghnié c’est du passé, mais ils ne sont pas prêts à le dire ouvertement, pour des raisons d’éthique et de politique. Toutefois, alors que le Hezbollah est à la recherche d’une reconnaissance internationale et à l’heure où la plupart des régimes arabes saluent son action de résistance, pourquoi s’encombrerait-il de personnes dont le nom est lié aux actes terroristes ? Moghnié et ses compagnons, s’ils ont jamais fait partie de ses membres, ne sont plus aujourd’hui très utiles au Hezbollah qui a choisi de tourner la page. «Les Américains peuvent chercher, entend-on dans ce milieu, ils ne trouveront rien». Et les autorités ? Elles ont, pour l’instant, d’autres priorités.
Que la liste américaine des nouveaux noms dont il faut geler les avoirs ait été ou non communiquée aux autorités libanaises, une chose demeure sûre : trois Libanais figurent parmi les 22 «terroristes» les plus recherchés au monde. L’annonce faite il y a plus d’une semaine n’a pas provoqué une véritable surprise au Liban, les trois personnes étant plutôt de vieilles...