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Actualités - CHRONOLOGIES

Semaine politique - Quatre rencontres d’importance, à l’ombre des arrestations, des procès, des libérations et des entrées de chars - «Vacances» studieuses pour Sfeir et Joumblatt. - Et Lahoud, de nouveau, sous les pleins feux

Pendant que le gouvernement – dynamité, scindé – et le Parlement – cyclothimique et putschisé – poursuivent leurs vacances, pendant que les aounistes, responsables comme sympathisants, sont ostentatoirement libérés – c’était prévisible –, pendant que deux journalistes croupissent en prison et que Toufic Hindi reste, onze jours après son arrestation, au secret, pendant que les explosions se multiplient – Beyrouth, Jounieh –, pendant que quinze chars syriens, à en croire l’AFP, se dirigent vers Beyrouth et pendant que les Libanais ne savent plus devant quel guichet d’ambassade aller faire la queue, Nasrallah Sfeir, Walid Joumblatt et Kornet Chehwane travaillent. S’activent. Sans oublier évidemment le chef de l’État Émile Lahoud. En plein sous les projecteurs. Résultat de tout cela : une semaine politique chargée, des enjeux d’importance, des maillons de chaîne, dans certains cas, incontournables. Concrètement : un entretien Lahoud-Sfeir et un autre Assad-Joumblatt prévus aujourd’hui, l’un à Dimane l’autre à Damas, pour mercredi, le patriarche maronite qui recevra les membres de Kornet Chehwane, et jeudi, le chef du PSP qui se déplacera à Baabda. Nasrallah Sfeir est aujourd’hui le seul leader chrétien sur la scène politique. Non que cela enlève à d’aucuns – on pense à Nassib Lahoud, Amine Gemayel, Nayla Moawad ou bien d’autres – leurs mérites, ou ce qui leur revient de droit, mais l’homme de Bkerké est le seul capable de fédérer aujourd’hui autour de lui, ou autour de sa personne, et la rue et les responsables chrétiens. Des responsables entre lesquels tout est loin d’être toujours rose, ou dont les points de vue s’opposent parfois diamétralement, et une rue au sein de laquelle ne sont pas exemptes les divergences. Et que cet homme de foi devenu par la force des choses leader politique retrouve, pour la sixième fois cette année, un président de la République qui n’a pas encore réussi à trouver, à mi-mandat, le moyen – et ce ne sont pas les événements de cette dernière décade qui viendront arranger les choses – de se rallier sa communauté, voilà un événement sur lequel la majorité des Libanais reporte tous ses espoirs. Devenus, à dire vrai, bien minces. De quoi s’agira-t-il ? Évidemment que les deux hommes vont s’échanger, avec force arguments, leurs points de vue. Les sources patriarcales et celles de Baabda n’ont de cesse depuis trois jours de répéter cette antienne. C’est-à-dire que s’entrechoqueraient aujourd’hui les valeurs essentielles de libertés, de démocratie, de droits de l’homme, de justice et d’équité avec ce que le régime appelle «raison d’État», avec tout ce que cela engendre comme «dangers». Le tout, bien sûr, au rythme de la même musique rabâchée par le régime depuis des jours : la thèse du «complot». Ce qui veut dire que Mgr Sfeir ne pourrait pas s’empêcher de relever devant le général Lahoud le caractère pernicieux et délétère de ce que l’État – ou bien de ce que le «quatrième pouvoir» – est en train de déterrer, voire d’inventer : la collusion chrétienno-israélienne. Il ne pourrait pas s’empêcher non plus de mettre en garde le chef de l’État contre les dérives, les dangers et les conséquences d’une militarisation du pouvoir. Concernant, notamment, l’image et la crédibilité du Liban. Deux remarques qui viendront se heurter au roc de cette même raison d’État. Voire, ce serait un comble, à l’inattaquable argument de la situation économique que rien ne devrait venir mettre en péril. Un argument que pourrait reprendre facilement à son compte le patriarche maronite, n’était-ce sa volonté, exprimée avant-hier dimanche, de «ne pas évoquer (entre autres) le dossier économique» et de se limiter à souligner, plus fermement que jamais, que «les vagues d’arrestations ont ramené le Liban, dans les médias étrangers, au rang des pays très sous-développés». Une volonté qui en dit (très) long. Autre rencontre d’importance, celle qui réunira demain mercredi le chef de l’État et Walid Joumblatt. La dernière rencontre, il y a quelques mois, s’étant soldée par le sentiment qu’un véritable dialogue s’était ouvert entre Baabda et Moukhtara. Sauf que depuis, beaucoup trop d’eau a coulé sous les ponts. Sauf que depuis, Walid Joumblatt n’est plus seulement le leader-druze-chef-du-PSP-et-député-du-Chouf. Walid Joumblatt – la réconciliation de la Montagne et sa tournée au Liban-Sud, au cours de laquelle les Sudistes, que l’on connaît un peu excessifs mais définitivement sincères, ont crié : «Walid Joumblatt est le messie» – est devenu un véritable leader national.Qui reprendra devant le chef de l’État ses credos : la crise économique à laquelle il faudra impérativement accorder toutes les priorités, et la réconciliation nationale, que seul le locataire de Baabda, à réécouter Walid Joumblatt, est à même de parrainer, d’enclencher et de réussir. Et, plus que tout, le chef du PSP parlera, au palais présidentiel, de ce «coup d’État blanc» dont ont été les victimes les institutions du pays. De son refus absolu de voir un «quatrième pouvoir» prendre le contrôle, de la militarisation. De son allergie à l’égard de n’importe quelle troïka, des vicissitudes de cette dernière. Et l’on serait presque sûr que le seigneur de Moukhtara parlera au président de la République des leçons tirées de ses erreurs passées – et qu’il a reconnues publiquement en plein hémicycle – lorsque, comme tout le monde à l’époque, il malmenait, lui aussi, la démocratie. Et deux jours avant qu’il ne rencontre Émile Lahoud, Walid Joumblatt aura été (aujourd’hui donc) sur les rives du Barada, s’entretenir avec Bachar el-Assad. A-t-il été mandé, a-t-il demandé audience, on ne le sait pas, pour l’instant le chef du PSP est toujours à Amman. Officiellement, les deux hommes débattront des moyens d’assurer et de défendre l’arabité des druzes d’Israël. Sauf qu’il est évident qu’ils évoqueront la situation locale. La dernière visite de Walid Joumblatt à Damas date du 23 mai dernier. Une visite à l’issue de laquelle il avait déclaré qu’il allait garder, au sujet de la présence des forces syriennes au Liban et des relations entre les deux pays voisins, le silence pendant 6 mois. Trois mois presque jour pour jour après cette déclaration, Walid Joumblatt se verra-t-il imposer silence par le «tuteur» syrien ? Lui rappelera-t-on, encore, le destin de son père, sa fin ? Peu importe. Walid Joumblatt et son complice national Nasrallah Sfeir sont en tandem. Cette bicyclette à deux places : quand l’un, trop fatigué de pédaler, baisse le rythme, l’autre l’augmente. Et vice versa. Dernière réunion, et pas des moindres : celle qui verra les membres de Kornet Chehwane se rendre, demain mercredi et au grand complet, chez le patriarche. S’enquérir des tenants et aboutissants de la visite présidentielle. Voir si l’homme de Bkerké a rappelé au général Lahoud que si le but de tout ce qui s’était passé ces derniers jours était d’affaiblir, d’effrayer ou de menacer ces Assises, eh bien qu’il y avait d’autres moyens. Et que ce n’était pas la peine. Et que les Assises de Kornet Chehwane n’ont jamais été dirigées contre qui que ce soit – chef de l’État inclus – mais que son manifeste, au contraire, ne parlait que de la protection de la nation… Quoi qu’il en soit, cette semaine politique, par le biais notamment de ces quatre entretiens, sera bel et bien résumée par un seul mot : complot. Les uns parleront de collusion avec Israël, de traîtrise, de nation menacée, d’atteinte à un pays frère. Les autres – la grande majorité – répondront : SR et militarisation.
Pendant que le gouvernement – dynamité, scindé – et le Parlement – cyclothimique et putschisé – poursuivent leurs vacances, pendant que les aounistes, responsables comme sympathisants, sont ostentatoirement libérés – c’était prévisible –, pendant que deux journalistes croupissent en prison et que Toufic Hindi reste, onze jours après son arrestation, au secret,...