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Actualités - ANALYSES

Un mot d’ordre discret de retenue glissé à l’oreille - de toutes les parties libanaises actives

So far, so good. Fait assez rare pour s’en féliciter : la rue libanaise, généralement si émotive, et si divisible, n’a pas plus réagi aux frappes américaines en Afghanistan qu’aux frappes afghanes, ou para-afghanes, en Amérique. Pour vivre heureux, vivons cachés : le moment ne se prête pas beaucoup au show off. Aussi, en attendant que la situation se décante mieux au-dehors, le pouvoir conseille discrètement aux parties prenantes locales de ne pas trop s’agiter. Ni à l’intérieur ni aux frontières. Des recommandations qui sont, semble-t-il, captées cinq sur cinq. Pour la bonne raison que l’attentisme prudent est, de toute évidence, la ligne que les décideurs eux-mêmes adoptent. Pour le moment. En tout cas, la quiétude et la stabilité sont localement les vedettes adulées de l’heure. Un constat que les chancelleries relèvent, en le mettant volontiers à l’actif des responsables, sécuritaires en tête, de ce pays. Le ministre de la Défense, M. Khalil Hraoui, souligne ainsi que les appréhensions alarmistes de certains au sujet des retombées des redoutables remous extérieurs se trouvent démenties au niveau d’un calme sécuritaire quotidien qui ne tressaute pas. Le ministre attribue le mérite du maintien de cette vitesse de croisière au plan préventif que les organismes qualifiés, l’armée, la Sûreté et les FSI notamment ont déployé après les attentats du 11 septembre. Pour plus d’efficacité, relève M. Hraoui, l’on a pris soin d’appliquer ces mesures coordonnées sans tambour ni trompette, loin de tout tapage médiatique. La population a cependant pu constater d’elle-même que le dispositif de protection des institutions à risques a été renforcé et la surveillance policière, barrages de contrôle routier ou éléments de faction aux coins des rues, considérablement accrue. Le danger de dérapages a donc été largement pris en compte et tout ce qui peut être fait pour le parer a été fait. Avec d’autant plus de soin que certaines parties étrangères, entendre sans doute en premier l’ennemi israélien, éprouvent des démangeaisons de manipulation comme de déstabilisation de la scène libanaise dans toutes les occasions «propices». Ce qui aurait pu être le cas actuellement, si le pouvoir n’était pas vigilant, avec cette guerre que Washington livre à el-Qaëda de Ben Laden. Abondant dans le sens de M. Hraoui, d’autres ministres soulignent à l’envi que la sécurité se trouve sous étroit contrôle à l’heure présente au Liban, mais sans ostentation. Car le but est de rasséréner la population, non pas de l’inquiéter ou de la plonger dans une quelconque psychose. La présence manifeste de l’armée et des FSI rassure d’autant mieux les gens qu’elle ne donne pas lieu à des vexations ou à des harcèlements. À l’instar de M. Hraoui, ces ministres croient savoir qu’il n’y a d’ailleurs pas, jusqu’à présent, d’indications laissant craindre que l’on veuille faire bouger la rue à Beyrouth comme cela s’est produit dans d’autres pays. Les formations fondamentalistes locales se tiennent à quia, n’appellent pas à des manifestations, ne lancent pas d’anathèmes enflammés contre le grand Satan américain. De leur côté, les politiciens se tiennent tranquilles et évitent toute démagogie agitatrice. Les forces hostiles à l’intervention des États-Unis se contentent d’une condamnation verbale quasi minimale, en répétant que le Liban ne doit en aucune façon se joindre à la coalition tissée par Washington. Cette retenue s’explique, redisons-le, par les contacts intensifiés développés ces derniers jours par les responsables sécuritaires avec un large éventail d’organisations communautaires, de mouvements radicaux, progressistes ou intégristes, connus pour leur antiaméricanisme viscéral. Les cadres officiels ont fait comprendre à ces formations que des débordements serviraient en tout premier lieu les desseins de l’ennemi sioniste. Qui pourrait en prendre prétexte, d’une façon ou d’une autre, pour l’ouverture d’un front contre le Liban et la Syrie. Ou pour attiser des confrontations intérieures, déstabilisant et affaiblissant le pays. En mettant à profit le fait que les Américains regardent ailleurs, pour le moment. Les conseils politiques du pouvoir aux courants concernés ont été assortis d’un net avertissement : les forces de l’ordre étoufferont dans l’œuf toute tentative de provocation et frapperont d’une main de fer quiconque voudra s’amuser à jeter de l’huile sur le feu. Répétons-le : selon les officiels, leur message a été parfaitement reçu. Et ils ont reçu en échange l’assurance que la scène libanaise ne sera pas exploitée comme tribune houleuse de protestation contre l’Amérique. De même, après les remous qui se sont produits dans les camps palestiniens, où se trouvent comme on sait des cellules qui sympathisent avec Ben Laden, les réfugiés ont eu droit à un sévère rappel à l’ordre. Certes, leur a-t-on fait savoir, leurs ghettos qui jouissent d’une extraterritorialité de fait, ne seraient pas investis manu militari. Mais verraient toutes leurs issues bloquées hermétiquement, ce qui les empêcherait de respirer. Et de vivre. D’ailleurs les cordons de surveillance autour des camps ont été considérablement resserrés ces derniers temps. De sorte que si les camps devaient encore manifester bruyamment pour Ben Laden, leur agitation ne serait pas répercutée par les médias, notamment par les télés étrangères. Le tohu-bohu voulu par certains Palestiniens resterait donc à l’état de murmure confidentiel entre quatre murs, sans impact à l’extérieur. Un coup d’épée dans l’eau, en somme. Bien entendu, derrière tout cela, il y a une étroite coordination avec la Syrie. La source sécuritaire officielle citée met l’accent sur ce point capital, dans la mesure où sans le concours de Damas, nombre de formations libanaises hostiles aux Américains ne se seraient pas laissé persuader facilement de ne pas trop s’épancher. La même source ajoute que, d’un commun accord avec la Syrie, il a été décidé de coopérer sur le plan policier avec les États-Unis. D’où de fréquentes réunions techniques, articulées autour d’un échange d’informations judiciaires sur les listes fournies par l’Interpol, entre des cadres de l’ambassade US et des responsables libanais. Il y a donc une coordination triangulaire. À ce sujet, la source officielle citée indique avoir reçu il y a deux jours un diplomate américain qui lui a remis une note d’appréciation pour le rôle du Liban dans la lutte contre le terrorisme à travers le démantèlement de ses cellules actives. Une allusion claire à l’opération qui a nettoyé l’an dernier du jurd de Denniyé les bandes proches de Ben Laden, opération qui a coûté 15 martyrs à l’arme libanaise. Dans la même note, précise le responsable, les Américains prient les Libanais de transmettre également leurs remerciements à l’armée syrienne déployée au Liban et qui contribue à contrôler les nids d’activistes. À ce propos, la même personnalité croit savoir que l’armée syrienne a sévi, sur son propre territoire comme ici, contre des organisations fondamentalistes déterminées qui avaient des bases ou utilisaient des prosélytes pour semer le trouble. Cela étant, le Liban répète qu’il ne faut pas confondre le terrorisme avec la résistance. Ni loucher du côté du Hezbollah. Cependant, cet officiel répète que jusqu’à hier jeudi après-midi, le Liban n’avait encore reçu aucune demande d’extradition de suspects libanais. En précisant que l’Interpol a bombardé Beyrouth de simples demandes de renseignements sur une quantité de noms, et que les vérifications sont en cours. Ce qui n’est pas toujours facile, indique ce responsable, car il semble que la plupart des prévenus se trouvent depuis longtemps expatriés.
So far, so good. Fait assez rare pour s’en féliciter : la rue libanaise, généralement si émotive, et si divisible, n’a pas plus réagi aux frappes américaines en Afghanistan qu’aux frappes afghanes, ou para-afghanes, en Amérique. Pour vivre heureux, vivons cachés : le moment ne se prête pas beaucoup au show off. Aussi, en attendant que la situation se décante mieux...