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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - La députée de Zghorta, à l’issue de l’entretien de Baabda, a répondu à « L’Orient-Le Jour » - Moawad : Un changement de gouvernement est aujourd’hui impératif

Les gens, dans la rue ou devant leur écran de télévision, l’appellent désormais «Nayla». Depuis, surtout, ses fameuses prises de position, très souvent spontanées, tant dans l’hémicycle que dans la rue, en faveur de la démocratie, des droits de l’homme, des libertés et de la Constitution. Son «Je voudrais savoir qui préside le Parlement», adressé place de l’Étoile à Nabih Berry, résonne encore dans les oreilles. Les loyalistes lui en veulent encore, lui reprochent son intransigeance, sa détermination à faire prévaloir, à très haute voix et à l’instar de quelques-uns de ses collègues masculins, les principes les plus élémentaires censés régir un pays civilisé. Et c’est sans aucune hésitation que la députée de Zghorta, par le biais de L’Orient-Le Jour, rappelle le chef de l’État comme le Premier ministre à leurs responsabilités, et annonce la couleur de son prochain combat, place de l’Étoile : un nouveau code électoral. «C’est un dialogue, certes, mais un dialogue sans bases». C’est en ces termes que Nayla Moawad – que l’on n’aimerait pas voir se diluer dans Kornet Chehwane – a décrit hier les deux heures et quinze minutes d’entretien entre les députés du rassemblement et le chef de l’État. Puisque ce dernier a répondu niet à trois de leurs plus importantes revendications. Concernant la libération des prisonniers «politiques», insiste-t-elle, Nayla Moawad n’accepte pas l’excuse présidentielle d’un «Exécutif qui ne se mêle pas du judiciaire». Surtout qu’il n’y a plus rien de subjectif depuis le communiqué des Ordres des avocats de Beyrouth et de Tripoli. Parce qu’elle estime avoir clairement vu, ces dernières semaines, les ingérences d’une partie de l’Exécutif et des services de sécurité dans le judiciaire, et que «le dernier masque d’indépendance de la justice est désormais tombé». Et qu’elle ne demande pas au premier magistrat de la République de se mêler de la justice, mais de «simplement assurer les droits de ses citoyens». Rejet de la réponse officielle Soulignant à quel point le monde entier s’était révulsé devant les images de la ratonnade devant le Palais de justice «un véritable crime contre le Liban», Nayla Moawad insiste sur la nécessité de voir les responsables «ceux qui ont donné les ordres avant tout», sanctionnés. Rappelant au passage son credo – pas de réforme économique sans réforme politique –, ainsi que le fait que «la Banque mondiale, le FMI, l’UE et tous les pays alliés conditionnent leur soutien au respect des droits de l’homme. De même que la tenue du sommet de la francophonie». Et refusant la réponse officielle – que les responsables ont été punis «en secret», ou qu’ils sont sur le point de l’être. Et trouvant «anormale» une telle divergence de base entre les Libanais et le pouvoir au sujet de la théorisation comme de la pratique de la démocratie. «C’est en couvrant ceux qui ont fait de l’armée une milice que l’on bafoue l’armée. Dont le but est de servir son peuple». Tout comme la mainmise des services de sécurité sur les partis, sur l’ensemble des institutions : «De nouveau, une atteinte vicieuse et pernicieuse aux droits de l’homme». Tout est dit. Le coût politique, économique et social de la crise de ces dernières semaines, Nayla Moawad le quantifie : «Énorme». Et déplore le fait que l’État veuille recoller les morceaux en cachant la vérité. «Sans casser d’œufs. Et comment faire une omelette sans casser d’œufs ? L’État n’a tiré aucune leçon de ce qui s’est passé, et il se doit de redonner une solution politique à cette crise. Deux conditions : réviser les relations libano-syriennes, lever la mainmise sur les institutions : le Parlement, le Conseil des ministres, la justice, les partis». Et ce qu’elle demande aujourd’hui, c’est un changement gouvernemental : «Un gouvernement d’union nationale, dont ferait évidemment partie Rafic Hariri, qui sache que le dossier économique ne peut être réglé que lorsque les deux conditions précitées seraient remplies». Et en ce qui concerne le chef de l’État, la députée de Zghorta est tout aussi intransigeante. «Qu’il arrête de justifier un système politique qui ne fonctionne plus, et qu’il essaie de trouver des solutions. Que le chef de l’État sorte de la bulle sécuritaire dans laquelle ses services l’ont emprisonné». «Comment voulez-vous drainer les investisseurs lorsqu’il n’y a aucune stabilité au niveau des lois ? Dans tous les cas, en ce qui concerne le code de procédure pénale, nous allons demander un recours constitutionnel». Comment pensez-vous que le Parlement puisse se sortir de cette crise ? «Il aura du mal. La solution ? Une nouvelle loi électorale. Sans aucun doute. Le Parlement a perdu sa représentativité, son rôle de stabilisateur. Et tout cela ne se serait pas produit si le Parlement avait été optimalement représentatif. Et la réaction (avant-hier) d’Hubert Védrine, nous l’avons anticipée». Plus qu’un petit milliard Concernant le bilan du gouvernement, force est de constater que Nayla Moawad est intransigeante. «Le pouvoir n’a aucune solution à apporter, et n’a répondu à aucune des aspirations des Libanais. Et nous avons des échéances. La seule photo du chef de l’État et du Premier ministre, souriants côte à côte, ne suffit absolument pas. Ils ont décidé de repartir sur de nouvelles bases ? Lesquelles ?». Et au sujet des libertés et de la démocratie, elle brandit cette photo, en une de tous les journaux – celle de la jeune fille tabassée. À propos de la situation économique, elle préfère se souvenir, au lieu des réformes qu’elle a qualifiées de «courageuses» et qui nécessitent, selon elle, un consensus national, qu’il «n’y a plus qu’un petit milliard de dollars en réserves nettes à la Banque centrale». Côté relations libano-syriennes, la révision et le rééquilibrage de ces relations sont impératifs selon elle, «tout continue, plus ou moins insidieusement ou officiellement». Tout en dénonçant le fait que les services de sécurité, en ramenant sous les projecteurs le démon de la collusion israélo-chrétienne, ont voulu éloigner ce thème du débat. «Il y a pire : assimiler une volonté de souveraineté et de rééquilibrage des relations entre les deux pays à une collusion avec Israël est un crime politique sournois. Il y a une chose positive (hier) à Baabda. Le président nous a dit que ceux qui ont accusé Kornet Chehwane de collaborer avec Israël sont eux-mêmes des agents israéliens. C’est une bonne chose». Une dernière chose, enfin : Nayla Moawad se désolidarise totalement des propos de Michel Aoun, tenus il y a quelques jours contre le patriarche Sfeir. «C’est aussi une forme de dictature de traiter ceux qui ne sont pas de votre avis de traîtres». Quoi qu’il en soit, la rentrée parlementaire, dans quelque temps, s’annonce plus que chaude. Et force est de constater que si la députée de Zghorta continue à creuser son sillon, il est clair que les Libanais continueront de l’appeler «Nayla». Comme un merci.
Les gens, dans la rue ou devant leur écran de télévision, l’appellent désormais «Nayla». Depuis, surtout, ses fameuses prises de position, très souvent spontanées, tant dans l’hémicycle que dans la rue, en faveur de la démocratie, des droits de l’homme, des libertés et de la Constitution. Son «Je voudrais savoir qui préside le Parlement», adressé place de...