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Actualités - OPINIONS

Vie politique - Taëf résiste mal à sa propre histoire - Un système toujours en quête de lui-même

Le regretté – ô combien – cheikh Pierre Gemayel avait coutume de répéter : Quel Liban voulons-nous ? Quinze ans de guerres multiples, un Taëf et dix ans plus tard, la question se pose toujours. Avec encore plus d’acuité et d’angoisse. Car le nouveau pacte national se révèle trop branlant. Il s’affirme comme un facteur de déséquilibres, même et surtout entre les pouvoirs. Et il n’est pas étonnant dès lors que le pouvoir, le vrai, qui se traduit en actes concrets pour ne pas dire physiques, leur glisse entre les doigts, leur échappe des mains. C’est déjà très clair aujourd’hui et ça risque de l’être encore plus demain. Tout le monde se dit dès lors d’accord pour un changement de système. Le président du Conseil, rencontrant des étudiants, s’est de la sorte demandé, en tireur d’horoscope, sous quel régime ils se verraient vivre dans vingt ans. Les formules précuisinées sont là toutes prêtes et ont chacune ses adeptes. Il y a le système présidentiel à l’américaine. Bizarrement conseillé voici peu par une personnalité syrienne de poids qui pense (comme le président Hraoui) que ce pays a besoin de n’avoir qu’une tête à sa tête. Il y a le semi-présidentiel, comme en France. Mais qui impliquerait une bipolarité partisane inexistante ici. Il y a le parlementaire numérique. Qui n’est envisageable qu’après l’abolition du confessionnalisme politique, objectif objectivement utopique. Il y a enfin le maintien du vague pluralisme consensuel qui continue à inspirer la république, sous réserve de sensibles modifications institutionnelles. Sur lesquelles personne ne s’accorde. Et c’est là où le bât blesse. Pourtant, sans régulation de l’ordre général, le pays resterait voué à de perpétuelles épreuves. Ainsi, à l’heure où il crie famine, il subit des secousses dites sécuritaires qui résultent d’évidents affrontements politiques. Les libertés et la stabilité se heurtent en un effarant paradoxe dû à la tentation totalitaire. Il reste à savoir si le même schéma de subtil compromis appliqué dans les années soixante va refleurir aujourd’hui. Autrement dit, si l’on va limiter à la fois, sans supprimer ni les unes ni les autres, les libertés et les mesures répressives prises au nom de la sécurité, fictive ou réelle. Bras de fer économique Dans les cercles diplomatiques, certains pensent que la confrontation directe entre le pouvoir politique et les services est devenue inévitable. Ils en veulent pour preuve l’aveu télévisé du président Hariri, qu’ils interprètent comme une déclaration de guerre, de son impuissance face aux services dans l’affaire des écoutes. Auparavant, le député haririen Bassem el-Sabeh avait lancé une véritable bombe dans l’enceinte du Parlement en dénonçant un complot visant à mettre en place un gouvernement militaire. Qui, selon le député, proclamerait l’état d’urgence et imposerait des restrictions au marché des changes. Comme l’indique dans une interview de presse le même député, les haririens sont convaincus qu’il y a une guerre secrète déclenchée depuis huit mois contre le gouvernement. Il cite le rapport du FMI qui met l’accent sur le recul des réserves de la Banque centrale en devises fortes, dû aux attaques constantes contre la livre, la rumeur sur un projet de motion parlementaire anonyme concernant la cession ou la commercialisation de l’or nationale, etc. Une campagne qui vise à torpiller le plan de redressement gouvernemental. Alors qu’on ne voit pas, conclut le parlementaire, ce qu’un autre que M. Hariri pourrait faire pour traiter la crise. Les défenseurs de la thèse de la confrontation ouverte et inévitable se réfèrent ensuite au témoignage de certains visiteurs de Baabda. Devant lesquels le chef de l’État, qui semblait répondre à l’intervention télévisée du président du Conseil, aurait déclaré en substance qu’il ne suffit plus de dire que les choses marchent, qu’elles sont en bonne voie. Le président Lahoud aurait rappelé qu’il avait tiré la sonnette d’alarme au sujet de l’accroissement de la dette publique comme de sa transformation en dettes en devises étrangères. En soulignant en conclusion que lorsqu’il demande où est le plan dans tout cela, on lui répond qu’il n’y en a pas besoin, car cela ne se pratique que dans les systèmes progressistes. Interrogé sur ces propos attribués au président Lahoud, M. Hariri, qui chantait encore il y a peu la parfaite harmonie avec Baabda, a répondu qu’il ne croyait pas que le chef de l’État les ait vraiment tenus. Mais il n’empêche que le climat n’est certes plus à l’entente. Surtout, et c’est essentiel, au sujet du redressement économique. Les observateurs constatent en effet que Baabda a son propre plan ou qu’à tout le moins il n’approuve pas les vues du Sérail. On serait donc revenu aux tiraillements entre dirigeants. Et les rafles en seraient la plus frappante expression.
Le regretté – ô combien – cheikh Pierre Gemayel avait coutume de répéter : Quel Liban voulons-nous ? Quinze ans de guerres multiples, un Taëf et dix ans plus tard, la question se pose toujours. Avec encore plus d’acuité et d’angoisse. Car le nouveau pacte national se révèle trop branlant. Il s’affirme comme un facteur de déséquilibres, même et surtout entre les...