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Actualités - REPORTAGES

L’évangéliaire - de Widmanstad

Jean-Albert Widmanstad, chancelier des provinces orientales de l’Autriche en 1555, avait été bouleversé lorsqu’en 1529, accompagnant l’empereur Charles Quint allant se faire couronner à Bologne, il découvrit le syriaque, qu’il considérait «langue du Christ». Il se trouvait alors à Reggio ; ayant rencontré dans un couvent de cette ville de Lombardie le vieux religieux Thésée Ambrosius dont on allait imprimer en 1539 à Pavie une Introductio in linguam chaldaïcam, il l’entendit se désoler de ne point trouver à qui léguer ses connaissances en syriaque, langue dont il faisait ses délices. Ému, Widmanstad proposa à Thésée d’être son élève et, par la suite, approfondit l’étude de cette langue avec Siméon, «évêque syrien du Liban». En 1552, Ignace, patriarche d’Antioche, avait envoyé à Rome chez le pape Jules III, Moïse, prêtre de Mardine en Mésopotamie, le chargeant de faire imprimer en Italie le texte des Évangiles dont il lui remit le manuscrit, qui est peut-être celui-là même que décrit ci-contre l’ambassadeur Arthur Breycha-Vauthier et qui se trouve à la Bibliothèque nationale de Vienne. Moïse essaya en vain, à Rome et à Venise, de réaliser cette impression. On imagine ce qu’il devait en coûter de dessiner les caractères d’une langue que trois ou quatre Européens seulement connaissaient alors, d’en confectionner les matrices, d’en fondre les lettres, de les utiliser avec compétence, de faire corriger les épreuves, etc. Il n’existait en ce temps qu’un seul petit livre en arabe : l’Horologion de Fano, imprimé en 1514, pour représenter les impressions orientales. Widmanstad se trouvait à cette époque en Souabe. Moïse de Mardine apprenant qu’il souhaitait publier depuis longtemps les Évangiles en syriaque, partit aussitôt pour cette province en compagnie du sénateur Reginaldo Polo qui se rendait à Londres en mission diplomatique. Arrivés en Pannonie, les voyageurs y rencontrèrent par hasard Widmanstad. Moïse de Mardine l’accompagna à Vienne où Ferdinand leur fit toutes les facilités pour mener à bien cette œuvre qui se révéla admirable. Guillaume Postel, le fameux orientaliste qui ajoutait à son nom le beau qualificatif de «Cosmopolite», vint tout exprès de Venise pour diriger la préparation des caractères. Le livre, magnifique réalisation de Widmanstad, parut en 1555. Il en fut imprimé mille exemplaires. Trois cents en furent envoyés aux «deux patriarches syriens d’Antioche et des maronites», deux cents en furent remis à Moïse de Mardine et l’empereur en garda cinq cents. Petit inquarto, il «contient les quatre Évangiles, les épîtres de saint Paul, les Actes des Apôtres, une épître de saint Jacques, une de saint Pierre et une de saint Jean, ainsi qu’une table (en syriaque et en latin), des leçons des Évangiles et des épîtres distribuées pour les dimanches et fêtes, selon l’usage des Églises de Syrie et du Liban». Plusieurs textes de Widmanstad y éclairent les conditions de préparation de ce travail et révèlent la personnalité étonnante de cet important homme politique consacrant à ses exigences spirituelles et culturelles le meilleur de ses moyens. Les quatre vignettes, remarquables bois gravés, se répètent plusieurs fois ; l’une, ayant au bas cette légende : Cor regis in manu Domini, est répétée cinq fois, la deuxième vignette, avec cette légende : In hoc signo vinces, etc., se trouve cinq fois, la troisième représentant une croix formée de compartiments, se remarque trois fois, enfin la quatrième, Jésus-Christ, mort, sur les genoux de la Vierge, ne se voit qu’une fois. Il y a des exemplaires qui portent au verso du titre les armes de l’imprimeur Michel Zymmerman, avec ces mots en caractères italiques : Cum Rom : Caes : Mai : gratia et privilegio cautum est vt nemo deinceps hoc opus imprimat. Vienne Austriae excudebat Michael Zymmerman. Anno M.D.L. XII À ces exemplaires, la partie du titre imprimée en caractères estranghélo est en rouge, avec les points voyelles en noir. Ce titre est d’un autre tirage que celui des exemplaires de 1555. La beauté du titre et des gravures sur bois est remarquable. On peut assurer qu’avec le livre des Évangiles imprimé en arabe en 1590 par la «Typographia Medicea» à Rome, et illustré des bois gravés d’Antonio Tempesta, cet évangéliaire syriaque constitue la plus belle édition parue à ce jour en une langue orientale. Les armes et les blasons de l’Empire romain germanique et de l’Autriche sont très souvent placés auprès de la Croix, ainsi que l’emblème des Habsbourg. Les nombreux attraits historiques, spirituels et artistiques de ce livre en expliquent la rareté et en font un joyau de bibliophilie. D’après Silvester de Sacy in «Le livre et le Liban»
Jean-Albert Widmanstad, chancelier des provinces orientales de l’Autriche en 1555, avait été bouleversé lorsqu’en 1529, accompagnant l’empereur Charles Quint allant se faire couronner à Bologne, il découvrit le syriaque, qu’il considérait «langue du Christ». Il se trouvait alors à Reggio ; ayant rencontré dans un couvent de cette ville de Lombardie le vieux religieux...