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Actualités - OPINIONS

OPINION - Francophonie et laïcité

Francophonie oblige, cette année on a beaucoup entendu et relu sur les valeurs que véhicule la langue française, pourtant presque rien n’a été dit sur la laïcité. Or quoi de plus français que le mot laïcité ? Historique En 1598, le roi Henri IV promulgua l’édit de Nantes, considéré aujourd’hui comme le premier pas de l’État français vers la laïcité. Par cet acte qui avait provisoirement mis fin aux guerres de religion (catholiques contre protestants), l’État raffermit son autorité tout en dotant la minorité protestante d’un statut juridique lui donnant la liberté de conscience et la pratique de son culte. Pour la première fois en Europe, deux religions dans un même pays pouvaient cohabiter. Par cet édit, l’État devenait arbitre et commençait alors dans les esprits cette nouvelle idée de la séparation du pouvoir religieux et du pouvoir politique : la sécularisation de l’État. Suivra le Siècle des Lumières, l’action des philosophes («encyclopédistes» ou «libre-penseurs»), l’Édit de tolérance de 1787, la Révolution française de 1789 et enfin les lois de séparation des Églises et de l’État de 1905 qui vont aboutir à ce que l’on appelle aujourd’hui la laïcité. Définition La loi dite de la «séparation des pouvoirs» veut dire la séparation du pouvoir temporel (les affaires de l’État), du pouvoir spirituel (les affaires de l’Église). Par cette loi, l’État s’engage à observer une stricte neutralité en matière de religion. Par la reconnaissance de la liberté de conscience, on a abouti à la séparation des pouvoirs (la laïcité). Née de la Révolution française et des droits de l’homme, la laïcité prône l’égalité de tous les habitants de la Terre, quelle que soit leur religion. Dans un monde où sévit la haine religieuse et qui voit chaque jour des êtres humains massacrés rien que pour leur appartenance religieuse, seule la laïcité, en restreignant la Foi au domaine religieux, présente une solution à long terme pour favoriser un réel rapprochement entre les peuples de la Terre. La laïcité au Liban ? Contrairement à des idées reçues et surtout malintentionnées, il est admis que l’on peut être laïque tout en étant croyant, religieux et pratiquant, l’un n’étant pas l’antithèse de l’autre. La laïcité ne se traduirait pas par un «pays sans religion» (comme le laisse entendre ses détracteurs) avec des citoyens nécessairement athées. Nous savons qu’en arabe, dire de quelqu’un qu’il est «sans religion» équivaudrait à une injure lui reprochant d’être «sans morale». Sous-entendu qu’il ne pourrait pas exister de morale en dehors de la religion ou qu’une société laïque serait une société sans valeurs. Par sa morale et ses valeurs, la laïcité n’est pas contre les religions mais contre les systèmes politiques qui trouvent leur légitimité dans la religion comme aux personnes qui se servent de la religion pour accéder au pouvoir. La laïcité au Liban serait le premier pas vers une véritable démocratie au sein d’un véritable État-nation où présidents, gouvernements, députés, mais aussi directeurs et plantons seraient élus sur d’autres critères que leur affichage religieux. C’est le moyen le plus sûr pour passer d’une démocratie des confessions à une démocratie des citoyens, de l’appartenance de l’individu à la communauté à son allégeance à l’État. La laïcité est la solution à tous nos maux ; clientélisme politique, nominations, démagogie, surenchère confessionnelle, intolérance religieuse... en attendant la prochaine déflagration communautaire. En effet, depuis cent cinquante ans qu’on essaye, en vain, de trouver au Liban un système confessionnel équitable en revoyant, après chaque grande crise, les équilibres de forces entre les communautés. Jusqu’à où ? Jusqu’à quand ? Il nous faut sortir de ce cycle suicidaire et entrer dans celui de la démocratie et des droits de l’homme, meilleure garantie pour une véritable liberté et un épanouissement spirituel en dehors de la mainmise des marchands du temple. La religion au Liban faisant partie intégrante des structures sociales, il est évident qu’il faudra de longues années pour faire évoluer les mentalités. N’oublions pas que même en France il a fallu de longues années de lutte avant de faire accepter ces changements, puisque ce n’est que le 9 décembre 1905 que la laïcité des services publics est proclamée par l’article 2 de la loi dite «loi de séparation» et ce n’est qu’en 1958 que la Constitution confirme le préambule de celle de 1946 qualifiant la République française de laïque. Ne poussons donc pas l’optimisme à espérer que d’un jour au lendemain notre système politique se déconfessionnalise. Ni, à l’inverse, ne tombons pas dans le pire défaitisme en affirmant que cela est un idéal inabordable dans cette partie du monde réputée pour ses fanatismes. Les minorités, au Liban, se méfient de la laïcité par peur, proclament-elles, de perdre leur identité et donc leurs droits face à la dictature du nombre. Ils se trompent. Des solutions existent, comme les élections à la proportionnelle garantissant diversité et pluralité. La preuve en est que depuis l’application, en France, des lois laïques par un peuple majoritairement catholique, elles ont profité par le passé aux minorités protestantes et juives et aujourd’hui à la communauté musulmane établie en France. La laïcité : une philosophie Mais la laïcité n’est pas seulement un texte de loi. Il y a derrière toute une symbolique «susceptible de mobiliser l’imaginaire des citoyens en faveur de la République» et de ses idéaux. C’est une «dynamique d’un accomplissement».1 J’aimerai citer, en conclusion, les propos du père Gabriel Ringlet, auteur de L’Évangile d’un libre penseur, Dieu serait-il laïque ?, qui déclare que malgré la (stupide) guerre passée que l’Église a faite au mouvement laïque, il salue la victoire de la laïcité puisqu’elle a réconforté et purifié la Foi des chrétiens. Plus loin, il se demande à juste titre si la laïcité est seulement «la séparation du profane et du sacré» ? N’est-elle pas aussi une philosophie, une morale, un humanisme (tolérance, métissage des cultures, autonomie de la personne, respects des droits de l’homme, etc.), un combat qui a réussi, malgré l’opposition de l’Église ? À ce moment, le libre-arbitre devient une pratique de chaque jour et non une doctrine. Elle peut même être, conclut le père Ringlet, celle d’un croyant qui ne veut pas croire bêtement. 1- Dominique Lecourt, «À quoi sert la philosophie ?».
Francophonie oblige, cette année on a beaucoup entendu et relu sur les valeurs que véhicule la langue française, pourtant presque rien n’a été dit sur la laïcité. Or quoi de plus français que le mot laïcité ? Historique En 1598, le roi Henri IV promulgua l’édit de Nantes, considéré aujourd’hui comme le premier pas de l’État français vers la laïcité. Par cet...