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Actualités - REPORTAGES

HISTOIRE - L’alphabet phénicien, père de tous les alphabets modernes - Du langage des signaux à l’écriture des signes - -

«L’alphabet naît avec 22 signes sur la côte de la Phénicie (le Liban actuel) vers 1800 av. J-C.» «Attention : je vois que maintenant les spécialistes écrivent “Phéniciens” entre guillemets, ou bien ils disent “les peuples qui sous le nom de Phéniciens…” Je ne sais pas ce qu’il y a là-dessous ; et je n’ai aucune hâte de le savoir – l’une des quelques certitudes qui me restaient, c’était les Phéniciens. Maintenant, tandis qu’il semble confirmé qu’ils ont inventé l’alphabet, on commence à douter de leur existence. Nous vivons à une époque où plus rien n’est sauvé, ni personne». Italo Calvino-(de Prima dell’alfabeto dans Collezione di Sabbia, Garzanti, Milano, 1984). Avant d’aborder la question de l’alphabet et de son invention par les Cananéens – Phéniciens au cours du 2e millénaire av. J-C, voyons quelles sont les caractéristiques de l’écriture, cet art qui est devenu le nerf moteur indispensable de la vie. L’écriture ne peut être qu’exhaustive et conventionnelle en même temps, elle ne doit comporter aucune lacune. La conséquence du caractère conventionnel de l’écriture est qu’elle s’apprend, donc elle commence par s’enseigner. L’existence au préalable d’une école est incontournable. On peut considérer que l’apprentissage non scolaire est secondaire par rapport au noyau véritable de «l’école». On a beaucoup glosé en Europe sur la notion de corpus doctrinal ou sur celle de «corpus princeps», à savoir si cette notion doit remplacer celle de l’«alphabetum princeps» ; ils ont défini, par exemple, l’alphabet étrusque comme «corpus princeps». Mais cette théorie est en passe de devenir caduque. «Comme on l’a souligné récemment, la classification des alphabets telle quelle est en usage en Italie, classification qui dérive du modèle eubéen, n’est plus satisfaisante. La théorie la plus accréditée qui reconstitue l’arbre généalogique des alphabets selon leur chronologie ou leur contexte historico-culturel est de plus en plus raffinée» (Cristofani, 1978). Cela veut dire en clair que nous devons aller chercher plus haut dans le temps l’origine des différents alphabets. Les études et les recherches des érudits étrangers tels que Barthelemy, Bauer, Blake, Courley, Deecke, Dhorme, Dussaud et Virolleaud, Starcky, Bordreuil… et libanais, M. Chéhab, C. Boustany, G.N. Schoucair, H. Sader… convergent toutes vers une conclusion : le père de tous les alphabets modernes est l’alphabet cananéen, mis au point au 2e millénaire avant J-C par les habitants de Byblos. En effet, on doit commencer par un a priori, une évidence, la culture qui fournit l’écriture et l’alphabet est prédominante par rapport à celle qui les reçoit, soit qu’elle n’en possède pas encore, soit qu’elle renouvelle une écriture archaïque selon un modèle extérieur. Cela est valable, tant pour la transmission locale que pour l’acquisition étrangère, à savoir l’adaptation d’un alphabet à une langue jusque-là analphabète. Chez les Grecs et les Romains, l’écriture fut dès le début synonyme d’alphabet. En effet, leur irruption relativement tardive dans le concert des civilisations méditerranéennes leur évita une longue période de tâtonnement et de maturation, apanages d’une civilisation antérieure de plus de deux mille ans, la civilisation cananéenne. L’incursion de Cadmos, au IXe siècle av. J-C en Grèce, et la fondation de Thèbes placèrent les Grecs dans une position telle qu’ils ne pouvaient qu’adopter l’alphabet phénicien tel quel. Les Romains des VIIe et VIe siècles ne pouvaient que suivre, étant bien placés entre trois alphabets découlant directement du phénicien : les alphabets grec, punique et étrusque. Dans toute l’Italie, au Nord comme dans le Latium, l’écriture se confond avec l’alphabet et plus particulièrement avec ceux issus de l’alphabet phénicien, dont le grec et l’étrusque. En effet, des écritures antérieures à la grécisation ont été attestées, dont les textes inscrits sur les feuilles d’or de Pyrgi et les textes étrusques. L’écriture grecque et ses dérivées sont donc contemporaines des alphabets cités plus haut. On peut alors se demander si l’alphabet sémitique dont est issu le grec relève précisément d’un abécédaire ou d’un syllabaire ? L’alphabet gravé sur la plaque d’ivoire de la tombe comme sous le nom de «Cercle des ivoires» de Marsiliana d’Albegna jouit d’une place privilégiée dans l’histoire de l’alphabet étrusque. Il y a de multiples raisons à cela, et d’abord sa date (antérieure à 650 av. J-C), qui en fait l’alphabet le plus ancien de l’Italie antique. La question se pose non pas du caractère fonctionnel de l’écriture, mais de l’importance et du mécanisme de ce caractère fonctionnel. Quand on sait l’influence de la civilisation phénicienne sur les étrusques en ce qui concerne surtout le panthéon, l’architecture religieuse et l’art, le fait que le travail de l’ivoire fut pendant des millénaires l’œuvre maîtresse des Phéniciens, on ne peut qu’admettre que l’écriture étrusque est issue en droite ligne de l’alphabet phénicien. Quoi qu’il en soit, l’alphabet cananéen, sous sa forme alphabétique ou cunéiforme, existait déjà dès le milieu du 2e millénaire av. J-C. Les tablettes de Ras-Shamra – Ugarit et le texte gravé sur le sarcophage d’Ahiram sont là pour le prouver. L’expansion des Phéniciens dès le Xe siècle vers l’Ionie et la Grèce continentale et la fondation de la brillante civilisation cadméen de Thèbes ne font que nous conforter dans la théorie d’une antériorité de la civilisation phénicienne sur la civilisation grecque. La preuve incontestable de cette antériorité est que les Grecs initiés par Cadmos ont adopté, sans en changer une lettre, l’alphabet de Byblos tout en gardant à chaque lettre son nom phénicien sans en connaître le sens probablement. L’Aleph (tête de taureau en phénicien) est devenu Alpha, le Beth (Maison) est devenu Béta, le Gémal (Chameau) est devenu Gamma, le Samek (Poisson) est devenu Sigma, etc.
«L’alphabet naît avec 22 signes sur la côte de la Phénicie (le Liban actuel) vers 1800 av. J-C.» «Attention : je vois que maintenant les spécialistes écrivent “Phéniciens” entre guillemets, ou bien ils disent “les peuples qui sous le nom de Phéniciens…” Je ne sais pas ce qu’il y a là-dessous ; et je n’ai aucune hâte de le savoir – l’une des quelques...