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Actualités - CHRONOLOGIES

Les familles des détenus ont observé un sit-in à Dimane - Sfeir : « L’État ne veut-il pas d’une réconciliation entre druzes et maronites »

Leurs fils, leurs époux, leurs frères, leurs pères, plus de 250 personnes en tout, ont été interpellés mardi par les services de renseignements de l’armée. Une foule de plus de 200 personnes, principalement formée de femmes et d’enfants de militants FL, s’est rassemblée hier à Dimane. Quatre barrages. Il fallait passer quatre barrages de l’armée libanaise pour arriver à Dimane, hier matin. Les militaires fouillaient minutieusement les voitures, vérifiaient les papiers d’identité et notaient les noms de tous les passagers. Mais coûte que coûte, des familles de détenus, des étudiants et beaucoup de partisans FL ont tenu à arriver jusqu’à cette localité du Nord pour rencontrer le patriarche – en réunion avec les évêques maronites – afin de crier leur colère, d’exprimer leur amertume et de raconter leur histoire. Des maisons perquisitionnées, des personnes arrêtées sans mandats, des enfants emmenés avec leurs parents, et beaucoup d’hommes qui n’ont pas dormi chez eux depuis quelques jours de crainte de se retrouver, «arbitrairement», sous les verrous. De Bécharré au Chouf en passant par Jbeil, de Kesrouan à Beyrouth, les versions se suivent et se ressemblent. Claude Toufic Hindi, comme beaucoup d’autres femmes dont le conjoint a été interpellé, est arrivée très tôt hier à Dimane. Elle n’a aucune nouvelle de son mari qui a été emmené la veille de son domicile de Badaro sous le regard terrifié de sa fille de 11 ans. Elle sait uniquement qu’il «se trouve au ministère de la Défense». Leila Élie Keyrouz, épouse du responsable des FL dans tout le caza de Bécharré, se demande jusqu’à quand «les militants subiront encore de telles pressions». Ce n’est pas la première fois que son mari, avocat de 41 ans, est interpellé. «Mardi, il raccompagnait à la maison ses deux enfants, Charbel 13 ans et Maroun 14 ans, qui étaient à la plage, quand les services l’ont arrêté», raconte-t-elle. «Ils l’ont menotté sous le regard des enfants, et quand Charbel, le plus jeune, a voulu intervenir en criant : n’emmenez pas papa, l’un des militaires a chargé son arme en la dirigeant vers le jeune adolescent», poursuit-elle. Les enfants de Keyrouz ont assisté durant 30 minutes à l’arrestation de leur père. Ils passeront encore une heure entière chez les services de l’armée avant qu’un soldat, conduisant la voiture de leur père, ne les ramène à la maison. Le conjoint de Norma Nader Nader a été arrêté dans sa maison de Amchit. «Les SR se sont fait passer pour des employés municipaux, c’est ma fille Jessica, 12 ans, qui a ouvert la porte en disant que nous avons payé toutes les factures», rapporte Norma. «Comme la fillette insistait, les personnes déguisées en employés de la municipalité ont tout simplement indiqué : nous faisons partie des services de renseignement et on vient arrêter ton père», poursuit-elle. Nader Nader a déjà passé une semaine à l’hôpital à l’issue d’un séjour en taule en 1994. Un couple et deux jeunes filles se tiennent un peu à l’écart. Les frères de Peggy et de Maya, respectivement Bachir Abou Khalil (18 ans, 1re année d’architecture) et Adib Abou Dagher (22 ans, 4e année de génie), ont été emmenés du siège de la permanence des étudiants FL à Antélias. Ils assistaient à une conférence. Peggy, qui prend part normalement aux réunions FL avec son frère, avait décidé ce jour-là de rester à la maison. La mère de Bachir ne comprend toujours pas pourquoi son fils a été emmené. «Il assistait à des conférences estudiantines. J’ai vu les notes qu’il prenait, c’était un simple cours d’histoire», dit-elle. Maya est venue à Dimane avec la famille de son amie Peggy. Ses parents sont en vacances en France. «Je les ai appelés mardi pour leur annoncer la nouvelle, ils rentrent ce soir», indique-t-elle. La colère retenue du patriarche L’attente est longue, les militants essaient de joindre au téléphone leurs amis découragés par les barrages qui mènent jusqu’à Dimane. Une fois la réunion des évêques maronites achevée, la foule quitte le parvis du siège estival du patriarcat maronite pour se rassembler au grand salon afin de rencontrer Mgr Sfeir. Les escaliers et les couloirs qui mènent à la salle de réception sont noirs de monde. Les militants et les parents des détenus s’installent dans les fauteuils, par terre. Faute de place, d’autres restent debout, se collent aux murs. Ils commencent à scander des slogans antisyriens, pro-Forces libanaises. Puis, ils décident de prier. Et d’une seule voix, les 200 personnes présentes à Dimane ont récité plusieurs Ave Maria, et Pater Noster, jusqu’à l’arrivée du patriarche maronite, acclamé par la foule. Leila Keyrouz prend la parole au nom de toutes les familles des détenus. «Vous êtes notre seul refuge, et nous avons besoin de votre sagesse, nos maris, nos frères, nos pères sont emprisonnés arbitrairement et nos jeunes enfants deviennent politisés», dit-elle. C’est un homme au visage pâle et crispé qui dénonce, avec une colère retenue, «les arrestations» et qui se demande pourquoi «elles ont eu lieu juste après ma visite au Chouf». «Même si nous ne le pensons pas, il y a ceux qui disent que l’État ne veut pas d’une réconciliation entre les druzes et les maronites, voire entre tous les Libanais», a noté le prélat. Et d’un ton coléreux, il a lancé : «Nous sommes tous fatigués des luttes internes, de la guerre, de la destruction, des tueries. Nous voulons vivre dans notre pays, sans crainte, la tête haute, la main dans la main, tous chrétiens et musulmans». Il sera acclamé par la foule. «La répression n’a jamais été un moyen de régler les problèmes», a indiqué le patriarche maronite en soulignant que nous aspirons à «régler les problèmes avec calme et sagesse, avec le dialogue». «Ce n’est pas avec les pressions, les coups et la prison qu’ils parviendront à réprimer un peuple», a-t-il relevé. Mgr Sfeir a mis en en garde contre «un défi opposant le peuple aux services de l’État et vice versa». «Le peuple, surtout les jeunes, devrait comprendre qu’il est inadmissible de lancer certains slogans, mais il est nécessaire également que l’État respecte le peuple, lui permette d’exprimer son opinion calmement», a-t-il dit. Le patriarche maronite a ensuite promis d’œuvrer pour la libération des détenus et d’intervenir auprès des responsables pour qu’ils agissent «avec modération». «Nous voulons tous que la loi prévale», a indiqué Mgr Sfeir en soulignant qu’il «existe des lois qui définissent les règles des interpellations». Et de rappeler «le droit, protégé par la Constitution libanaise, à l’inviolabilité du domicile». « Tout ce qui ne s’inscrit pas dans ce cadre constitue une atteinte à la loi», a déclaré le patriarche en appelant les personnes présentes au calme. «Nous ne voulons pas entrer en conflit avec l’État. Mais il faut également que l’État respecte les citoyens, sinon le Liban ne se redressera jamais», a-t-il souligné en conclusion. À la sortie de Dimane, l’on pouvait lire sur le visage de la plupart des personnes présentes une certaine déception. Sans nouvelles de leurs proches interpellés arbitrairement, beaucoup n’ont pas évalué l’impact des paroles du patriarche. Perdues, elles n’arrivent plus à faire la différence entre un leader politique et un chef religieux. En quittant le siège estival du patriarcat maronite, accompagnée de son mari, Noha Salloum, la mère de Toufic Salloum, 30 ans, militant aouniste interpellé mardi à Antélias, retient ses larmes. «Mon fils paie le prix de son amour pour le Liban, ce n’est pas la première fois qu’il est arrêté», dit-elle. À des amis qui la croisent à la sortie de Dimane et qui rapportent lui avoir rendu visite le matin même sans avoir trouvé personne chez elle, Noha répond : «C’est normal, la maison est vide. Toufic est en prison et son frère a émigré aux États-Unis, il y a trois mois».
Leurs fils, leurs époux, leurs frères, leurs pères, plus de 250 personnes en tout, ont été interpellés mardi par les services de renseignements de l’armée. Une foule de plus de 200 personnes, principalement formée de femmes et d’enfants de militants FL, s’est rassemblée hier à Dimane. Quatre barrages. Il fallait passer quatre barrages de l’armée libanaise pour...