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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Congrès national - Joumblatt, N. Lahoud, Moawad, Sadek, Sabeh, Ahdab, Ghanem et les autres hier au « Carlton » - Essayer, à plusieurs, de ressusciter les libertés et la démocratie

Hier, jeudi 16 août, 17h00. Au même moment, se réunissaient le Conseil des ministres d’une part, et de l’autre, les participants au premier Congrès national pour la défense des libertés et de la démocratie. L’un en son siège place du Musée et sous la présidence de Rafic Hariri, l’autre à l’hôtel Carlton en présence d’un très grand nombre d’hommes politiques – et pas des moindres, d’autres de la société civile, ainsi qu’une foule considérable de partisans, de défenseurs des libertés, de Libanais. Plus d’un millier de personnes. Et pendant que le Conseil des ministres, à la recherche d’une crédibilité perdue, lançait par la bouche de Ghazi Aridi des promesses de sanctions à l’égard des tortionnaires en jeans et tee-shirt et de ceux qui les ont télécommandés, le Congrès national appelait le gouvernement à gérer lui-même les Services sécuritaro-militaires. Et essayait de redonner un sens aux mots «libertés» et «démocratie». D’en ressusciter l’esprit comme la lettre. De se poser, après l’abdication de l’Exécutif et du Législatif, en dernier rempart contre tous les abus, contre le non-droit, contre la militarisation. De redonner – et c’est tout autre chose qu’un déjeuner mondain à trois ou un aller-retour vers la capitale de décision – un peu d’espoir aux véritables laissés-pour-compte que sont devenus les Libanais. Les défenseurs des libertés et de la démocratie étaient hier au Carlton. Des défenseurs – certains d’entre eux ont même eu le courage de le reconnaître – qui, un jour ou l’autre, parce que l’on est au Liban, ont eux aussi, «dans le passé», bafoué et les libertés et la démocratie. Mais qui ont appris. Il manquait certainement des noms, des visages, qui, par manque de courage, par timidité, par paresse, n’ont pas fait le déplacement. «Je suis persuadé que les démocrates qui ne sont pas présents nous rejoindrons», a dit Walid Joumblatt. Et quelle que soit leur appartenance politique, confessionnelle, géographique, tous les intervenants ont appelé à la mobilisation, à l’union et à l’unisson. Applaudis à tout rompre par l’assemblée. Qui n’en finissait pas de se retrouver dans chacune des interventions. Des milliers de mains pour applaudir À l’origine de cette initiative : le PSP, le Forum démocratique, les Assises de Kornet Chehwane, ainsi que le Renouveau démocratique. Face à face, ceux qui ont pris la parole, et ceux qui les écoutaient. Ces derniers : des jeunes et des moins jeunes, des femmes et des hommes, des ingénieurs, des avocats, des médecins, des étudiants, des riches, des pauvres, des musulmans et des chrétiens, des instruits et d’autres qui le sont moins, des partisans inconditionnels de tel ou tel homme politique et des indépendants, des ceux qui sont là parce qu’ils arrivent à y croire encore, d’autres qui sont venus pour être vus… Et qui applaudissent comme un seul homme l’arrivée de Walid Joumblatt. L’homme libre. Et au milieu de ce millier de Libanais(es) : les membres des services de renseignements. Un peu dépaysés, ils ne devaient plus savoir où donner des yeux, des oreilles, de la tête. Ni comment cacher leur rage lorsque après l’hymne national, et les présentations d’usage par Assem Salam, ancien président de l’Ordre des ingénieurs de Beyrouth et membre de la commission de préparation, les arrestations de la semaine dernière, clippées par la MTV, ont été diffusées sur des écrans de télévision. Sous le regard de Sarah Hindi, collée entre sa maman Claude et Ghada Yafi. Et sous celui, horrifié, de toute l’assemblée. Moment d’émotion – d’autant plus que techniquement, c’était irréprochable : «Explique-moi juste sur quoi tu te bases pour dire que mon pays est celui de la liberté…». Sur des musiques patriotiques, bien sûr… Bien plus que la teneur des interventions – des mots que leurs auteurs ont déjà dits –, c’est l’esprit qui compte. La solidarité. La solennité de la succession à la tribune. L’impression de poser une pierre, modeste pierre, à un édifice que le «quatrième pouvoir (démasqué) – pas la presse évidemment –» risque de dynamiter de nouveau à n’importe quel moment. «Nous sommes là parce que le Liban est en danger». Nayla Moawad est la première des douze intervenants. Le «Nous sommes là pour…» de la députée de Zghorta donne le ton. Impossible de retourner désormais en arrière. Les choses sont dites on ne peut plus clairement. «Nous sommes là pour éviter que les institutions militaro-sécuritaires – qui sont le garde-fou du pays, le symbole d’unité nationale – ne se transforment en instrument de répression, d’humiliation. En milice qui bafoue la Constitution et la loi. Nous sommes là pour demander à l’Exécutif d’assumer ses responsabilités, au gouvernement d’être un véritable gouvernement. Ou alors qu’il s’en aille». Bazar, marchandages, cynisme et fantômes Son collègue de Batroun, Boutros Harb, ne sera pas en reste : ses mots, à lui aussi, on les a déjà entendus, notamment dans l’hémicycle. Mais c’est sa conclusion qui rappellera au Congrès national sa véritable mission. «Je me permets d’insister sur la clé de notre succès : c’est notre capacité à mettre en place un mécanisme pratique qui transformera toutes les forces disparates en une puissance organisée, cohérente, solidaire autour du pacte des libertés publiques. Et ce pacte, c’est à une commission née de ce Congrès que devra revenir la charge de l’élaborer. Ce pacte se transformera en une charte nationale pour les droits des citoyens libanais et leurs libertés. Tout ça dans le but d’éviter à notre Congrès de se transformer en un bazar, une compétition qui primerait la meilleure des oraisons funèbres en mémoire de la liberté…» «Si la vie politique, naturellement, voit se multiplier les avis différents et les prises de position qui divergent, il y a un sujet qui mérite l’union parfaite et sacrée : les libertés, la démocratie, les droits de l’homme. Qui mérite que se fédère autour de lui loyalistes comme opposants. Sans tout cela, il sera impossible de faire face à Israël, de favoriser la croissance économique, la justice sociale. Sans tout cela, c’est la catastrophe assurée». Les mots de Nassib Lahoud, comme toujours, s’en viennent remettre les pendules à l’heure. Et le président du MRD de souhaiter que les réunions des pôles du pouvoir soient autre chose que «des marchandages qui jetteraient les bases d’un nouveau rapport de forces. Lequel confirmerait les agressions des uns et les abdications des autres». Le discours de Bassem Sabeh sera particulièrement apprécié par l’assemblée. «Ceux qui gouvernent le Liban : un régime cynique, un pouvoir cynique, un cadre policier cynique… C’est le cynisme qui gouverne le Liban aujourd’hui. Et j’ai bien peur que la présidence de la République ne devienne, elle aussi, un fantôme. Ils attaquent sur quatre fronts : les libertés, l’Exécutif qu’ils ont pris en otage, le Parlement aujourd’hui prisonnier, et enfin – et c’est pire que tout – la situation économique», a prévenu le très haririen député de Baabda. Son colistier sur la liste Joumblatt, le kataëb Antoine Ghanem, insistera sur la nécessité de livrer la bataille démocratique «à coups de pratiques et de sacrifices quotidiens. Sous le couvert des institutions constitutionnelles et grâce à la participation de la société civile». L’autre définition, après celle de Boutros Harb, de la quintessence de ce Congrès national, c’est le très tripolitain député de… Tripoli, Misbah Ahdab, qui l’a livrée. Claire, nette et précise : «Tous ceux que démangent des velléités de bafouer les libertés savent désormais, et à partir de ce jour, qu’ils auront en face d’eux un bloc soudé. Soudé, indépendamment des prises de position politiques et de l’appartenance géographique de chacun d’entre nous». Écrire, à ce Congrès, une histoire Mohammed Baalbacki, le président de l’Ordre de la presse, insistera évidemment sur la place qu’occupe la presse libanaise : «Dans le combat pour les libertés, elle est aux premières loges», a-t-il martelé, citant la Trinité chrétienne, rappelant que ce combat-là est et restera celui de tous les Libanais. Quant au propriétaire d’as-Safir, Talal Salmane, il mettra l’accent sur le rôle joué par les libertés pour sauver le Liban de la guerre civile, pour éviter «les mini-États confessionnels et sectaires», pour combattre Israël… Et le secrétaire général du Parti communiste libanais Farouk Dahrouj de hausser le ton : «Le Liban ne sera jamais le pays de la liberté et de la justice tant que sa volonté ne sera pas libre, tant que sa décision sera aliénée, tant que son peuple sera affamé…». Gaby Murr, le propriétaire de la MTV (sponsor officieux de l’événement), rappellera à tous, si besoin est, le rôle prépondérant joué par son média, véritable porte-étendard des libertés. Et malgré le véritable spot publicitaire dédié à sa chaîne, dont le jingle débutera et concluera son intervention (c’est drôle, mais c’est tout de même de bonne guerre), Gabriel Murr évoquera la loi électorale. Et ses vicissitudes. Le président du Forum démocratique Habib Sadek a parlé de ce «quatrième pouvoir». En rappelant que ce n’était pas de la presse qu’il s’agissait. «C’est plutôt le pouvoir sécuritaire. Qui s’est empressé, comme mû par une baguette magique, de vampiriser les trois autres. De les aliéner à sa solde. De cette tribune nous demandons à ces messieurs de lire attentivement l’histoire de la liberté au Liban, à travers le monde. De se rendre compte qu’à travers le monde, le vent tourne. En faveur de la démocratie, des droits de l’homme, des libertés. Et d’apprendre…» Les Libanais se demandent «à quoi bon». Trois mots qu’ils se répètent. Leur pain quotidien. Devenus tous des aquabonistes… Après le climax de la semaine dernière, les rafles, les tabassages, le désistement de l’Exécutif, le putsch contre le Parlement, son discrédit, après le message on ne peut plus clair adressé à tous ceux qui croyaient encore aux libertés et à la démocratie, après que l’on eut muselé et anéanti l’opinion publique, qui aurait pensé… Et pourtant ils l’ont fait. Et pourtant, ils ont été des centaines et des centaines à se déplacer au Carlton. Comme un seul homme. Des responsables politiques et des Libanais enfin sur la même longueur d’ondes. Dans le même «package». Personne n’a de pouvoir décisionnel, mais la solution est peut-être là. Il faudrait écouter Boutros Harb. Faire en sorte que cet événement ne reste pas lettre morte. Lui donner une suite, des suites, lui écrire une histoire. Pour réécrire celle du Liban. Un espoir, ténu, est né hier au Carlton.
Hier, jeudi 16 août, 17h00. Au même moment, se réunissaient le Conseil des ministres d’une part, et de l’autre, les participants au premier Congrès national pour la défense des libertés et de la démocratie. L’un en son siège place du Musée et sous la présidence de Rafic Hariri, l’autre à l’hôtel Carlton en présence d’un très grand nombre d’hommes politiques...