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Actualités - REPORTAGES

FORMATION - Un camp pas comme les autres consacré à une thérapie de groupe - Apprendre à lutter, par la non-violence, - pour les droits de l’homme

Des tentes sagement dressées parmi les pins au siège des scouts des cèdres à Mar Moussa (Metn), des repas pris en commun, des rires, une atmosphère détendue. À première vue, il s’agirait d’un camp ordinaire pour jeunes, comme il s’en organise beaucoup tous les étés, avec promenades dans la nature et activités pédagogiques. Le camp dressé à Mar Moussa du 19 au 25 août présentait pourtant une différence de taille avec les autres : il était organisé par le mouvement des droits humains et consistait principalement en une réflexion de groupe sur la lutte non violente pour les droits de l’homme. De la théorie, les jeunes participants à cette semaine de camp placée sous le signe de «La lutte civile pour les droits et les libertés» y ont eu droit. Mais leurs formateurs ne se sont pas contentés de cela. Forts de leur expérience dans le domaine, ils ont soumis les futurs militants à des exercices pratiques, parfois à leur insu, pour les pousser à réfléchir plus efficacement sur leurs capacités, sur leurs limites et sur la confrontation qui accompagne inexorablement la lutte pour les droits. Mais d’abord, qui sont les participants à ce camp ? «Il s’agit de personnes qui ont déjà pris part à des activités du mouvement d’une façon ou d’une autre, ou qui y sont affiliées», nous explique Joe Haddad, l’un des responsables du camp avec Farès Choufani. Il ajoute : «Nous avons débuté notre semaine par une thématique de groupe sur l’éducation. Nous avons tous réitéré nos souvenirs pour évaluer la façon dont nous avons été formés à résoudre les situations de conflits et remettre en question les méthodes qui ont été utilisées par nos parents. Nous avons remarqué que, en cas de conflit avec un frère ou une sœur par exemple, l’affaire n’a souvent pas été résolue : soit le conflit a été interrompu de façon abrupte, soit la personne en a fui la résolution, soit elle a subi une violence morale qui y a mis fin». «Dans tous les cas, poursuit M. Haddad, nous avons conclu au fait que nous avons été très mal préparés à faire face à de telles situations, et il nous est resté une peur du conflit. Il en découle que nous éprouvons souvent de la difficulté à revendiquer nos droits, même quand nous en avons connaissance». Qui dirigeait de telles séances ? «Ces séances psychopédagogiques étaient tenues par une spécialiste, le Dr Ougarit Younane», répond-il. Cependant, les méthodes de formation à la lutte non-violente et au militantisme passent aussi par des exercices pratiques, parfois non dénués d’imagination ou de sensations fortes. Le point culminant du camp a consisté à placer les jeunes participants dans une situation extrême, totalement fictive, mais qu’ils n’avaient d’autre choix que de prendre pour réelle. Seuls les organisateurs et quelques autres personnes étaient avertis de la réalité de l’histoire. En résumé, les jeunes ont été mis dans une situation artificielle de confrontation avec une autorité agressive et qui était en condition d’abus de pouvoir. Une sorte de jeu de rôle aux proportions réalistes. Jeu de la confrontation «Les réactions face à une autorité abusive de cette envergure étaient intéressantes à observer, note M. Haddad. Certains ont fait preuve de plus de courage, d’autres ont été dominés par la peur, d’autres encore ont fait des propositions assez illogiques, compte tenu de la situation. Or, si ces personnes veulent militer dans l’avenir, elles doivent apprendre à affronter l’autorité. C’était l’exercice idéal pour les faire réfléchir sur leur réaction dans des conditions extrêmes». Selon le responsable du camp, les résultats de l’exercice se sont révélés «exceptionnels». «Chacun d’entre eux a pu mesurer l’impact de l’éducation sur lui», ajoute-t-il. Toutefois, dans une situation pareille, ces personnes ne risquent-elles pas de se sentir traumatisées ou humiliées du fait d’une réaction de peur par exemple ? «Ça n’a pas été le cas puisque nous avons beaucoup d’expérience dans la manière de mener une thérapie de groupe», répond-il. L’exercice a été suivi d’une analyse de groupe, où chacun a eu le loisir de décortiquer l’effet de cette expérience sur lui et ce qu’elle lui a appris sur lui-même. «C’est à ce moment que nous avons dressé le portrait type d’une personne qui maîtrise la confrontation pacifique, souligne M. Haddad. Cela est primordial parce que revendiquer un droit quelconque signifie que ce droit nous est ôté et qu’il faut passer par des situations conflictuelles avant de résoudre le problème». Les jours suivants ont été enrichis de conférences données par plusieurs personnalités des domaines politique et économique. L’accent a été mis sur les droits économiques, qui font partie intégrante des droits de l’homme. «Nous avons organisé un jeu de rôles, que les participants dirigeaient, cette fois, pour essayer de comprendre quelle est l’origine des richesses et, par conséquent, de la discrimination socio-économique, explique M. Haddad. Nous avons parlé de la mondialisation et de ses conséquences sur la société civile, comme la privatisation par exemple. Il s’agissait d’interventions aussi condensées que simplifiées». Des exemples sur l’opposition de la société civile à la mondialisation dans plusieurs régions du monde ont été cités. M. Haddad reconnaît que les discussions n’étaient pas tendres envers la perspective de la mondialisation, considérée comme non favorable aux droits de l’homme… Comment gérer une lutte non violente Toutes ces discussions ont mené au vif du sujet qui préoccupe les militants des droits humains et les futurs militants : la stratégie de la non-violence dans la lutte civile. «Comment concevoir un plan de démarche pour affronter une situation de crise ? Quels sont les moyens de la lutte civile non violente ? Telles sont les questions auxquelles nous avons voulu répondre, explique-t-il. Pour nous, il ne doit pas y avoir de contradiction entre le moyen et le but. La démarche doit rester humaine. Il ne faut pas tomber dans le piège de l’autre, de l’agresseur. D’autant plus que les méthodes non violentes demeurent plus efficaces !». Dans ce même processus, des personnalités politiques non violentes, comme Ghandi, ont fait le sujet de discussions, ainsi que la première Intifada. Plus concrètement, la manière de mener une campagne dans l’objectif de militer pour un droit déterminé a été enseignée aux jeunes militants, par le biais d’un cas pratique sur lequel ils devaient travailler. Le cas portait sur un conflit économique entre des employés et leur patronat, conséquemment à une privatisation. Les jeunes devaient penser une campagne complète : comment analyser une situation, écrire un communiqué et le publier, faire le lien entre différentes situations… «C’est un travail de groupe suivi d’une séance plénière, poursuit M. Haddad. Nous avons ensuite joué à réaliser une conférence de presse fictive avec, de nouveau, une situation conflictuelle simulée, mais toutefois avec la connaissance des participants». Le camp a été clôturé par un débat politique sur les libertés au Liban, à la lueur des événements récents.
Des tentes sagement dressées parmi les pins au siège des scouts des cèdres à Mar Moussa (Metn), des repas pris en commun, des rires, une atmosphère détendue. À première vue, il s’agirait d’un camp ordinaire pour jeunes, comme il s’en organise beaucoup tous les étés, avec promenades dans la nature et activités pédagogiques. Le camp dressé à Mar Moussa du 19 au 25...