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Actualités - REPORTAGES

FRANCOPHONIE - Un atelier de peintres, sculpteurs et photographes de 13 pays francophones à Tripoli - « Artistes en création » : un mois de travail en commun

Dans le cadre des activités culturelles qui accompagnent (ou précèdent) la tenue du IXe sommet de la francophonie à Beyrouth en octobre prochain, un atelier d’artistes de différentes nationalités et spécialités a débuté hier à Tripoli. Mis en place par l’Agence intergouvernementale de la francophonie, en collaboration avec le ministère libanais de la Culture et la municipalité de Tripoli, il a pour objectif de stimuler les échanges artistiques et humains entre ces peintres, sculpteurs et photographes en provenance de différents pays francophones. À l’issue de cet atelier autour du thème «Le dialogue des cultures» qui se tiendra jusqu’au 20 octobre à la Foire internationale Rachid Karamé, une sélection des œuvres créées durant ce séjour fera l’objet d’expositions itinérantes. Trois étapes sont déjà fixées : al-Rabita al-Sakafia à Tripoli du 20 au 31 octobre ; Khan el-Franj à Saïda, du 1er au 7 novembre ; et le Village de la francophonie à Beyrouth, à partir du 8 novembre. Petite présentation des participants à cette réunion d’artistes, intitulée : «Expression plurielle en francophonie : l’art contemporain entre tradition et modernité». – Oert Miziri, Albanais, est un jeune artiste de 24 ans, un peu intimidé par cette première sortie hors de son pays. Il a néanmoins déjà à son actif une douzaine d’expositions dans la capitale albanaise, car il a opté très tôt pour la peinture et la sculpture, en s’orientant dès l’âge de 15 ans vers le lycée artistique avant de poursuivre ses études à la faculté des beaux-arts de Tirana. L’idée qu’il compte développer à Tripoli pour représenter sa vision de l’expression plurielle en francophonie est quelque peu insolite : il s’agira de portraits de coureurs de marathon ! – Marie Blanche Honorine Ouedraogo, 30 ans, est une artiste confirmée du Burkina Faso. Elle a déjà participé à plusieurs expositions en Afrique et en Europe, notamment en France, en Allemagne, en Suisse, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Cameroun… Elle a également été sélectionnée en 1999 pour représenter son pays à la Biennale des arts en Égypte. Cette artiste a un style propre à elle : «Un mélange de figuratif et d’abstrait à forte consonance poétique». Elle est ravie de participer à cet atelier, son large sourire en témoigne. Elle a déjà tout préparé, même le titre de sa toile, Un jour, une heure dans la nuit. «Il s’agit, explique-t-elle, d’un tableau – à base d’acrylique et de pigments naturels – composé de plusieurs toiles, qui pourront être assemblées pour former un grand panneau, ou dissociées». – Georges M’Bourou, 35 ans, est un artiste gabonais, dont le travail reflète son attachement à l’amour, aux femmes et aux paysages lactiques. Les critiques de son pays définissent son langage pictural comme étant «une peinture qui sort de l’eau». Il a déjà participé à de nombreuses expositions en Afrique et en Europe. Tout comme il a obtenu la médaille de bronze en peinture, en 1997, lors des 3es Jeux de la francophonie à Madagascar. S’il n’a qu’une idée vague de l’œuvre qu’il va créer à Tripoli, Georges M’Bourou sait néanmoins qu’«elle sera porteuse d’amour, d’espoir et de solidarité». Il va évidemment s’inspirer des lieux, des sites et des gens visités ou rencontrés durant son séjour pour les retranscrire en peintures dans une palette de couleurs vives et dans un style figuratif symbolique. Récupération et proverbes arabes – Ali Garba, 32 ans, du Niger, est un plasticien, décorateur, comédien et musicien. Il enseigne le dessin et la peinture à Niamey, où il réside. C’est avec des matériaux de récupération, des objets divers et des pigments naturels qu’il mélange à l’huile ou à l’acrylique, qu’il élabore ses toiles abstraites. «Mon travail consiste essentiellement dans la recherche de signes, symboles et supports utilisés dans les sociétés traditionnelles», dit-il. À Tripoli, la série de toiles qu’il compte peindre sera inspirée de ses rencontres, de ses échanges avec les autres artistes mais aussi des trouvailles et matériaux de récupération qu’il découvrira sur place. – Martin Desilets, 32 ans, peintre canadien du Québec, a jusque-là essentiellement travaillé et exposé entre le Québec et Montréal. Lauréat de plusieurs prix et bourses dans son pays, il a représenté le Québec lors de l’exposition organisée au Musée des beaux-arts du Canada, à l’occasion des 4es Jeux de la francophonie qui se sont tenus à Hull-Ottawa, en juillet 2001. Son style conceptuel mêle textes et images. «Je travaille beaucoup sur les proverbes, en les parodiant. Là, je vais sans doute puiser dans le registre des proverbes arabes», dit-il. Martin Desilets est également chroniqueur d’art dans des revues artistiques au Canada. À ce titre, il est doublement heureux du dépaysement que lui offre cette résidence d’artistes au Liban, parce qu’ «il y a là matière à échanges au niveau de la création tout comme au niveau de la découverte du paysage artistique libanais. Je compte bien d’ailleurs faire le tour des expositions et des galeries du pays en vue d’un article sur l’art au Liban», explique-t-il. – Younes Rahmoun, 26 ans, artiste peintre et installateur marocain, est diplômé de l’Institut national des beaux-arts de Tétouan (Maroc). Ses créations mêlent traditions et modernité, autant au niveau de la forme que du fond. Ce n’est pas son premier travail à l’étranger. Il a exposé en France, en Espagne et à la Biennale des arts de Dakar, au Sénégal. Il va présenter à Tripoli une installation dont il a déjà conçu les grandes lignes. Ce sera un cercle composé de 99 boules en papier d’aluminium. «Je réalise souvent de grandes installations à partir d’une succession de petits éléments», indique-t-il. Cette sorte de collier géant en boules d’aluminium est censée représenter de multiples facettes culturelles du Maroc. «Le nombre équivaut à celui des différents attributs d’Allah. Le cercle représente ce qui entoure La Mecque, et la boule est une forme qui revient dans nos traditions, notamment culinaires. Chez nous, on mange le couscous à la main, en prenant une poignée et en la roulant dans la paume en petite boule avant de la porter à la bouche». Sites, architecture et musique – Camara Gueye, 33 ans, est peintre et sculpteur sénégalais. Diplômé des Beaux-Arts de Dakar, il a participé notamment aux deux dernières éditions de la Biennale de Dakar (en 1998 et en 2000), ainsi qu’à l’exposition «L’art dans le monde», organisée par les Musées de Paris, sous le pont Alexandre III. Il privilégie dans ses œuvres la figure humaine. Son style est figuratif, spontané. – Wafaa Manafikh, 27 ans, est une jeune artiste libanaise, originaire de Tripoli, diplômée des beaux-arts de l’Université libanaise en 1996. Elle a participé à une quinzaine de petites expositions au Liban. Son style est impressionniste, avec une note de fraîcheur dans les thèmes et la palette de couleurs. Cet atelier est une expérience nouvelle pour elle. Elle a déjà choisi son projet. Une série de toiles à l’huile et à l’aquarelle, de petites et moyennes dimensions, et qui représenteront des paysages «tripolitains» mixés, entre sites historiques et vues actuelles. – Lina Moukkadem, 31 ans, est également originaire de Tripoli, où elle vit, travaille et enseigne les arts plastiques dans un lycée. Après des études supérieures de peinture à l’Université libanaise, elle part à Paris suivre des cours de langue et de civilisation française. Elle travaille l’acrylique avec une technique spéciale : au couteau et au rouleau. Elle a aussi une idée très précise des peintures qu’elle va réaliser dans le cadre de cet atelier. «Une grande toile et deux plus petites, qui illustreront l’échange des cultures, au moyen de la musique et de l’architecture de l’ancien Tripoli. Je représenterai des musiciens ou des formations musicales occidentales, classiques ou de jazz, dans des paysages historiques de la ville». – Hossam Hatoum, 40 ans, mosaïste et sérigraphe libanais, est diplômé des Beaux-Arts de Beyrouth. Il a ensuite suivi une formation en sérigraphie à l’École nationale des arts décoratifs à Paris. Il a participé à de nombreuses expositions dans les pays arabes, en Europe et au Bagladesh en 1999 dans le cadre de la Biennale des arts asiatiques. L’originalité de ses compositions mosaïques en pâte de verre, marbre et ardoise lui vaut une reconnaissance internationale. – Rudy Rahmé, 35 ans, sculpteur et peintre libanais, est originaire de la région des Cèdres. Il a à son actif la plus grande sculpture végétale au monde, Le cèdre de Lamartine, un arbre de 32 mètres de haut, qu’il a entièrement sculpté. Il est également poète, peintre et l’inventeur d’une nouvelle technique – brevetée en son nom à Florence – pour fixer le fusain sur la toile. – Joël Mpah Doh (Cameroun), 45 ans, est plasticien depuis 13 ans. Diplômé du Conservatoire municipal des beaux-arts d’Amiens (France), il vit et travaille à Douala. À cheval entre la peinture, la sculpture et l’installation, ses œuvres ont été remarquées notamment lors de la Biennale des arts de Dakar (Dak’art 98), au Sénégal. Joël Mpah Doh n’en est pas à sa première résidence d’artiste. «Le regard et les gestes des gens forment la toile de fond de mon œuvre, indique-t-il. J’essaye d’en faire une description, sans volonté d’organisation. Je récupère dans mon environnement des choses qui me parlent et je les insère dans mon travail». Pour lui, «l’art contemporain nous donne la possibilité de nous exprimer librement. C’est donc une forme d’expression de liberté». En ce qui concerne l’œuvre qu’il réalisera à Tripoli, «je vais d’abord m’imprégner, puis je verrai», affirme-t-il. Il sait toutefois que ce sera une toile «car comme, au départ, je n’avais pas la configuration exacte du site où nous allions travailler, j’ai pensé qu’il valait mieux faire léger puisque je sais, par expérience, que le transport est un élément avec lequel il faut souvent compter». S’il a une écriture propre à lui, il sait aussi qu’elle sera forcément «teintée» par l’environnement et par l’expérience qu’il vivra au Liban avec les autres artistes du groupe. La réalité transformée – Jutta Burger (Suisse), 31 ans, est photographe. Diplômée de l’École des arts appliqués de Vevey, elle avait entrepris, avant de s’intéresser à la photo, des études de psychologie et de philosophie. Aujourd’hui, elle est également documentaliste et archiviste d’images à l’agence Keystone à Zurich. Lorsqu’on lui propose de participer au projet «Artistes en création», elle dit oui, tout de suite, «parce que visiter le Liban est un de mes vieux rêves, et aussi parce que l’échange entre artistes est pour moi une expérience nouvelle, qui m’intéresse beaucoup. Je suis très contente d’être là, et aussi très curieuse», confie-t-elle dans un sourire. Jutta Burger n’a pas de thèmes généraux dans son œuvre. Son dernier travail concernait l’eau. «Mes photos sont classiques», précise-t-elle. Pour Tripoli, elle a bien une idée de ce qu’elle a envie de faire, mais préfère ne pas encore la dévoiler. «Cette idée est plutôt un cadre, qui me laisse une grande marge de liberté et d’inconnu. Mais je pense qu’avec le peu de temps qu’il nous est accordé, il est bien d’avoir une idée de base, même si elle doit beaucoup changer par la suite». – Ananias Leki Dago (Côte d’Ivoire), 30 ans, est photographe depuis 1990. Formé à l’École des beaux-arts d’Abidjan, il est aussi diplômé de l’Institut national supérieur de l’action et de l’animation culturelles. Il a participé à de nombreuses expositions en Afrique et en Europe, ainsi qu’à plusieurs résidences d’artistes. Dans son pays, Ananias Leki Dago est le photographe officiel du Masa (Marché des arts du spectacle africain) pour ses trois dernières sessions (1997, 1999, 2001). Enfin, il est l’organisateur du «Mois de la photographie» dont la première édition a eu lieu en mars 2000. – «Mon regard est plutôt un regard d’humaniste, mais avec une écriture assez particulière ; un regard photographique mais qui tend vers la photographie de recherche», explique-t-il. Il fixe sur pellicule la réalité, «mais ma réalité à moi. Le quotidien. Des actions, des gestes, des réactions de tous les jours, mais «déformés» par mon regard, transformés». À Tripoli, comme toujours, il s’intéressera d’abord aux gens. «Je verrai ensuite s’il y a d’autres choses particulières. On m’a parlé par exemple d’une Cité des Noirs qui aurait existé à Tripoli… Autrement, je porterai mon regard au quotidien sur Tripoli et sur le Liban. C’est l’enjeu d’une résidence : venir dans un cadre, se laisser influencer par cet environnement qu’on ne connaît pas et dont on est sans a priori, et puis créer». Le travail se fera en deux périodes : deux semaines pour les prises de vues, deux autres pour le développement. «C’est court, c’est difficile, mais en même temps c’est intéressant parce qu’il y a une échéance, et donc un stress qui aiguillonne. D’autre part, si nous avons été choisis, c’est par rapport à ce que nous avons déjà fait. Nous devons donc toujours garder la même qualité, rester à la même hauteur». Côté échanges, cela se passe à plusieurs niveaux. «Au petit-déjeuner ou au moment de l’apéritif, nous discutons entre artistes, nous nous écoutons les uns les autres. Mais il y a également un échange qui se crée entre l’artiste et le milieu qu’il fréquente, l’espace dans lequel il vit». Échange non moins enrichissant et fructueux. La lumière du Liban – Asma M’Naouar (Tunisie), 36 ans, est dans la peinture depuis 1988. «J’ai fait les beaux-arts à Tunis (maîtrise en esthétique et sciences des arts), puis j’ai poursuivi pendant sept ans mes études en Italie. J’ai aussi passé une année à Paris, à la Cité des arts, et une autre en Suisse», raconte-t-elle. Les échanges, ça la connaît donc et ça l’intéresse. «Je pense que mon travail ici s’inscrira dans la continuité de mes recherches. Mais il sera sûrement imprégné du lieu, des échanges avec les autres artistes et de leurs travaux, et il en portera la trace». Son médium est «très classique». Il s’agit d’une technique à l’huile, «qui réside dans le fait que je superpose plusieurs couches de peinture. Je travaille sur les entrées et sorties de lumière. Cela donne des abstractions lyriques très colorées, qui s’entrevoient par transparence, par superposition, par soustraction de la couleur». Elle souligne dans un sourire que «la lumière du Liban me va très bien». Asma M’Naouar a déjà participé à deux résidences d’artistes, en France et en Suisse. «Ce sont des expériences très positives et c’est bien pour cela que je suis ici», note-t-elle. Pour cela, elle a dû retarder son exposition à Tunis et travailler tout l’été pour pouvoir se libérer pour un mois entier. À son retour du Liban, juste après le Ramadan, elle exposera donc ses œuvres récentes à Tunis. «J’ai participé à beaucoup de colloques sur la peinture dans le monde arabe. Islam et peinture, y a-t-il une peinture contemporaine arabe, etc. Par contre, c’est la première fois que je travaille vraiment dans un contexte de francophonie et je trouve que voir les choses sous un autre angle est vraiment intéressant. Car la francophonie aussi peut être un groupe, tout comme les Arabes». Le public libanais a déjà eu l’occasion de découvrir le travail de M’Naouar en 1999, dans le cadre d’une exposition collective au Palais de l’Unesco. Aujourd’hui, à Tripoli, elle créera deux nouvelles toiles. En direct. – Charles Khoury (Liban), 35 ans, peint depuis une douzaine d’années et enseigne le dessin aux élèves des petites classes, au Collège Saint-Joseph, Antoura. À Beyrouth, cet autodidacte expose en général à la galerie Épreuve d’artiste, mais participe aussi régulièrement à diverses expositions. Ses œuvres ont été exposées dans plusieurs pays arabes, européens et africains. Charles Khoury peint les insectes, de manière plutôt stylisée. «Je ne les reproduis pas tels quels mais les humanise», précise-t-il. De son pinceau symbolique donc, il peint aussi des animaux. «Ma peinture est un peu agressive. Elle reflète la réalité libanaise, la guerre que nous avons vécue, l’homme, ses problèmes, ses contradictions». À Tripoli, il travaillera «dans le même esprit que d’habitude, mais mon travail sera bien sûr influencé par le groupe, le travail en commun et aussi le thème du dialogue des cultures qu’on devra aborder d’une manière ou d’une autre. D’ailleurs pour moi, la peinture est en tant que telle un dialogue des cultures. Mais sans paroles». Khoury, qui travaille «rapidement», réalisera probablement trois ou quatre toiles. – Émile Desmedt (Belgique), 45 ans, est sculpteur depuis 17 ans. Il enseigne l’art de la céramique à l’Académie des beaux-arts de Tournai (Belgique), depuis 1990. Lauréat d’une dizaine de prix et de concours, il a participé à de nombreuses expositions à travers l’Europe et à plusieurs symposiums et ateliers du Québec au Congo en passant par la France et la Finlande. Les résidences, «c’est chaque fois une découverte d’autres personnes, d’autres milieux, d’autres climats et cultures, et donc ça ne peut qu’apporter un plus». Le Liban est sa première expérience moyen-orientale. Desmedt travaille la plupart des matériaux, «excepté la taille. En général, je tente de traduire un sentiment intérieur, une énergie, une émotion, et la sculpture n’est qu’une carapace qui contient ce sentiment», dit-il. Pour l’œuvre qu’il réalisera à la Foire de Tripoli, il compte «essayer de rester dans l’émotion. Je n’ai pas vraiment d’idée précise, mais je sais que ce sera une sculpture en métal». Un seul élément « parce que je suis quelqu’un de plutôt lent, qui prend tout son temps». Et le métal, «parce que je connais bien ce matériau et qu’en l’espace d’un mois, je n’ai pas vraiment de temps à consacrer à la connaissance d’un matériau, je dois m’occuper du thème». Une expérience qui promet d’être passionnante pour ces dix-sept artistes de la francophonie qui apporteront chacun son style, sa couleur, sa sensibilité.
Dans le cadre des activités culturelles qui accompagnent (ou précèdent) la tenue du IXe sommet de la francophonie à Beyrouth en octobre prochain, un atelier d’artistes de différentes nationalités et spécialités a débuté hier à Tripoli. Mis en place par l’Agence intergouvernementale de la francophonie, en collaboration avec le ministère libanais de la Culture et la municipalité de...