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Actualités - REPORTAGES

CORRESPONDANCE - « Vous êtes trop gentil ! » - Le livre - Radioscopie de la flatterie

«Vous êtes trop gentil !», cela peut être un cri du cœur ou un compliment. C’est aussi le titre d’un ouvrage, auquel vient s’ajouter cette mention : «une brève histoire de la flatterie», que publie un ancien journaliste du Time Richard Stengel. Celui-ci annonce tout de go la couleur. «Honorable lecteur. Je ne débuterais pas ce livre par un tribut à votre discernement parce qu’une personne aussi accomplie que vous serait certainement immunisée contre de telles courbettes. En fait cher lecteur, et ceci n’a rien de personnel, j’en doute... Les personnes les plus accomplies voient dans les compliments qu’on leur adresse un jugement judicieux plutôt que des louanges. Qui n’aime pas être aimé et apprécié à tout prix ? Vous, moi, les autres». Une fois posée la certitude de l’inévitabilité de la vanité et de l’universalité de la vanité, l’auteur fait l’historique de la flatterie, analyse son évolution et s’arrête longuement sur son expression actuelle. Selon Stengel, le singe (qu’il soit ou pas l’ancêtre de l’homme) est le premier flatteur de la planète. «Il n’y a qu’à voir ces primates passer leur temps à se caresser le pelage». C’est ce qu’il appelle un «échange de faveurs». À son tour l’Homo erectus a toujours veillé à ne pas prendre ses semblables à rebrousse-poil. Thuriféraire des rois puis de M. Tout-le-monde Depuis la nuit des temps, la flatterie serait presque une seconde nature. Au point que certains ne la considéraient plus comme telle. Ainsi les Égyptiens, créateurs du culte de la personnalité, ne pensaient pas du tout que ce qu’ils disaient ou ce qu’on leur disait pouvait être mensonger. En d’autres termes, toute louange était méritée. Les Grecs sont les auteurs de la notion de flatterie publique, la démagogie. Plus tard, et surtout à partir de la renaissance, la complaisance s’individualise et cible les têtes couronnées et les puissants. Si dans les siècles passés on se faisait les thuriféraires des rois, aujourd’hui, c’est Monsieur Tout-le-monde qui est porté aux nues. De celui qui peut vous faire accéder à de plus hautes fonctions, à celui qui peut intercéder en votre faveur, en passant, bien entendu par le consommateur. N’est-ce pas que ce dernier est roi ? L’auteur appelle cette démarche «louanges stratégiques» et «louanges imméritées». Entre la vérité et la vanité, le cœur balance On peut se justifier en alléguant que l’on vit actuellement l’ère de l’économie des services par excellence. Dans ce contexte, tout se joue autour des facteurs ventes, publicité et gain. Au détriment de la créativité artistique, de l’intégrité et du style personnel. Le but est d’aduler le consommateur pour l’amener à consommer. Tout en se laissant dominer par ce plus bas des instincts, tout un chacun aimerait, jusqu’au tréfonds de son être, voir apprécier à sa juste valeur, sincèrement et sans arrière pensée, ses qualités. Entre la vérité et la vanité, le cœur balance. La radioscopie de la courtisanerie qu’opère Richard Stengel, et qu’il ne manque pas de fustiger et de vilipender, porte quand même en elle le mode d’emploi de sa pratique, car elle décèle son usage intelligent autant que son approche exécrable. Trop tentant de ne pas retenir la première. Pas flatteur pour le genre humain, cette ambiguïté si bien illustrée par celui qui a anobli la courtisanerie. Le Roi-Soleil exigeait l’allégeance de ses sujets et de sa cour et le leur reprochait en même temps : «On vous dira dans quelle défiance j’ai vécu avec mes courtisans, et combien de fois, éprouvant leur génie, je les ai engagés à me louer des choses mêmes que je croyais avoir mal faites, pour le leur reprocher aussitôt après et les accoutumer à ne point me flatter».
«Vous êtes trop gentil !», cela peut être un cri du cœur ou un compliment. C’est aussi le titre d’un ouvrage, auquel vient s’ajouter cette mention : «une brève histoire de la flatterie», que publie un ancien journaliste du Time Richard Stengel. Celui-ci annonce tout de go la couleur. «Honorable lecteur. Je ne débuterais pas ce livre par un tribut à votre discernement...