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Actualités - BOOK REVIEWS

VIENT DE PARAITRE - « Privilège des morts », de Vénus Khoury-Ghata

Dédié à sa sœur May Menassa, qui vient par ailleurs de signer aussi une nouvelle œuvre en arabe, Vénus Khoury-Ghata continue allègrement sa «petite musique de Vinteuil» littéraire. Quatorzième roman d’une femme de lettres qui cultive avec une délicieuse et paradoxale irrévérence les notions d’irréalisme et de malicieux clins d’œil à la réalité. Toujours inspirée d’une terre qu’elle ne semble avoir jamais abandonnée, cette femme poète a le discours éminemment lyrique. Privilège des morts (Éditions Balland-174 pages) rejoint en toute fidélité l’esprit de ses ouvrages antécédents où elle use avec subtilité des formules à la fois lapidaires et sibyllines et jongle d’une manière jubilatoire avec les situations les plus étranges, les plus cocasses et les plus surréalistes, sans oublier des envolées à la sensualité déroutante. Privilège des morts, des mots ou de la fiction ? Roman à clefs ou simple fabulation d’un paysage, d’une terre et des personnages qui la marquent comme au fer rouge… Narration délibérément chaotique, comme les images d’un film de Bunuel ou les histoires d’un Marquez, avec en plus cet indéfinissable parfum d’orientalité que l’auteur semble toutefois vouloir absolument brouiller. Soleil, poussière et mer d’un pays qui ressemble au nôtre mais qui n’est pas lui. Plume prestidigitatrice et fuyante qui change tout mais laisse de petits signes comme les cailloux du petit Poucet pour retrouver le droit chemin. Tout d’abord l’histoire, qui n’est jamais linéaire chez Vénus Khoury-Ghata. Revenue dans l’île de Khalfi, vingt ans après, à la demande d’un notaire qui lui apprend que son ex-mari lui lègue tous ses biens, Hélène est accueillie par Magdalena, son ancienne servante. Que Magdalena soit morte il y a longtemps n’est pas la moindre des surprises qui constituent les mailles de ce roman à la fois déroutant, baroque, à la fois sensuel et pudique. On y voit surtout un homme, Johannis, détruire une montagne pour bâtir une cité sur la mer. Ce bâtisseur, «assassin de la nature, visionnaire délirant» que l’auteur emprisonne dans cette formule : «Vider la montagne pour betonner la mer est à la portée de n’importe quel entrepreneur…». D’autres personnages, moins denses et plus farfelus – Dimitra, Angelo, Sophia, Evguenia – errent entre passé et folie, entre songe et réalité. Pour Hélène, c’est sûr il s’agit presque d’un règlement de compte. Pour cela, elle emboîte ses pas dans le dédale d’autrefois et affronte le passé pour mieux triompher du présent. L’ombre des morts n’est ici que pour mieux éclairer les vivants. Omniprésence de la poésie avec Vénus Khoury-Ghata dans ce roman au titre grave mais à la trame captivante, à l’humour emporté et où l’on sourit en lisant toute «la méditerraneité» de ce «fromage à thym» qu’elle évoque avec tant d’heureuse gourmandise.
Dédié à sa sœur May Menassa, qui vient par ailleurs de signer aussi une nouvelle œuvre en arabe, Vénus Khoury-Ghata continue allègrement sa «petite musique de Vinteuil» littéraire. Quatorzième roman d’une femme de lettres qui cultive avec une délicieuse et paradoxale irrévérence les notions d’irréalisme et de malicieux clins d’œil à la réalité. Toujours...