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Actualités - BIOGRAPHIES

Portrait - Le successeur de Mounir Hajj a plus d’un tour dans son sac - Un parcours en dents de scie - et la tenace volonté d’arriver

«Jamil Sayyed (l’actuel directeur de la Sûreté générale), euh, pardon, Karim Pakradouni est le nouveau chef du parti Kataëb». Ce lapsus intentionnel d’un membre de l’opposition Kataëb en dit long sur l’état d’esprit de certains partisans anciens ou actuels. Mais le nouveau chef n’a que faire de ce genre d’état d’âme. C’est la première fois après une longue carrière riche en bouleversements de toutes sortes que, lui, l’éternel second pour cause de non-maronité et non-appartenance à une famille politique traditionnelle, occupe enfin la première place. Que le parti soit désormais exsangue et qu’il ait fallu conclure plus d’un compromis pour en arriver là lui importent peu, Karim Pakradouni parvient difficilement à cacher sa joie. Son élection, c’est une sorte de revanche sur tout ce que la vie – qui l’a pourtant doté d’une intelligence hors pair – lui avait refusé jusque-là. Et les compromis, après tout, jalonnent toutes les carrières politiques. À un journaliste qui lui demandait, il y a quelque temps, comment il faisait pour modifier aussi souvent ses options, Karim Pakradouni a lancé avec son inégalable sens de l’humour : «Je suis en tout cas toujours fidèle à une ligne, la mienne». Et si celle-ci dessine des méandres, voire des labyrinthes, qu’importe : l’objectif principal reste le même : permettre au brillant avocat de sa propre cause d’influer sur le cours des événements. Toute sa carrière politique, entamée il y a plus de quarante ans dans le parti Kataëb, est d’ailleurs dictée par cette volonté. D’abord simple militant, il a très vite gravi les échelons au sein du parti, sans jamais toutefois parvenir au sommet, pour cause de handicaps majeurs selon la logique Kataëb : non-maronité et non-appartenance à une famille politique traditionnelle. Et s’il lui est arrivé, au fil de son parcours, d’être parfois plus influent que les tenants du titre, il n’avait, avant cet historique 4 octobre, jamais pu occuper officiellement les devants de la scène. Connaissances, éloquence et flair politique Dieu sait pourtant si le nouveau chef du parti a toujours aimé les projecteurs, qui le lui rendent bien d’ailleurs. Même dans les périodes noires, où il se faisait politiquement tout petit, il a toujours été sollicité par les médias, adaptant son titre aux exigences de l’heure : politicien, chef militaire, stratège, intellectuel, défenseur des syndicats…tout y est passé et les journalistes y trouvaient leur compte, sachant qu’une interview avec Pakradouni est toujours intéressante, à cause de ses connaissances immenses, son flair politique et son éloquence. Quelles que soient les circonstances, il affiche toujours une aisance à toute épreuve et, avec son sens de la formule, il n’a cessé de faire le bonheur d’une presse cherchant désespérément à préserver un certain niveau dans les analyses et les informations. Et si, jeudi, au siège central du parti qu’il fréquente depuis si longtemps, il voulait avoir la victoire digne et modeste, sa joie éclatait dans ses gestes amples, ses étreintes serrées à ses alliés et son sourire large. Ses détracteurs ont beau laisser entendre qu’en faisant de lui son cinquième président, le parti a opéré un virage politique considérable, en rupture avec sa vocation initiale, la réalité est tout autre. Une double passion pour la politique et le pouvoir Le virage a été effectué il y a longtemps déjà, avec l’accord de Taëf précisément, et l’élection de jeudi est une victoire personnelle pour Karim Pakradouni, l’homme aux choix multiples, sans doute, mais au visage inchangé. Car, en dépit de ses volte-face, Pakradouni est toujours resté fidèle au parti Kataëb et même lorsque les Forces libanaises, au sein desquelles il occupait de hautes fonctions, étaient à leur zénith, il n’a jamais renoncé au parti qui lui a permis de se livrer à sa double passion la politique et le pouvoir. Qu’il ait, avec désinvolture, erré entre le père et les deux frères, puis coupé les ponts avec la famille pour rechercher des alliés au goût du jour, oscillant entre Samir Geagea et le général Aoun, avant de se lancer dans un loyalisme quelque peu inattendu, ne sont pas, somme toute, des entorses bien graves. Qu’il ait aussi noué des amitiés dangereuses tantôt avec des responsables syriens, puis avec d’autres palestiniens, sans oublier quelques Irakiens et Jordaniens, ne constituent pas non plus des fautes graves puisqu’il est toujours resté dans le giron arabe. D’ailleurs, Karim Pakradouni a toujours eu le don de ne jamais couper définitivement les ponts, avec ses compagnons, ses alliés, ses connaissances ou ses amis, devenant ainsi un personnage incontournable non seulement dans la planète Kataëb (le satellite devrait-on dire désormais), mais aussi dans le paysage politique général. C’est donc un peu grâce à (ou à cause de) lui que les kataëb de l’après-Taëf ont établi des liens aussi étroits avec les partis dits nationalistes, au point qu’à un moment donné, les communiqués des Kataëb semblaient signés par le PSNS, le PCL ou d’autres formations de la même mouvance. Mais ce même homme très à l’aise lorsqu’il est entouré sur les tribunes de ses collègues des partis de gauche a aussi défendu avec beaucoup de virulence le leader des Forces libanaises dissoutes Samir Geagea, à la demande expresse de ce dernier, dans le procès de l’assassinat de Rachid Karamé. Ce qui lui a d’ailleurs valu des menaces de poursuites judiciaires à peine voilées de la part du procureur général Adnane Addoum, mais lui a permis de rester en contact avec la base, cette jeunesse déroutée qui attend aujourd’hui qu’on lui trouve de nouvelles motivations pour poursuivre la lutte. Charismatique, Karim Pakradouni a de nombreux atouts pour réussir ce pari, mais son principal handicap est qu’en raison des rebondissements de sa carrière, il manque de crédibilité aux yeux de certains. Reste à savoir si, en tant que chef du parti, il parviendra à effacer l’image de versatilité qui lui colle à la peau.
«Jamil Sayyed (l’actuel directeur de la Sûreté générale), euh, pardon, Karim Pakradouni est le nouveau chef du parti Kataëb». Ce lapsus intentionnel d’un membre de l’opposition Kataëb en dit long sur l’état d’esprit de certains partisans anciens ou actuels. Mais le nouveau chef n’a que faire de ce genre d’état d’âme. C’est la première fois après une...