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Actualités - ANALYSES

VIE POLITIQUE - Le débat sur le sort du cabinet est relancé - Joumblatt sème le trouble dans le camp loyaliste

M. Walid Joumblatt est un animateur-né. Au moment où l’on s’y attend le moins, il réussit à secouer le cocotier par des prises de position ou des propositions acérées. Ainsi, il vient de jeter un gros pavé dans la mare en réclamant un changement de cabinet. À l’en croire, certains ministres ont échoué et se trouvent même «finis». Il ajoute, élément notable ou clin d’œil en direction de l’Est, qu’il faut une meilleure «participation politique». Bien entendu, cette attaque soudaine a aussitôt suscité une vive fébrilité chez l’opposition classique. Comme dans les salons politiques où pullulent les ministrables dormants. Pourquoi ? Parce que le leader du PSP étant le principal allié de M. Rafic Hariri, l’on s’est tout de suite imaginé que ce dernier était d’accord pour une pareille relance. Or, il n’en est rien. Les lieutenants du président du Conseil se disent les premiers surpris par l’initiative de M. Joumblatt. Ils y voient l’expression d’un point de vue tout à fait singulier. En se refusant poliment à classer de tels propos dans la catégorie «divertissement», ou «poudre aux yeux», généralement attribuée aux rumeurs sur un changement ministériel hors-série. Selon les haririens, même un simple remaniement serait actuellement inopportun, de l’avis commun du chef de l’État et du Premier ministre. Pour sa part, M. Hariri n’a paru faire aucun cas des offres brusques de son allié. Du moins publiquement. Car en privé, comme l’indiquent des sources fiables, il s’est enquis des raisons véritables qui ont pu pousser M. Joumblatt à accuser de faillite une partie du gouvernement. Le président du Conseil, précisent ces sources, a tenté de se renseigner auprès de l’un des ministres joumblattistes, M. Ghazi Aridi. En s’étonnant que M. Joumblatt ne s’en soit pas ouvert à lui avant de confier son mécontentement aux médias. D’autant que le leader du PSP a multiplié dans son intervention les remarques d’importance, notamment au sujet de la situation économique. Qu’il décrit comme une crise d’une gravité telle qu’à son avis le pouvoir devrait en faire franchement état devant l’opinion publique. M. Joumblatt a de plus évoqué, comme on sait, des questions plutôt sensibles comme l’électricité, les biens domaniaux maritimes, les soins hospitaliers militaires et les carrières. Cela étant, il semble évident à première vue que ni les circonstances régionales ni les échéances intérieures, comme le débat sur le budget, ne permettent de changement ministériel pour l’heure. De plus, M. Joumblatt dispose au sein de l’équipe actuelle de trois portefeuilles, et il est peu probable qu’une part aussi consistante lui soit réservée dans une autre formation. Quant à M. Hariri, s’il devait se succéder à lui-même, il lui serait sans doute difficile, dans une nouvelle combinaison, de garder son quota de douze ministres. À supposer que l’on décide de mettre sur pied un gouvernement de salut public économique, comment le former ? De leaders de premier plan ? Qui sont-ils, combien y en a-t-il et en trouve-t-on dans toutes les communautés, notamment chez les maronites ? On sait en effet que cette composante sociopolitique n’a plus, comme jadis, de figures de proue incontournables pour la représenter. L’ère des Camille Chamoun, Sleiman Frangié, Pierre Gemayel et autres Raymond Eddé est révolue. Aujourd’hui les personnalités maronites les plus charismatiques se trouvent pratiquement hors-jeu, en exil, en prison ou en situation de marginalisation politique. Alors, se rabattre sur des spécialistes, sur des technocrates ? Inutile, car l’expérience a montré que faute d’autorité ou d’aura politique pour appliquer ses décisions, un gouvernement n’existe pas. Certains proposent donc que l’on opte pour une formule panachée d’experts et de politiciens. En précisant que les ministres devraient inspirer confiance au-dehors comme à l’intérieur, qu’ils soient probes, compétents, transparents, bien soudés. Et que toutes les questions litigieuses non liées au dossier économique devaient être gelées. Autant dire que la suggestion est utopique, irréalisable. Il reste cependant qu’elle permet de dégager un indice d’opinion, dans la mesure où elle traduit une tendance générale faisant de la crise économique la priorité des priorités. Les Libanais se soucient en effet beaucoup plus de leurs problèmes de subsistance que de questions comme l’envoi de l’armée au Sud, le redéploiement ou le retrait syrien et la libération de Chebaa. C’est sans doute ce qu’a voulu signifier M. Joumblatt, en réclamant une ligne économique nouvelle, distincte du programme adopté par le gouvernement en place. Et en soulignant que le discours politique doit lui aussi changer, à la lumière des données issues du 11 septembre. Ce qui implique, selon ses (nouveaux) dires, qu’il faut consolider les liens avec la Syrie, qu’il est inopportun de parler de l’application de Taëf. Dès lors, sur le plan économique, M. Joumblatt semble se dissocier de son allié M. Hariri. Et, sur le plan politique, il a l’air de prendre ses distances par rapport à Bkerké et à Kornet Chehwane.
M. Walid Joumblatt est un animateur-né. Au moment où l’on s’y attend le moins, il réussit à secouer le cocotier par des prises de position ou des propositions acérées. Ainsi, il vient de jeter un gros pavé dans la mare en réclamant un changement de cabinet. À l’en croire, certains ministres ont échoué et se trouvent même «finis». Il ajoute, élément notable ou clin...