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Actualités - REPORTAGES

SANTÉ – Quatorze patients ont été délivrés de leur maladie et plus de cinquante sont sur la liste d’attente - Pour les parkinsoniens, l’espoir au bout du chemin… - mais au prix fort : 35 000 dollars l’opération

Une nouvelle naissance. C’est ainsi qu’Élie, 39 ans, considère son retour à la vie active après trente années de souffrance. Atteint de la maladie de Parkinson à l’âge de sept ans, Élie a vécu au ban de la société. La plage, les soirées entre amis, les sorties… Élie ne les connaissait pas. La seule chose dont il était conscient, c’était la gestion de sa maladie et les dizaines de comprimés qu’il ingurgitait au quotidien. En 1999, Élie a pu enfin vaincre la maladie et les années de handicap. Il a subi une intervention chirurgicale par la technique de stimulation profonde du cerveau (Deep Brain Stimulation – DBS) destinée aux parkinsoniens. Un an après l’intervention, Élie s’est marié et a trouvé un emploi. Il croque la vie à pleines dents dans l’espoir de récupérer, tant bien que mal, toutes les années perdues. Mise au point en 1987 et améliorée en 1993, en France, par le Pr Alim-Louis Benabid, chef de service de neurochirurgie à l’hôpital de Grenoble, la technique DBS consiste à stimuler électriquement et à haute fréquence une région du circuit neuronal liée à la partie du cerveau responsable des mouvements anormaux qui caractérisent la maladie de parkinson, notamment les tremblements, la raideur dans les muscles du corps et la lenteur dans l’exécution des gestes quotidiens (manger, s’habiller, se brosser les dents, se retourner dans son lit, etc.). Dans la maladie de parkinson, la partie du cerveau nommée la substance noire commence à dégénérer. Les cellules responsables de la sécrétion de la dopamine – substance qui contrôle les gestes habituels de tous les jours – perdent, de même, leur fonction, d’où une perturbation dans les mouvements. La DBS a été pratiquée pour la première fois au Liban, et au Moyen-Orient, le 12 octobre 1999, par le Dr Paul Bejjani, neurologue et directeur du Centre de parkinson et des troubles de mouvement à l’hôpital Notre-Dame des Secours, et le Dr Georges Nohra, neurochirurgien, dans les locaux de l’hôpital, à Jbeil. «La veille de l’opération, grâce à l’IRM (imagerie par résonance magnétique), nous reconstituons le cerveau du patient dans ses trois dimensions, explique le Dr Nohra. À l’aide d’un logiciel intégré à un ordinateur, nous localisons la cible qui n’est autre que le noyau dans lequel nous introduisons l’électrode de stimulation». L’opération est exécutée conjointement par un neurochirurgien et un neurologue. La première étape de la chirurgie est pratiquée sous anesthésie locale. Elle consiste à «écouter les cellules». Allongé conscient sur la table de chirurgie, le patient porte un casque en titanium. Deux trous, d’environ un centimètre chacun, sont pratiqués de part et d’autre du crâne, permettant ainsi au neurologue d’y introduire des électrodes et d’observer l’activité des cellules. «Dès que je reconnais leur langage, j’introduis les électrodes de stimulation transitoires et j’envoie un courant électrique qui va créer des perturbations dans la zone identifiée», explique le Dr Bejjani qui ajoute : «Nous avons besoin, à ce niveau-là, de la coopération du malade pour pouvoir observer cliniquement sa réaction à la stimulation. Nous lui parlons et lui demandons d’exécuter certains exercices avec la main et les doigts. Si la lenteur dans ses mouvements et le tremblement des organes périphériques du corps disparaissent, cela signifie que nous sommes dans la bonne zone». À partir de cet instant, c’est au neurochirurgien d’agir de nouveau. Un travail délicat et minutieux «Dès que la cible est définie, j’y implante l’électrode définitive», indique le Dr Nohra. «Le plus souvent nous mettons les électrodes des deux côtés du cerveau car c’est une maladie qui atteint, en général, les deux parties», note-t-il. Dans un troisième temps, le patient est mis sous anesthésie générale. «Les électrodes implantées dans le noyau vont être reliées à des batteries de stimulation fixées sous la peau, dans la partie supérieure du thorax», poursuit-il. Celles-ci vont alimenter de façon continue les électrodes de stimulation. Le malade doit être hospitalisé une dizaine de jours afin de régler les batteries à travers un programmeur électromagnétique qui fonctionne à travers la peau. La phase de réhabilitation s’étend sur plusieurs mois et consiste à faire suivre au patient des séances de physiothérapie et d’orthophonie. «Les résultats commencent à être sentis durant le premier mois, note le Dr Bejjani. Mais le patient doit être examiné tous les trois mois afin de régler les batteries». Quels risques encourt le patient en se soumettant à une telle intervention ? «Il n’existe pas de techniques sans risques, répond le Dr Nohra. Mais ce sont des risques minimes qui ne dépassent pas les un à trois pour cent. Le programme que nous utilisons nous permet de localiser les vaisseaux et de les éviter en dessinant la trajectoire que nous allons suivre pour implanter les électrodes. Nous pouvons ainsi choisir de traverser une zone dont les fonctions sont minimes». L’état du malade peut-il dégénérer après une telle opération ? «Le recul observé, sept ans après la première intervention faite par l’équipe de Benabid à Grenoble, n’a démontré aucune dégénérescence, rassure-t-il. «D’ailleurs, c’est une technique que nous appliquons uniquement chez les malades qui ne profitent plus du traitement pharmacologique. Elle leur permet de reprendre une vie autonome et active». Et le patient doit-il reprendre des médicaments ? «Le but n’est pas d’en baisser la quantité, souligne le Dr Bejjani. En réalité, certains patients en reprennent de petites doses que l’organisme tolère bien». Dans ce cas, ne revient-on pas à la case départ ? «C’est la grande quantité de médicaments ingurgités au quotidien qui crée les symptômes observés chez le parkinsonien et non les médicaments eux-mêmes, explique-t-il. Après avoir subi la technique de DBS, le patient ne prend que 30 % à 50 % de la dose initiale. Certains même sont sans traitement». Et de poursuivre : «Nous ne pouvons pas supprimer d’un seul coup des médicaments que le malade prenait quinze ou vingt ans durant, cela peut créer un syndrome de sevrage. Nous préférons les garder en de faibles doses que nous réduirons progressivement». Lune de miel et mariage de raison La technique de stimulation cérébrale profonde est-elle le seul remède possible pour le parkinsonien ? «Au premier stade de la maladie, la personne souffrant du parkinson est traitée par les médicaments, essentiellement la L-dopa, explique le Dr Kamal Kallab, neurologue. Grâce à ce traitement, il vit une lune de miel qui peut durer dix ans, selon les cas. Par la suite, il entre dans la phase du mariage de raison. À ce stade, les effets secondaires des médicaments commencent à être ressentis, notamment les mouvements anormaux involontaires et excessifs». Acculé, le malade essaie de s’adapter à cette situation, acceptant l’immense gêne causée par les pilules, car, sans elles, il souffrira de difficultés motrices. Il continuera à vivre à ce train-là jusqu’au moment où les effets secondaires seront intolérables. «La stimulation cérébrale profonde se présente comme la seule solution possible, le patient ne pouvant plus être traité par les médicaments pharmacologiques connus», indique le Dr Kallab. Tous les parkinsoniens ne peuvent cependant pas bénéficier des bienfaits de cette technique, la cause majeure étant les frais exorbitants d’une telle opération. «Le coût de l’opération dépasse largement les 35 000 dollars américains», affirme le Dr Bejjani. Une opération que les tiers payants ne couvrent pas. Jusqu’aujourd’hui, quatorze patients ont pu être délivrés de leur maladie. Plus de cinquante autres sont sur la liste d’attente. Ne pouvant pas se procurer la somme nécessaire, ils prennent leur mal en patience et continuent à croire et à espérer en la miséricorde divine… et pourquoi pas en l’intervention de bienfaiteurs ou d’organismes défenseurs de la santé publique.
Une nouvelle naissance. C’est ainsi qu’Élie, 39 ans, considère son retour à la vie active après trente années de souffrance. Atteint de la maladie de Parkinson à l’âge de sept ans, Élie a vécu au ban de la société. La plage, les soirées entre amis, les sorties… Élie ne les connaissait pas. La seule chose dont il était conscient, c’était la gestion de sa maladie...