Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

SYMPOSIUM ALEY 2001 - Soixante-sept nouvelles sculptures à ciel ouvert

Le Symposium d’Aley 2001 touche à sa fin. Le week-end prochain, ponceuses, perceuses électriques, burins et marteaux se tairont. Le gros nuage de poussière de marbre blanc retombera. Resteront 67 œuvres d’art, à ciel ouvert. Pour sa troisième édition, cette manifestation internationale a doublé de volume puisqu’elle accueille 67 participants de 27 pays, dont 24 Libanais. La grande majorité travaille le marbre de Carrare, dépêché tout droit d’Italie. Les artistes ont installé leurs sculptures sur une parcelle de terrain à Ras el-Jabal, formant une jolie guirlande toute en longueur, donnant d’une part sur la route asphaltée, et ouverte de l’autre sur la vallée. Né en Roumanie, Leonard Rachita, 49 ans, habite Paris depuis 20 ans et c’est la France qu’il représente aujourd’hui au Symposium d’Aley. Diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Bucarest en 1975, il s’installe à Paris en 1983, commence sa carrière artistique et enseigne la sculpture. En 1990, il crée l’Association internationale pour les symposiums de sculpture (AISS) et édite deux bulletins. Le premier numéro est international, le deuxième est un spécial Japon, «parce que sur les 19 symposiums de sculpture auxquels j’ai participé un peu partout dans le monde, j’en ai fait quatre au Japon, dont le dernier remonte à 1991». Depuis, il a arrêté la sculpture, et dans son atelier à Paris, il fait aujourd’hui un travail «plutôt conceptuel, de réflexion, lié à l’image, au texte, au rapport entre la lumière et l’ombre». Mais à Aley, il reprend avec plaisir ce travail «direct, physique et même athlétique», et réadapte un projet ancien «à l’esprit des lieux». La sculpture de marbre mesure presque 5 mètres de hauteur. Elle représente un bateau «qui rappelle d’une part les Phéniciens, et qui renvoie d’autre part à la légende druze des vieux d’Aley qui vont pêcher dans les nuages lorsque ces derniers envahissent la ville». Foulard sur la tête, Marian Sava (Belgique) essaye tant bien que mal de se protéger de la poussière de marbre. Diplômé de l’Académie des Beaux Arts de Bruxelles, il sculpte «en professionnel» depuis 12 ans. Il a participé à de nombreux symposiums en France, en Grèce, en Italie mais surtout en Belgique ; et ses œuvres ont été exposées à Rome, en France, en Hollande et au Parlement européen. «Mes sculptures, en bronze, en bois, en plâtre ou en pierre, sont toujours porteuses d’un message ; elles ne sont jamais “classiques” ou créées spontanément», explique-t-il. Pour Aley, il a imaginé une œuvre abstraite intitulée «Harmonie», sur le thème de l’entente, de l’amitié et du rapprochement entre deux êtres par un troisième «élément». On peut découvrir l’œuvre de Marian Sava en consultant le site www.multimania.com/msava Sculpteur depuis plus de 20 ans, Pellegrinetti Massimo (Italie) enseigne la technique du marbre à l’Académie des Beaux-Arts de Milan. Lui-même travaille surtout le marbre, mais aime aussi le béton, le caoutchouc, le bois, le papier mâché…bref, «tous les matériaux possibles et même les pas possibles». Ce grand habitué des symposiums (Corée, France, Italie), dont le travail est toujours très ironique, a choisi de réaliser «le coude spatial inventé par les Américains, et qui sera terminé en 2004 ou en 2024, je ne suis pas sûr de la date». Il s’agit d’une sorte de satellite qui interceptera et détruira tout missile lancé à partir de la terre. «Ainsi, le Liban l’aura avant les Américains», dit-il dans un sourire. La sculpture ronde à deux faces est posée à la verticale et trouée d’étoiles. Cinq étoiles représentant «les cinq provinces du Liban», puis plusieurs autres, censées être au centre, mais plutôt décentrées. «Car le centre, c’est l’équilibre que nous ne réussissons jamais à avoir. Par ailleurs, je doute que ce coude spatial apporte l’équilibre au monde…». Inspirations diverses Matthiew Simmonds (Angleterre) s’intéresse à la pierre depuis 1991. Il commence par la restauration architecturale, d’églises et autres monuments. En 1996, il s’installe en Italie où il réalise, entre autres, des copies d’œuvres d’art classiques. Ce n’est qu’en 1998 qu’il se consacre vraiment à la sculpture. «Mais pour vivre, je fais des cheminées», indique-t-il. Simmonds travaille la pierre libanaise. Sa sculpture en deux pièces (une nouveauté pour lui) est un contraste pierre nature/ pierre sculptée. On voit émerger du bloc brut des colonnes romaines «inspirées de Baalbeck et de Petra», ainsi que des éléments finement ciselés, aux motifs décoratifs. «À la fin, je placerai les deux éléments face à face. On verra alors le résultat», conclut-il. Ali el-Mahmeed (Bahrein) est le président de l’association des arts plastiques de Bahrein. Il enseigne l’art et travaille en général le bois, ainsi que d’autres matériaux. Pour Aley, il réalise une œuvre en fer assez poétique qu’il a baptisée «Musique de lettres». On distingue, dans un jeu de vide/plein, des caractères arabes reliés entre eux de sorte à former une toile abstraite aux formes libres. Vladimir Tishin (Russie) vit à Moscou depuis sa naissance. La sculpture est son métier, depuis 16 ans. Après la Suède et la Russie, il est heureux de participer à un symposium au Liban. Il souligne la bonne organisation de cette manifestation «très intéressante pour tous les contacts qu’elle permet entre collègues de différents pays et de différentes écoles et visions». Sa sculpture symbolique en marbre blanc représente Saint Pierre... et le coq. «C’est plutôt une illustration d’une histoire biblique. Ce disciple de Jésus a renié trois fois le Christ, et c’est un problème qui peut concerner chacun d’entre nous». Le Bulgare Alexandre Haitov est parmi les derniers à travailler dans son coin, au coucher du soleil. Il taille, dans du marbre gris d’Italie, un Icare en pleine chute. L’an dernier, il avait laissé au symposium d’Aley 2000 un Minotaure en pierre, l’antiquité, la mythologie et ses légendes, étant ses principales sources d’inspiration. Il affirme d’ailleurs être tombé complètement sous le charme du site antique de Baalbeck. Et, félicite les organisateurs pour les conditions idéales de travail qu’ils assurent aux sculpteurs. «Le seul petit inconvénient réside dans la durée du symposium», dit-il. «Trois semaines sont trop justes pour un travail très élaboré, comme celui que je fais». Etre une femme sculpteur en Iran ne semble poser aucun problème à Fatima Farzana Assadi. Cette jeune femme qui lutte le burin à la main avec un gigantesque bloc de pierre noire de Tunisie, pour lui donner une silhouette humaine, est la directrice - adjointe d’une école de sculpture dans son pays. Elle soutient que l’art sculptural est varié, moderne et libre en Iran. Son compatriote, et voisin de chantier, Tradj Eskandarani, s’intéresse, lui aussi, à la figure humaine. Il en a créé une gigantesque en pierre blanche libanaise, qui représente, dit-il, sa vision du «penseur». Rino Gianini, artiste italien et professeur de sculpture à l’académie des arts de Carrare, participe pour la première fois au symposium de Aley. Le large bloc qu’il travaille est une «allégorie en pierre de l’Odyssée, du navire, de l’idée de périple», explique-t-il. Un thème inspiré de la situation commune de l’Italie et du Liban sur le pourtour du bassin méditerranéen. Comme la plupart de ses confrères présents à Aley, Rino Gianini est venu échanger avec des sculpteurs de toutes les nationalités des idées, des expériences, des techniques différentes. «J’ai déjà participé à de nombreux symposiums de sculpture un peu partout dans le monde et je peux vous assurer que celui-ci est d’un niveau international», affirme-t-il. Deux blocs – de marbre – plus loin son ancien élève, Imad el-Rayess, originaire d’Aley et installé en Italie (à Carrare) depuis 16 ans, confirme l’opinion de Gianini. «Je suis ravi de participer à ce symposium dans mon village natal. Cette manifestation, outre les échanges artistiques qu’elle draine, va permettre l’éclosion de talents locaux, ces étudiants en beaux-arts et jeunes sculpteurs qui apprennent beaucoup sur place en nous assistant dans notre travail. Pour ma part, j’ai choisi de reproduire ici, en pierre noire d’Espagne, une sculpture que j’avais réalisée en 1986, en Italie. Il s’agit d’un tronc d’arbre scindé en deux, qui symbolise l’incendie de la montagne de 1983». Les Libanais Côté libanais, le duo ou le couple, en figure allégorique, classique, cubique ou semi-abstraite, semble être un leitmotiv commun chez Toni Farah (un homme et une femme qui semblent jaillir du roc pour prendre leur envol) ; chez Hassan Saab (professeur à l’UL) qui unit, en longueur, deux silhouettes cubiques en pierre testa libanaise; chez Charbel Farès qui représente la «Tendresse» au moyen d’un enlacement de formes abstraites, (en marbre blanc de carrare), inspirées des courbes de la calligraphie arabe, et évoquant un homme et une femme, têtes rapprochées. Libanaise, installée en France depuis 12 ans, Randa Nehmé a imaginé un «chandelier de l’âme», sorte d’obélisque de 2m 20 de long, en pierre locale, orné sur un angle de deux têtes qui se rejoignent. Cette tailleuse de pierre participe pour la deuxième fois au Symposium d’Aley. Une façon pour elle de donner d’elle-même à son pays, sa terre natale. Autre thème de prédilection chez les Libanais : l’enfantement artistique ou humain. Des idées que l’on retrouve dans les œuvres de Joseph Ghanem («Le périple créatif» : une boule en marbre rouge, symbole de l’embryon, placée au creux d’une sorte de coque de navire en pierre cristalline du Maroc) et celle de Vera Farah, qui évoque le couple et la maternité tout à la fois, dans une structure ellipsoïde abstraite en Onyx. Enfin, comme l’artiste est toujours en quelque sorte, le porte-parole de la société dans laquelle il vit, il ne pouvait manquer d’y avoir dans ce symposium des œuvres évocatrices des «souffrances» du pays. À l’instar de celle de Nayef Alwan qui a sculpté dans du marbre blanc d’Italie, un vieil homme crucifié, d’une main, à un tronc d’arbre, l’autre s’agrippant à sa terre. Ou encore de la «sculpture-caricature», comme l’a qualifie son auteur, Hicham Hassan, d’un pieu empalé dans une alvéole, en marbre gris et ardoise, et qui est censé représenter «l’état du pays, la situation actuelle des Libanais». Après le Symposium de Ras el-Metn auquel il a pris part en juillet dernier, Adnane Khouja (Liban) revient à la charge, à Aley, avec le même enthousiasme. Il travaille d’arrache-pied – car le temps lui manque – pour finir à temps son œuvre monumentale de cinq mètres, en fer, qui est une stylisation d’un cèdre libanais. L’œuvre est toute en triangles, seize en tout, de dimensions différentes. Le fer est traité au moyen d’acide et de chaleur, à haute tension. L’oxydation donne au métal une gamme de couleurs arbitraires, où bleu et mauve dominent. Un symbole-identité bien de chez nous. Nadine Abou Zaki (Liban) n’a que 26 ans. Pour elle, ce symposium aura été «une bonne occasion pour avancer, et une très belle expérience». La sculpture, elle l’a apprise avec des sculpteurs et non à l’université, puisqu’elle termine aujourd’hui un doctorat en philosophie. «Mais ce n’est pas pour autant un hobby et j’y pense pour l’avenir», insiste-t-elle. Il y a six ans, elle a commencé par sculpter la terre glaise –qu’elle utilise encore pour ses maquettes –, et le plâtre. Ce n’est que depuis trois ans qu’elle est passée à la pierre. Taillée dans du marbre «rose aurore», sa sculpture, qu’elle aurait préférée plus monumentale, représente une forme architecturale tout en verticalité. L’idée est «l’ascension, dans le sens spirituel. D’ailleurs je m’inspire beaucoup de la philosophie et de mes recherches dans mon travail», note-t-elle. Reste à signaler que, très optimistes et heureux du bon déroulement des opérations, les organisateurs ont bon espoir que le Symposium 2001 d’Aley décroche cette année le Grand Prix des Symposiums au Moyen-Orient .
Le Symposium d’Aley 2001 touche à sa fin. Le week-end prochain, ponceuses, perceuses électriques, burins et marteaux se tairont. Le gros nuage de poussière de marbre blanc retombera. Resteront 67 œuvres d’art, à ciel ouvert. Pour sa troisième édition, cette manifestation internationale a doublé de volume puisqu’elle accueille 67 participants de 27 pays, dont 24 Libanais....