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Actualités - REPORTAGES

HISTOIRE - Les prémices de la relance culturelle et sociale du Liban et du monde arabe : orientalisme et sciences orientalistiques - L’Europe renaissante, l’Orient et le Liban -

Le terme orientalisme est un mot nouveau dont l’utilisation remonte au XIXe siècle. Il couvre une nouvelle science que les savants européens ont pratiqué et pratiquent toujours pour étudier les peuples orientaux dans leur environnement naturel d’abord, dans leurs déplacements ensuite : leurs races et leurs ethnies, leur géographie et leurs vestiges archéologiques, leur histoire et leurs légendes, leurs langues et leurs littératures, leurs religions et leurs rites, leurs traditions et leurs coutumes, enfin tout ce qui a trait à leur vie sociale et à leur culture. Ils ont donc nommé cette science orientalisme et les érudits qui la pratiquent, les orientalistes. Quant à ceux qui se spécialisèrent dans l’étude de la civilisation et de la culture arabes, ils les appelèrent «arabisants», terme tiré du mot en usage en Espagne : Arabista. Les limites de l’Orient sont mouvantes et indéfinies. Où commence l’Orient et où finit-il ? L’ancienne Byzance et la Turquie actuelle ne sont-elles pas en Orient ? Et que dire de la Grèce classique avec son expansion en Asie ? N’est-elle pas considérée comme le berceau de la civilisation européenne ? Et l’Afrique du Nord avec le Maroc et la Mauritanie, dont les noms génériques signifient Occident, peut-on les isoler et les arracher à l’orientalisme ? L’Andalousie, à l’extrême limite de la Méditerranée occidentale, n’a-t-elle pas été pendant sept siècles le centre de l’interaction culturelle entre l’Orient et l’Occident, n’a-t-elle pas pensé, prié, souffert et ri en arabe ? Quels sont donc les critères de cette science ? Géographiques ? Raciaux ? Religieux ? Linguistiques ? Ils sont tout cela en même temps. On a vu donc les études des orientalistes couvrir tous les sujets de Gibraltar à l’extrême est de la Russie en passant par l’Ebre, le Nil et la Mésopotamie arrivant jusqu’au Gange et l’Indus, décortiquant tous les mécanismes des écritures des peuples de ses régions : l’hiéroglyphique, la cunéiforme ou l’alphabétique. Devant l’énormité des sujets, les orientalistes convinrent d’eux-mêmes de la nécessité de subdiviser le travail, en créant des groupes et des sous-groupes. C’est ainsi qu’après un premier congrès qui les groupa tous en 1873, ils décidèrent de multiplier les disciplines. Elles étaient dix au XXIe congrès tenu à Paris en 1948 et 15 trois ans plus tard, à Istanbul. Deux chocs, une science Les deux premières rencontres entre l’Orient et l’Occident furent de nature violente. Elles débutèrent par une invasion sanglante. Les Arabes envahissant l’Andalousie et les Croisés allant à la conquête de l’Orient. Mais de ces deux chocs naquit une des sciences les plus humanistes qui soit, l’orientalisme. Cette science qui s’est donné pour missions de faire connaître et reconnaître les civilisations et leurs richesses culturelles et intellectuelles les unes par les autres. Une fois les tumultes des batailles estompés, les Francs s’intégrèrent très vite dans ce monde oriental. La vie en commun se développa et s’amplifia, les relations amicales entre les potentats locaux et les barons européens incitèrent les papes Innocent IV (1248), Alexandre IV (1258), et Honorius IV (1285) à fonder un établissement scientifique à Paris en vue de former des étudiants orientaux «pour qu’ils puissent semer, en Asie, la bonne parole du christianisme». Le nombre de ses étudiants ne devait pas dépasser vingt. Ils devinrent les premiers intermédiaires culturels entre l’Orient et l’Occident. Un quart du siècle plus tard, le concile de Vienne (France) réuni en 1311 et 1312, sous le règne pontifical de Clément V, décida «l’ouverture d’instituts à Rome, Paris, Bologne, Oxford et Salamanque où l’on pouvait apprendre l’hébreu, l’arabe et la langue chaldéenne». Les dépenses financières et les traitements des professeurs étaient assumés par le pape à Rome et par le roi, en France. Dans les autres villes, les dépenses étaient à la charge des couvents et des diocèses. On vit alors naître une croisade, d’un autre genre, culturelle et spirituelle, qui survécut à l’autre et dont on n’a pas encore fini de récolter les fruits. Mais l’enseignement de la langue arabe n’avait pas attendu les décisions du concile de Vienne pour se répandre en Europe, et surtout en Espagne où les intellectuels connaissaient déjà, de longue date, les œuvres des médecins et des philosophes tels que Ibn Zahr, Ibn Baja, Ibn Rochd (Averroès) dans leurs traductions latines. Elles constituèrent un prologue aux œuvres des vétérans parmi les grands orientalistes : Gérard de Crémone (1114 – 1187), Albert le Grand (1193 – 1280), Michaël Scothus (1175 – 1236) et Roger Bacon (1214 – 1294). Gérard de Crémone, qui connaissait à merveille les arcanes de la langue arabe, était passé maître dans l’art de la traduction. Il traduisit non moins de quatre-vingts volumes dont les sujets très éclectiques étaient hérités du patrimoine littéraire grec. C’est grâce à lui que l’Europe prit connaissance du «Canon» d’Avicenne et de certaines œuvres d’Aristote. Enseignement sur la place La traduction des œuvres orientales se répandit en Andalousie et surtout à Tolède dont l’évêque Raymond créa autour de lui un aréopage de gens de lettres connaissant plusieurs langues telles que Ibrahim Ibn Daoud, connu chez les Latins sous le nom de Avendauth, et Dominical Gundisalvi. Michael Scothus, un Écossais d’origine, étudia l’arabe à Tolède et s’intéressa aux mathématiques, à la physique et aux sciences naturelles. Il se rendit ensuite en Sicile auprès du roi Frédéric 1er (1198 – 1220). Celui-ci, devenu un peu plus tard empereur germanique sous le nom de Frédéric II, fit de Scothus son philosophe attitré et lui confia le soin de traduire certains ouvrages de l’arabe dont le Traité des animaux attribué à Aristote. Scothus créa autour de lui un cénacle culturel formé de savants de toutes les races et de toutes les religions. Ce qui fit de la cour de Sicile un centre d’études et d’interaction entre les civilisations d’Orient et d’Occident. Albert le Grand, quant à lui, enseignait Aristote à l’Université de Paris, se ressourçant aux ouvrages arabes traitant du sujet avec leurs commentaires, parmi ceux-là citons les œuvres d’el-Farabi, d’Avicenne et de Ghazali. Son esprit clair et son enseignement précis ont tôt fait de réunir autour de lui un grand nombre d’étudiants et d’auditeurs. Les salles de cour ne pouvant les contenir, le professeur dut sortir sur la place publique pour y dispenser son enseignement comme au bon vieux temps des péripatéticiens. Cette place fut connu plus tard sous le nom de «place Maubert», une contraction des deux mots Albert et Magister. Albert étant dominicain, il fut concurrencé par le franciscain Roger Bacon qui connut aussi son heure de gloire à Paris. Mais Bacon ne tarda pas à rejoindre Oxford où il enseigna aussi Aristote et surtout la nécessité d’étudier les civilisations orientales pour pouvoir comprendre la philosophie et l’évolution des sciences. Il est évident que ces illustres précurseurs, pères de la renaissance philosophique et scientifique au Moyen-Âge et piliers de l’humanisme universel, se basant sur l’interpénétration des cultures orientales et occidentales n’auraient pu atteindre leur but sans le désir et l’approbation de l’autorité de l’Église et des supérieurs des ordres religieux auxquels ils appartenaient. L’Église voulait agrandir l’horizon de la connaissance et, partant, répandre le plus loin possible le christianisme. C’est pour cela que les dominicains ajoutèrent à leur charte un alinéa spécial qui obligeait leurs missionnaires à étudier les langues et les cultures des peuples qu’ils allaient visiter. Et comme ils avaient depuis 1252 des missions dans «les pays des Arabes, des Grecs, des Bulgares, des Roumains, des Syriaques, des Jacobites et des Arméniens», ils se devaient d’étudier les langues de tous ces peuples. Ce qui nous intéresse ici c’est qu’ils créèrent dans tous leurs couvents catalans des chaires de langues sémitiques. Les franciscains suivirent à leur tour le même chemin. C’est se basant sur les mêmes principes, enfin, que Saint Ignace de Loyola fondât «la Compagnie de Jésus» au milieu de XVIe siècle. Il obligea ses missionnaires à étudier à côté des langues classiques, le chaldéen, l’arabe et les dialectes des Indes.
Le terme orientalisme est un mot nouveau dont l’utilisation remonte au XIXe siècle. Il couvre une nouvelle science que les savants européens ont pratiqué et pratiquent toujours pour étudier les peuples orientaux dans leur environnement naturel d’abord, dans leurs déplacements ensuite : leurs races et leurs ethnies, leur géographie et leurs vestiges archéologiques, leur...