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Actualités - ANALYSES

L’arrêt du Conseil constitutionnel produit un contre-effet - Les nominations administratives, et la réforme, dans l’impasse

Le doyen devrait être le cadet des soucis du pouvoir. Pourtant ce poste académique, respectable mais peu doté même en termes d’influence politique, provoque aujourd’hui une empoignade homérique entre les dirigeants. Ils se déchirent à belles dents pour savoir qui placer, chacun ayant son homme en course. Et la même chose pour les autres nominations administratives de première ou de deuxième catégorie. Le processus est dans l’impasse. Pourquoi ? Bizarrement, par respect de la loi ! En effet, pour une fois, la toute première du reste, les présidents avaient conclu avant-dire droit un gentleman’s agreement solennel : on allait procéder au pourvoi aux postes vacants loin de tout esprit de partage du gâteau. Noble abnégation. Pour la concrétiser, on allait déléguer le pouvoir de sélection au Conseil de la fonction publique. Autant dire le pouvoir de nomination. Ce qui, au niveau de l’autorité politique, constitue étrangement de l’abus de pouvoir par soustraction ! Le Conseil constitutionnel, saisi par un recours signé de dix députés, ne s’y est pas trompé. Et il a cassé la procédure sans coup férir. L’on s’est donc rabattu sur les bonnes vieilles mauvaises habitudes. Et la troïka, ce système à querelles, a repris corps. Rouvrant du même coup les vannes aux innombrables appétences des non moins innombrables politiciens du cru et autres gens d’influence. C’est la curée. Pour la trentaine de postes de première catégorie à pourvoir, vingt fois plus de demandes d’emploi pistonnées. Et le gouvernement a buté sur le tout premier écueil, la désignation d’un certain nombre de doyens de faculté à l’Université libanaise. Comment en sortir, comment s’en sortir ? Retour à l’antique solution bancale : on va négocier, dépatouiller les dossiers un par un, et là où l’on arrive à s’entendre, on proclame les désignations. Qui se feraient dès lors, si elles se font, par étapes et non en un seul panier. En deux mots comme en mille, avec une telle méthode, bye bye la réforme administrative. Pour l’heure un constat s’impose : l’entente des piliers de la République au sujet des périls extérieurs, la position unifiée qu’ils défendent, ne s’étend pas à la lice intérieure. Leur sens de l’intérêt national bien compris ne va pas jusque-là. Malgré le fait, très évident, que sans cohésion étatique dans la gestion des affaires publiques, le pays a peu de chances d’échapper à une aggravation de la crise socio-économique. Cette contradiction absurde, cette sourde lutte d’influence aux dépens de la population, des députés opposants comptent la critiquer sévèrement lors du débat budgétaire à la Chambre. Sans provoquer vraisemblablement autre chose qu’une tempête dans un verre d’eau. En effet, pour ne pas dévaluer la teneur ubuesque, courtelinesque de la pièce tragi-comique qui se joue sur la scène locale, des ministres se proposent de remettre vertement à leur place ces parlementaires ronchonneurs. En leur imputant, avec aplomb, la responsabilité de la déliquescence ambiante, du moment que sans le recours des députés devant le Conseil constitutionnel, le programme assaini de nominations aurait marché comme sur des roulettes. Un contre-argument un peu faiblard cependant. Car, comme le soulignent les opposants et nombre d’observateurs indépendants, rien ne dit qu’au moment de signer les décrets, pouvoir qu’ils ne peuvent quand même pas refiler au Conseil de la fonction publique, les présidents ne se seraient pas ravisés, pour se disputer derechef. Toujours est-il que, comme le déplore le ministre Georges Frem, on se retrouve à cause de l’esprit politicien, en plein magma traditionnel, para-féodal, sans cette possibilité de procéder enfin à la réforme administrative que permettait d’espérer la loi initiale désavouée par le Conseil constitutionnel. S’engouffrant bien vite dans la brèche, des ministres s’empressent actuellement de recruter à tour de bras, en puisant dans leur clientèle politique des fonctionnaires contractuels. Ce qui provoque, au niveau de la deuxième catégorie, une aggravation des équilibres confessionnels, notamment dans les départements des Finances, de l’Énergie, des Eaux et de l’Agriculture. Quant au staff administratif directeur du Parlement, il est monochrome. Pour la bonne raison que le statut de la Chambre échappe évidemment aux effets du décret 112 sur l’Administration comme au contrôle des organismes qualifiés du genre Conseil de la fonction publique ou Inspection centrale. Ce personnel, le chef du Législatif en dispose comme il veut. Ce qui prouve du reste qu’il se montre conséquent avec lui-même. Car il est l’un des tout premiers à refuser le concept de partage du gâteau. Tout comme il est l’un des tout premiers à défendre les causes populaires. L’on apprend ainsi que sur son inspiration des députés comptent signer une pétition réclamant l’abolition de la surtaxe de 3 000 LL sur l’essence décidée par le gouvernement pour se faire un peu de sous et réduire un tantinet le taux effarant de croissance de la dette publique. Retour à la case départ pour finir : cette revendication des députés, ils le reconnaissent en privé, vise essentiellement à faire pression sur le président du Conseil. Pour qu’il lâche du lest en matière de nominations administratives en faveur du président de la Chambre. Dont tout le monde admire, depuis longtemps, depuis toujours, le bel appétit.
Le doyen devrait être le cadet des soucis du pouvoir. Pourtant ce poste académique, respectable mais peu doté même en termes d’influence politique, provoque aujourd’hui une empoignade homérique entre les dirigeants. Ils se déchirent à belles dents pour savoir qui placer, chacun ayant son homme en course. Et la même chose pour les autres nominations administratives de...