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Actualités - REPORTAGES

ARCHÉOLOGIE SOUS-MARINE - Le Liban en retard sur les pays du pourtour méditerranéen - Les vestiges engloutis, un patrimoine inestimable

Pour comprendre les constructions maritimes et installations portuaires des Phéniciens, il est indispensable de visiter leurs anciennes colonies sur le pourtour de la Méditerranée. Sardaigne, Malte, Carthage… et tant d’autres villes conservent plus de vestiges archéologiques phéniciens sous-marins que le Liban même, terre mère de ces navigateurs. Car au pays des cèdres, l’archéologie sous-marine n’existe pas encore. «De tous les pays situés sur le pourtour de la mer Méditerranée, le Liban est le seul à ne pas posséder une carte archéologique de ses sites sous-marins, déplore Ibrahim Noureddine, archéologue libanais se spécialisant dans l’archéologie sous-marine. Et pourtant, ce n’est pas la richesse de nos fonds marins qui est en question. Bien au contraire, cette terre des premiers navigateurs abrite certainement des épaves d’embarcations datant de l’âge du bronze et du fer, ainsi que des installations portuaires toujours inconnues», poursuit-il. Si cet aspect du patrimoine demeure ignoré, c’est pour multiples raisons. La Direction générale des antiquités n’était pas réellement intéressée par cette forme de fouilles archéologiques, même à son âge de gloire, puis il y a eu la guerre et tout son cortège de destructions et après la fin des hostilités, la priorité devait aller à la remise en état du pays. Aujourd’hui, la DGA montre un certain intérêt pour l’archéologie sous-marine. En fait, à la mi-septembre, une équipe d’archéologues est attendue à Byblos. Elle effectuera la prospection du littoral de cette ville historique sous la direction de Honor Frost, grande spécialiste anglaise des vestiges sous-marins. «Honor Frost et le père Poidebard sont les seules personnes à avoir effectué un réel travail de prospection sur certaines de nos villes côtières, souligne Martine Francis, archéologue libanaise se spécialisant dans l’archéologie sous-marine. Leurs publications constituent l’unique source pour l’étude des ports de Tyr et de Saïda, largement endommagés par le développement urbain», ajoute-t-elle. Mais outre ces deux villes, les informations concernant les installations portuaires sur le littoral libanais sont quasi inexistantes. Pour recueillir de telles informations, il faut effectuer une prospection complète du littoral libanais qui permettra aux archéologues de localiser les zones à vestiges archéologiques apparents. «Un tel travail permet d’obtenir, d’une part, la carte archéologique sous-marine du pays et d’établir, d’autre part, un calendrier de travail. Les zones menacées seront ainsi étudiées en premier», souligne M. Noureddine. Mais pour effectuer cette prospection dans un court laps de temps, il est nécessaire d’être muni d’un équipement spécial et de matériaux sophistiqués qui localisent les épaves et les vestiges sous-marins dissimulés sous le sable. «Malheureusement, nous ne possédons pas ce matériel et n’avons pas les moyens de nous l’assurer. Par conséquent, il est nécessaire de collaborer avec de grands instituts, comme celui de l’INA (Institute of Nautical Archaeology) aux États-Unis, pour effectuer ce travail». Et Mme Francis d’assurer que «la prospection du littoral libanais est un “must” et doit être réalisée le plus tôt possible. Car plus on tarde, plus les sites sont menacés. Certes, Tyr et Saïda sont très importants, mais il en est de même pour Enfé, Batroun, Byblos et Sarafand. Et si certains sites sont perdus, il faut sauver ce qui reste». Le danger sur les vestiges sous-marins Ainsi, s’il est nécessaire de connaître le littoral, il est encore plus important de préserver. Car ces vestiges engloutis sont doublement menacés. D’une part par les plongeurs professionnels avides d’aventures et, d’autre part, par les historiens amateurs d’archéologie. Car pour les premiers, «fouiller» les vestiges submergés constitue un «événement» rendant la plongée encore plus attrayante. Or, cela met en péril les vestiges généralement très fragiles, et fait perdre d’énormes informations sur leurs emplacements. Quant aux historiens, leurs «hypothèses» concernant les vestiges propagent des idées fausses. D’ailleurs, une grave erreur de ce genre s’est produite au Liban, il y a juste quelques mois, concernant des photos diffusées sur les poteries et les murs de fondations engloutis dans la région de Saïda. Quelques historiens ont conclu qu’il s’agissait de la ville de Yarimouta dont parlent les textes anciens et que personne n’a jamais pu situer. Or, cette ville a existé au 2e millénaire av. J-C, et les objets et murs illustrés sur les photos remontent à la période classique ! Ce travail d’amateurs a nui au site enseveli. Car mis à part les fausses informations communiquées, la diffusion des photos dans les médias a mis les vestiges en péril. Aucune protection ne leur est assurée, et qui peut donc empêcher les plongeurs de jouer aux Indiana Jones ? En fait, la meilleure protection que l’on quisse assurer à un site submergé consiste à permettre aux spécialistes d’y travailler le plus vite. Et ces derniers maintiennent une sorte de «règle» entre eux, celle de ne jamais communiquer aux médias l’emplacement du site avant qu’il ne soit classé et protégé. Le développement de l’archéologie sous-marine au Liban, constitue un apport immense au patrimoine libanais mais aussi à la science. Car les informations concernant la navigation à l’âge du bronze et du fer demeurent limitées. Et c’est au cours de ces périodes que les habitants de ces rivages ont pris la mer. «Les épaves sont des sources inépuisables d’informations concernant la vie quotidienne aux siècles passés. Comprendre les chargements des bateaux permet de situer les routes du commerce, de donner une idée exacte sur les exploitations agricoles, de comprendre la société, de savoir quelles sont les produits exportés et importés… les épaves résument quelques aspects de la vie aux cours des millénaires passés», assure M. Noureddine. Mis à part l’apport scientifique, de telles recherches permettront le développement d’un nouveau tourisme culturel et feront connaître au monde entier une face de l’histoire du Liban écrite sur les vagues.
Pour comprendre les constructions maritimes et installations portuaires des Phéniciens, il est indispensable de visiter leurs anciennes colonies sur le pourtour de la Méditerranée. Sardaigne, Malte, Carthage… et tant d’autres villes conservent plus de vestiges archéologiques phéniciens sous-marins que le Liban même, terre mère de ces navigateurs. Car au pays des cèdres,...