Rechercher
Rechercher

Actualités - BIOGRAPHIES

Monsieur Élie, figaro - de l’hôtel « Phoenicia »

Il s’appelle Élie Sfeir, mais tout le monde se souvient de Monsieur Élie. Monsieur Élie aux ciseaux d’or a assisté à la naissance et la grandeur de l’hôtel «Phoenicia» où il a «fait les plus grosses têtes» libanaises et étrangères. Souvenirs, souvenirs… L’hôtel Phoenicia… Plus tout à fait le même, pas tout à fait un autre. Il s’en dégage encore un puissant parfum d’antan que de nombreux nostalgiques viennent retrouver, fouinant inlassablement dans les coins et recoins, à la recherche du temps perdu. En s’aventurant un peu plus loin et presque cachés, ils tomberont, étonnés mais heureux, sur la façade d’un salon de coiffure pour homme sur laquelle ils pourront clairement lire : «Élie, At the barber shop, since 1962». Pousser donc la curiosité un peu plus loin, pousser la porte d’entrée et pénétrer ce fameux salon du passé. Lui aussi plus tout à fait le même et pas tout à fait un autre. Les murs y sont clairs, les fauteuils tentants, les instruments de travail, palette de peintre inspiré, impeccablement alignés devant le grand miroir. Partout, des photographies en noir et blanc viennent rappeler les bons moments. Monsieur Élie – qui ne reçoit que sur rendez-vous – est présent, comme prévu, comme tous les matins, depuis plus de trente ans. Les cheveux blancs, aussi blancs que sa blouse très blanche, le visage sérieux, l’expression stricte, il avoue : «Je ne sais pas parler sans ma blouse blanche». Il s’en va donc revêtir sa tenue préférée, une longue blouse immaculée qui lui va comme un gant. «J’ai toujours aimé l’ordre, il n’y a plus d’ordre de nos jours» La discipline, en même temps que sa fonction de figaro pour hommes, Môssieur Élie va l’acquérir en travaillant dans les plus grands hôtels du pays. Il accomplira ses premiers coups de ciseaux à l’hôtel Gebeily de Aley avant de «descendre» vers la capitale et d’intégrer les salons de l’hôtel Saint-Georges, «le premier grand hôtel de Beyrouth» où il apprendra durant 13 ans, de 1949 à 1962, cette fameuse discipline dont il ne s’est plus jamais départi. «Nous travaillions de 7h30 à 19h30. Il nous était interdit de manger, de boire, de fumer dans le salon. L’uniforme était obligatoire. C’est là que j’ai appris la rigueur». La belle époque La rigueur ne l’empêchera bienheureusement pas de continuer à rêver. «L’hôtel Phoenicia était en construction, je le voyais tous les jours se transformer. Mon instinct me disait que j’y ferais quelque chose». Son instinct et la chance vont en effet l’aider. «Le directeur du Phoenicia, M. Lambert, à la recherche d’un coiffeur pour son futur salon, est venu se faire couper les cheveux au Saint-Georges». M. Lambert apprécie son coup de ciseau. Sept mois de négociations plus tard, le jeune Élie traverse la rue. Une nouvelle carrière s’offre à lui. «Je n’oublierais jamais la gentillesse et la générosité de Nagib bey Salha, et plus tard celles de ses enfants. Cet homme fut très important dans ma vie, il m’a fait confiance et m’a fait sentir dès les premiers jours que j’étais “chez moi”». Chez lui viendront défiler les plus grands, hommes politiques, écrivains, présidents, ministres et princes arabes, de Sabri Hamadé à Georges Naccache en passant par Saeb Salam, René Moawad ou encore Riad Taha. «J’aime les clients difficiles. Même les locataires du Holiday Inn venaient se coiffer chez nous ! Grégoire, alors grand coiffeur français, nous avait appris une méthode pour travailler vite et bien, et faire de l’argent ! Cinq clients étaient “préparés” en même temps, il ne fallait pas compter plus de 10 à 12 minutes par coupe. J’ai adoré ça ! D’autres coiffeurs coupaient peut-être mieux que moi, mais un salon aussi discipliné, qui ne prenait que sur rendez-vous, au Liban, ça ne s’était jamais vu !». Durant treize ans, Monsieur Élie va faire honneur à son titre. Il abandonnera ses rêves de gloire un triste samedi noir de 1975. «J’ai ensuite travaillé quelques mois au Casino du Liban avant d’ouvrir mon propre salon à Tabaris puis à l’Espace 2000, en 1979 ; et me revoilà – enfin – à l’hôtel Phoenicia. Les gens me croyaient fou lorsque je disais que j’y reviendrais un jour !». Sa phrase pas vraiment achevée, Monsieur Élie s’interrompt en s’excusant. Il reçoit son premier client. «Maintenant, je ne peux plus vous parler. Je ne parle jamais quand je coupe, jamais». Et c’est dans un silence sacré, sous les yeux fascinés des assistants et ceux fermés mais ravis du client que débutent les fameuses douze minutes de coupe. Un véritable spectacle digne des plus grands tours de magie, où le figaro de ces messieurs va jongler avec ses ciseaux, ses doigts, son regard. Puis il ressortira de sa manche le blaireau et le rasoir, et se chargera de la barbe de l’heureux privilégié déjà au septième ciel. Le massage facial va clôturer ce moment de bonheur, avant que notre magicien ne cède la place à ses assistants. «Je n’ai jamais accepté de faire un brushing. Moi, je coupe !». Bis, Monsieur Élie, vous avez vraiment mérité votre titre et votre trône !
Il s’appelle Élie Sfeir, mais tout le monde se souvient de Monsieur Élie. Monsieur Élie aux ciseaux d’or a assisté à la naissance et la grandeur de l’hôtel «Phoenicia» où il a «fait les plus grosses têtes» libanaises et étrangères. Souvenirs, souvenirs… L’hôtel Phoenicia… Plus tout à fait le même, pas tout à fait un autre. Il s’en dégage encore un...