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Actualités - ANALYSES

Vie politique - Le seigneur de Moukhtara prend figure de héraut, sinon de héros, du camp chrétien - La rencontre Lahoud-Joumblatt, aujourd’hui, déterminera la suite des événements

La redistribution des cartes sur la scène locale se poursuit, s’accélère même. Les professionnels de tous bords conviennent dans ce cadre que la rencontre de ce jeudi entre le chef de l’État, M. Émile Lahoud, et le leader du PSP, M. Walid Joumblatt, doit en grande partie déterminer la suite de la tragi-comédie politique en cours de représentation. Justement, côté représentation, les cercles concernés relèvent, également à l’unisson, une bizarrerie des temps nouveaux : le seigneur de Moukhtara (et jadis de la guerre) prend figure de héraut, sinon de héros, du camp chrétien. Ou, plus exactement et plus largement, du camp dit souverainiste. Si le patriarche, que M. Lahoud a vu en premier, en est le Gandhi, M. Joumblatt en est le Nehru, toutes proportions gardées. Sa dimension nationale se précise au fil des jours. Incontournable, il est tour à tour reçu par le président Assad, dont l’influence, on ne le sait que trop, est décisive (c’est le mot) et par le président Lahoud. Dont la montée en puissance, au niveau des rapports de force locaux, se trouve confirmée avec éclat par le retentissant soutien du président Assad. En somme aujourd’hui ce sont les deux pôles actifs libanais les plus éminents qui vont s’efforcer de dialoguer. En vue de l’entente. Dans ce cadre même, beaucoup s’étonnent que l’un des lieutenants les plus écoutés de M. Joumblatt, M. Ghazi Aridi, ait jeté de l’huile sur le feu à l’heure même où son chef conférait avec le président Assad et prenait rendez-vous avec le président Lahoud. On sait en effet que le ministre de l’Information s’est déchaîné contre son collègue de l’Intérieur, M. Élias Murr, qui, pour sa part, est un des lieutenants du régime. Une attitude peu diplomatique, que beaucoup qualifient de prénégociatoire. La technique courante voulant qu’avant des pourparlers pour un arrangement, chaque partie fasse monter les enchères et la pression. Impression confortée par le fait qu’au même moment, les cadres de la Rencontre démocratique que dirige M. Joumblatt annonçaient que ce dernier allait initier une initiative politique d’envergure, faire de nouvelles propositions. Dont les détails seraient livrés à l’opinion après l’entrevue d’aujourd’hui avec le chef de l’État. En tout cas, avec une virtuosité tactique que tous les professionnels saluent, M. Joumblatt a su préparer le terrain du côté des Syriens, comme de l’opinion arabe. En allant aider les Palestiniens par une démarche auprès de ses coreligionnaires druzes des Territoires pour qu’ils privent Israël de toute forme de soutien. Et de leurs services, militaire entre autres. Puis M. Joumblatt a pris la précaution, après son entretien avec M. Assad, de conférer avec le principal officier traitant syrien du dossier libanais sur le terrain, le général Ghazi Kanaan. De la sorte, personne ne peut plus accuser M. Joumblatt de se détourner de la cause arabe, ou de l’amitié avec la Syrie, en se tournant vers les chrétiens du Liban. Qui d’ailleurs, de leur côté, ne cessent de répéter, comme dans le manifeste de Kornet Chehwane, leur attachement à cette même cause, actuellement marquée par l’intifada, comme aux liens fraternels (bien compris) avec Damas. Pour en revenir à M. Aridi, sa flambée verbale est généralement interprétée comme un message préliminaire adressé au pouvoir. C’est-à-dire que sa sortie était notamment destinée à faire comprendre aux instances concernées que M. Joumblatt refuse d’avance toute proposition d’arrangement articulée sur la mise de côté des sujets brûlants de l’heure. Il serait déterminé, ajoutent les analystes, à ne pas faire l’impasse, à ne fermer ni les yeux ni la bouche, sur les périls que représentent pour la simili-démocratie locale les débordements des services. Et a fortiori leurs bavures policières, voulues ou non. Il reste que M. Joumblatt, qui sait qu’une main seule n’applaudit pas et que malgré tout son prestige, il ne peut faire le travail d’opposition tout seul, retisse à la hâte son alliance avec le président Hariri, ébranlée par les derniers développements. Et par le vote au Parlement. Il a donc dépêché d’urgence en Sardaigne auprès du président du Conseil MM. Marwan Hamadé, Fouad es-Saad et Ghazi Aridi, encore lui. Pour l’informer, en recueillir les souhaits éventuels en ce qui concerne le dialogue qui s’ouvre avec le régime, et coordonner la prochaine étape. Un mot à ce propos : sur la place de Beyrouth, qui tient justement une place beaucoup plus importante qu’on ne l’imagine dans la confrontation actuelle, on pense que tout dépendra du volet économique. C’est-à-dire que si le régime consent à accepter que ce domaine reste une chasse gardée pour la présidence du Conseil, il y aurait une trêve politique au moins jusqu’à Paris II. Si par contre Baabda insistait pour avoir son mot à dire au sujet du plan de redressement économique, en sus du contrôle des volets sécuritaires et politiques, le bras de fer reprendrait de plus belle. Et pourrait déboucher sur une crise ministérielle, voire sur une crise de pouvoir. Ce qui, bien évidemment, serait catastrophique. Sur tous les plans. Il convient de souligner cependant qu’à entendre les loyalistes proches de Baabda, l’atmosphère et la tendance sont à la détente. En effet, ces sources affirment que le chef de l’État veut continuer à soutenir le cabinet Hariri, bien qu’il n’en partage pas toutes les vues. Et qu’il est hostile à toute perspective de crise ministérielle, secousse que le pays supporterait difficilement. Même, ou surtout, s’il devait en sortir un nouveau gouvernement à forte coloration militaire, projet dont les lahoudistes nient en chœur, avec force, l’existence. Ces propos rassurants font écho à ceux que tiennent les visiteurs de Damas. Qui confirment que les Syriens veulent calmer le jeu et déconseillent tout changement institutionnel. En précisant aux uns qu’il ne faut pas chercher à pousser M. Hariri par les épaules vers la sortie. Et aux autres que toute réaction de démission est prohibée. Quant à l’armistice envisagé, il faudra sans doute se contenter d’ajustements approximatifs au jour le jour, au coup par coup, vaille que vaille. Certains utopistes proposent certes de revenir à la source, de respecter scrupuleusement de part et d’autre les prérogatives définies par la Constitution. En oubliant que c’est justement le flou des textes, Taëf en premier, qui provoque les conflits sur le partage des pouvoirs. Et sur les domaines réservés.
La redistribution des cartes sur la scène locale se poursuit, s’accélère même. Les professionnels de tous bords conviennent dans ce cadre que la rencontre de ce jeudi entre le chef de l’État, M. Émile Lahoud, et le leader du PSP, M. Walid Joumblatt, doit en grande partie déterminer la suite de la tragi-comédie politique en cours de représentation. Justement, côté...