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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le chef du PSP sera lundi au Parlement pour une séance « cruciale » consacrée au code de procédure pénale - Joumblatt à « L’Orient-Le Jour » : - « Je continuerai à soutenir Hariri tant que... »

La rue attend de lui des miracles. Les jeunes surtout. Et quelle que soit leur confession. Au cours de sa conférence de presse mercredi dernier, Walid Joumblatt a demandé, s’est demandé, qui donc gouvernait le pays. Pas dupe, Walid Joumblatt. Mais c’est peut-être de cette façon – aujourd’hui, de facto, la seule façon – que l’on peut essayer, espérer, transformer cette République en une ébauche de démocratie : en s’obstinant et en répétant. Comme le fait depuis un an le chef du PSP. En répétant les gestes et les phrases que l’on aurait faits ou dites dans n’importe lequel des pays civilisés, démocratiques justement, en pareilles circonstances. Quatre jours après avoir réécrit, avec Nasrallah Sfeir, l’histoire, trois jours après la rafle éhontée au sein de l’opposition et au lendemain de l’inqualifiable tabassage des jeunes par les services de renseignements, Walid Joumblatt a répondu à L’Orient-Le Jour. Le respect de la loi et de la séparation des pouvoirs. Toutes les vicissitudes qui découlent de leur violation constante. Un des chevaux de bataille de l’infatigable leader national qu’est devenu le chef druze. Deux nécessités devenues complètement obsolètes aujourd’hui, au Liban. «Mais il faut bien le dire, on peut le dire. Quand la majorité du Conseil des ministres n’est pas au courant des agissements des services de renseignements, et quand on voit ce spectacle horrible dans la rue… Concrètement ? Il y a aujourd’hui une nouvelle milice. Qui s’amuse à frapper, à battre les gens. Et quand on s’amuse à juger les gens presque sur leurs intentions. Il y a quelque chose d’anormal qui se passe». Maintenant que le Conseil des ministres a eu lieu, et avec lui l’espèce de compromis gouvernemental, et un indigne ni-ni, comment va évoluer l’alliance Joumblatt-Hariri ? Concrétisée, rappelons-le, par la présence de trois ministres joumblattistes au sein du gouvernement. «L’alliance reste». Dans le fond, on sait qu’elle reste, mais dans la forme ? Le responsable suprême est tout de même le Premier ministre. «Le responsable suprême, ce n’est pas Hariri. C’est le président de la République». On ne peut pas dénier au N° 3 de l’État sa (grande) part de responsabilités. «Il a une part. Mais il n’était pas au courant. Au profit de qui, au compte de qui, agissent les SR ?». Mais si l’on suit votre raisonnement, vous allez continuer à cautionner un Premier ministre qui ne savait pas. Du moins, vous, son allié, n’allez pas le sanctionner. C’est énorme, un Premier ministre qui ne sait pas. «Même le ministre de l’Intérieur aurait dit aujourd’hui à l’un de ses collègues que lui non plus ne savait pas. Quelqu’un sait. Sûrement. Mais qui est ce quelqu’un ?». Le chef de l’État et l’éventuelle débâcle Vous allez continuer à soutenir Rafic Hariri ? «Je le soutiens tant qu’il soutient le respect de la loi, de la Constitution». Mais il n’a pas condamné ce qui s’est passé... «Il n’a pas condamné... Il a peut-être ses propres calculs, il a voulu peut-être éviter un clash avec le président de la République». Mais on ne peut pas dire ça au peuple. «Ce sont les manœuvres politiques. Il ne faut pas tomber dans le piège…». On peut dire, justement, qu’il n’est pas tombé dans le piège. Un des buts de tout cela semble bien la mise en place d’un gouvernement militaire. Négib Mikati est devenu en trois jours l’objet de toutes les rumeurs... «Il y a toujours une espèce de gouvernement militaire. Et puis le gouvernement militaire, c’est l’aboutissement logique d’un régime policier. Enfin... je pense que le problème est que malgré tous les bons offices de Damas entre Hariri et Lahoud, ce dernier, ou bien les SR n’ont pas digéré leur défaite. Après deux ans, ils ont été battus. Maintenant, ils veulent prendre leur revanche. C’est-à-dire la débâcle économique et politique de Hariri». Et le chef de l’État ne se rend pas compte qu’il en pâtirait comme les autres ? «C’est ce que l’on essaie de dire. S’il y a débâcle, ce sera celle de tout le régime, de la République. Pas seulement de Hariri, de Joumblatt et des autres. Et si les SR continuent de saboter tous les efforts, il n’y aura certainement pas de Paris II, par exemple». Vous allez monter à Baabda ? «Pas pour le moment». On dit que le seul responsable, le seul à avoir donné les ordres, c’est le chef de l’État. «Eh bien, si c’est vrai, c’est grave. Jusqu’à présent, on dit que ce n’est pas lui. Parce que tout cela est contre son intérêt. Parce que s’il y a un ébranlement de toute la situation économique et politique, c’est lui qui en payera le prix. S’il pense qu’il va y échapper, c’est non». Vous croyez qu’il table sur ça, sur cet effondrement ? «Moi je dis que ce n’est pas dans son intérêt. Je fais un procès d’intention. Quand il dit que la visite du patriarche au Chouf est historique, la réconciliation nationale devient dans son intérêt. Et maintenant je vois que les SR visent à saboter. Quoi ?... Il y a des précédents. Ça me rappelle un peu Fouad Chéhab, qui a été l’otage des SR». Et vous croyez que l’histoire repasse les mêmes plats ? «C’est stupide de dire ça, mais je vois qu’on est dans la même répétition». Vous avez demandé, il y a quelques jours, qui gouverne. Quelle est la réponse ? «La réponse ? Les SR contrôlent les décisions-clé. Parce que la société civile, si des gens comme Nassib Lahoud, Samir Frangié, les coalitions deviennent de plus en plus forts, les SR perdront leur poids». Qui contrôle les SR aujourd’hui ? «Ils sont autofinancés. On parle de Casino, de tabac. Le budget qui leur est alloué par le ministère de la Défense est trop minime». On dit que Damas n’a pas intérêt à assister à une chute du gouvernement Hariri. «Logiquement, une chute du cabinet Hariri, une débâcle économique ne sont pas dans l’intérêt de Damas. Les Syriens ont fait de leur mieux pour réaliser un compromis entre Lahoud et Hariri, pour normaliser les choses, pour que le pays devienne un minimum sain économiquement. Du moins, la logique dit ça». Mais la logique dit aussi que les SR ne font rien sans le consentement de Damas. «Ah ça, ça se discute. Il faut voir ça. Je ne crois pas, il y a des nuances. Je pense qu’ils vont au-delà des desiderata syriens». Donc en croyant bien faire, ils font du tort à Damas... «C’est vrai. Parce qu’ils sont devenus trop importants, trop autonomes. Par rapport au pouvoir politique libanais. Ils peuvent se permettre bien des zizanies». Le cas Nabih Berry L’alliance Sfeir-Joumblatt fait peur à un certain microcosme politique ? «Ce n’est pas une alliance druzo-maronite. C’est une alliance nationale que le patriarche Sfeir a lui-même expliquée. Pourquoi ferait-elle peur ? Le Grand Liban impose aujourd’hui une alliance nationale». Donc, ce ne doit pas être en réaction à l’immense chose nationale qui s’est passée dimanche dernier à Moukhtara que cette rafle a eu lieu ? «Si. Ils disent : “Nous faisons la paix quand nous voulons, nous la sabotons quand nous voulons”. Et ils peuvent la saboter. Ces gens sont redoutables. Ça me rappelle Kahalé en 1969, le massacre des Palestiniens organisé par les SR. Et la séance parlementaire houleuse entre Kamal Joumblatt, ministre de l’Intérieur à l’époque, et les chéhabistes». Quid de la position de Nabih Berry ? Son silence assourdissant. On dit que l’amendement du nouveau code de procédure pénale – qui a été voté il y a quelques jours place de l’Étoile – a été demandé par une grande partie des députés berristes. «Ce sera lundi. Et de nouveau une séance importante et cruciale. Oui, bien sûr que j’y serai. Parce que cette même loi qui a été rejetée à la majorité, on essaie maintenant de la refaire passer. Simplement pour donner des prérogatives exceptionnelles au procureur général (Adnane Addoum). Qui est au service des SR». Et le revirement de Nabih Berry ? «Je ne sais pas. En tout cas, il n’a fait aucune apparition. Officiellement, il a dit que sa mère était malade. C’est mauvais signe. Parce que s’il pense qu’il pourra maintenant échapper, les SR ne le laisseront pas tranquille. Plus tard, ce sera son tour. Du reste, un régime militaire, ou pseudo-militaire n’épargne personne. Personne». Walid Joumblatt est un visionnaire. À l’instar de tout les géants de la politique. Il ira dimanche, comme prévu, faire sa tournée au Liban-Sud. Comme prévu. Et les fossoyeurs de la République et de ses préceptes, les paranoïaques psycho-pathologiques, les apprentis-sorciers aux «pièges redoutables», les fantômes en tous genres, continueront d’avaler leurs chapeaux.
La rue attend de lui des miracles. Les jeunes surtout. Et quelle que soit leur confession. Au cours de sa conférence de presse mercredi dernier, Walid Joumblatt a demandé, s’est demandé, qui donc gouvernait le pays. Pas dupe, Walid Joumblatt. Mais c’est peut-être de cette façon – aujourd’hui, de facto, la seule façon – que l’on peut essayer, espérer, transformer...