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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

FrancOphonie - Saïdi : « La langue représente un investissement individuel et collectif important »

Le premier vice-gouverneur de la Banque du Liban, Nasser Saïdi, a prononcé un discours à l’occasion de la conférence internationale «La francophonie aux défis de l’économie et du droit aujourd’hui» qui se tient à l’USJ. Après avoir défini «la francophonie, la taille de cet espace francophone et son importance économique», M. Saïdi a évoqué dans son allocution «l’économie de la langue», puis a examiné «les défis qui se posent face à l’espace francophone dans l’ère de l’économie numérique». Voici de larges extraits de son intervention : Définitions de la francophonie, quelques chiffres «Parmi les 500 langues et idiomes mondiaux, le français est la seule langue, avec l’anglais, qui soit répartie sur les cinq continents. Le français occupe la place de deuxième langue étrangère après l’anglo-américain. Langue officielle des nouveaux États africains d’après la décolonisation, il est aussi une langue internationale largement pratiquée. Le nombre de pays qui ont rejoint la francophonie a quasiment doublé en trente ans puisque la communauté francophone compte aujourd’hui 55 États membres et observateurs. Elle représente une population totale d’environ 500 millions d’habitants et regroupe plus du quart des États membres de l’Organisation des Nations unies. La part francophone des échanges commerciaux à l’intérieur des pays de la francophonie, qui est l’indicateur le plus adéquat pour rendre compte de l’“intégration économique francophone”, oscille entre moins de 3 % et plus de 70 %, selon les pays. Cependant, même si les échanges des pays francophones avec le monde ne sont pas toujours favorables, la langue française domine les courants d’affaires d’une très grande partie de l’Afrique du Nord ainsi que de l’Afrique subsaharienne, ce qui fut favorisé par l’existence de la zone du franc CFA. L’ensemble des pays présents aux sommets de la francophonie représente 11,2 % du PNB, 10,8 % de la population et 16,70 % des échanges commerciaux mondiaux (chiffres de 1998). En 1998, les pays francophones ont accueilli 10,80 % des Investissements directs étrangers (IDE) mondiaux, avec quelques gros récipiendaires qui se détachent : la France (28 milliards de dollars US), le Canada (16,51 milliards de dollars) et, dans une moindre mesure, la Pologne (6,36 milliards de dollars) et la suisse (5,49 milliards de dollars). Mais les pays francophones à faibles revenus, soit vingt-cinq pays, ont reçu un total de 2,097 milliards de dollars US, soit moins de 4 % du total des IDE reçus par l’ensemble des pays à faibles revenus». L’utilisation des langues : l’économie de la langue «Au-delà des chiffres, il est important de cerner les facteurs qui déterminent l’utilisation, la croissance, la survie et la mort des langues, et cela dans le but de définir la politique à suivre et les mesures requises pour assurer un avenir prospère pour la francophonie dans la nouvelle économie. Le nombre de langues parlées dans le monde diminue à un rythme inégalé, de telle sorte que 90 % des langues existantes disparaîtront vraisemblablement au cours du prochain siècle. Au vu de ces chiffres, une approche économique de la langue s’impose. Dans l’approche économique, la langue fait partie du capital humain et représente un investissement individuel et collectif important. Une illustration de l’approche prônée par le prix Nobel d’économie Gary Becker (1976) serait que l’application d’un raisonnement économique à des questions linguistiques relève de l’économie de la langue. L’économie de la langue peut aussi bien s’intéresser à l’effet de variables linguistiques sur des variables économiques (par exemple sur les échanges commerciaux et au rôle que joue l’acquisition d’une langue dans la détermination des revenus et au rendement de l’investissement dans le “capital humain linguistique”) qu’à la relation inverse (par exemple, à l’effet de l’intensification du commerce international et de la mondialisation sur la diffusion ou le déclin de différentes langues). Les résultats de recherches récentes dans le domaine de l’économie des langues confirment l’hypothèse que les compétences linguistiques contribuent de manière significative à la rémunération du travail chez les individus ; cependant, ce ne sont pas forcément les mêmes niveaux et les mêmes types de compétence qui sont le mieux récompensés par le marché, selon la langue considérée. Ainsi, la maîtrise du français par les Suisses-alémaniques ou la maîtrise de l’allemand par les Suisses romands (francophones) donnent lieu à des primes qui s’échelonnent de 6,2 % à 14,2 % selon le type de compétence considéré. En revanche, les primes associées à la maîtrise de l’anglais sont plus élevées et plus stables, puisqu’elles se situent toutes entre 13,6 % et 16 %. Albert Breton rappelle que lorsqu’une seconde langue a un rendement positif, “c’est que cette langue a contribué à une réduction du coût de transaction (surtout la communication) qui a permis de réaliser l’échange”. L’auteur propose pour expliquer le fait qu’une langue disparaisse par semaine la thèse suivante : en plus d’un rendement économique des langues, il existe un rendement culturel rattaché à la créativité littéraire et à d’autres formes de créativité. Pour Adam Smith, langue et commerce sont deux aspects du même processus. Les êtres humains font des échanges commerciaux parce qu’ils ont des langue, les autres êtres vivants ne le font pas parce qu’ils n’ont pas de langues. Ainsi, la culture commune et la langue commune facilitent le commerce entre les individus et les nations. Notons également que plus la taille d’un pays (mesurée par son nombre d’habitants) est importante, moins la tendance à pratiquer des langues étrangères est observée. Ainsi, les dix premiers pays francophones (par leur nombre d’habitants) pratiquement en moyenne 1,9 langue, alors que les dix derniers (par leur nombre d’habitants) pratiquent en moyenne 2,3 langues. Tous les besoins en communication d’un système sont un puissant mobile d’intégration économique et sociale. Par conséquent, une langue commune a pour effet d’abaisser les coûts de la production et des opérations dans une économie et, partant, de réduire les prix d’échange, ce qui accroît la concurrence». Francophonie, nouvelle économie et NTICM Les pays francophones ont-ils suffisamment pris la mesure des changements potentiels induits par la progression du rôle joué par les nouvelles technologies de l’information, de la communication et des médias (NTICM) dans le monde ? «Pratiquement tous les pays francophones, y compris les plus démunis, ont mis en place des structures de suivi des NTICM, défini une stratégie nationale de leur développement et de leur implantation au niveau national. Cependant, des efforts considérables restent à faire en matière de “démocratisation de la technologie”, où les idicateurs de télécommunication pour la francophonie restent en deçà des chiffres moyens pour l’Europe, l’Amérique et les pays à revenu élevé en général. Les importants écarts entre pays francophones mettent l’accent sur la nécessité d’adopter des mesures destinées à réduire la “fracture numérique” entre pays francophones d’une part et le reste du monde d’autre part. La “fracture numérique” est reflétée dans la faiblesse relative de la connectivité en francophonie. Les hôtes Internet en francophonie représentaient, en juillet 1999, 5 % du total comparé à 33 % pour les sites.com, 22 % pour les sites.net et 39 % pour les autres (y compris .edu). Quant à la répartition nationale des hôtes Internet dans les pays francophones, elle montre que 48 % des sites sont canadiens, contre 24 % pour la France, et 10 % pour la Belgique et la Suisse (chiffres de juillet 1999). La répartition par continent donnerait 48 % en Amérique du Nord, 45 % en Europe de l’Ouest et 7 % pour les autres pays». Quelle est la place qu’occupent les différentes langues et cultures sur Internet et particulièrement le français ? «La fracture numérique francophone se traduit en fossé numérique quand il s’agit du contenu de la toile. Ainsi, le pourcentage de pages en anglais peut raisonnablement être estimé à 75 % du total. Dans ce cas-là, la présence absolue du français sera de 2,81 %, la plus élevée parmi les langues latines. À comparer la présence culturelle en anglais et en français sur la toile, nous remarquons que c’est la culture anglaise qui l’emporte souvent largement, ceci dans le cadre des “citations” et “des personnages” des lettres, du cinéma, de la musique ou de la chanson, les personnages politiques contemporains par exemple». La langue des utilisateurs de la toile «Si l’Internet a pris son essor en anglais, le succès même du réseau et le développement des sites entraînent un accroissement spectaculaire de la communication et des échanges dans les langues autres que l’anglais. Une enquête effectuée par Global Reach en mars 2001 précise que les anglophones connectés au réseau mondial sont en baisse et ne constituent plus que 47,5 % (chiffres de mars 2001) et les francophones représentent 4 %. De même, reflétant le grand essor économique de la Chine et sa taille, Pyramid Research prévoit qu’en l’an 2010, 40 % de la toile sera chinois. Dans cette ère dominée par la mondialisation et la globalisation, l’avenir d’une langue est intimement lié à son expression et son utilisation multidimensionnelle internationale. En ce sens, il convient d’étendre le rôle du français au sein et à l’extérieur de l’espace francophone. Il faut pour cela adopter une “approche économique” et non seulement culturelle de la langue française, ce qui se traduirait par l’adoption de politiques économiques linguistiques adaptées dans les pays francophones. De même, pour qu’une langue puisse survivre dans l’ère de la nouvelle économie, elle doit pouvoir utiliser les nouvelles technologies. Le pouvoir d’adaptation à travers l’adoption des nouveaux médias de l’information devient une priorité pour la survie d’une langue».
Le premier vice-gouverneur de la Banque du Liban, Nasser Saïdi, a prononcé un discours à l’occasion de la conférence internationale «La francophonie aux défis de l’économie et du droit aujourd’hui» qui se tient à l’USJ. Après avoir défini «la francophonie, la taille de cet espace francophone et son importance économique», M. Saïdi a évoqué dans son allocution...