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Actualités - REPORTAGES

ASSAINISSEMENT - L’institution publique reste un modèle de gestion saine et transparente - Privatisation : l’OEB, « une poule aux œufs d’or »

L’Office des Eaux de Beyrouth (OEB) et celui du Mont-Liban sont appelés à être privatisés dès le début de l’an 2002. «La poule aux œufs d’or», comme on l’appelle communément, – un qualificatif qui s’accorde mieux avec la situation de l’OEB que celui du Mont-Liban – ne devrait poser aucun problème dès lors qu’un appel d’offre international est lancé, assure-t-on dans les milieux financiers. Contrairement à la situation catastrophique à laquelle font face l’EDL et la MEA, des sociétés insolvables pour le court et moyen terme – l’OEB, jouit d’une position privilégiée. Cet Office représente par excellence l’exemple type d’institutions facilement «privatisables». Cet établissement public, un des rares en tous les cas, incarne un modèle de gestion saine et transparente. Une chose est sûre : la corruption ambiante dans le pays n’a jamais réussi à affecter cet îlot administratif. Interrogé par L’Orient-Le jour sur les raisons de la réussite de cette administration publique qu’il a dirigée pendant près de 25 ans, Rizk Freiha répond avec fougue : «J’ai quitté l’an dernier alors que les réserves de l’Office s’élevaient à 60 milliards de LL. J’ai remis à l’État un Office gagnant. Depuis que j’ai été en charge de la direction de cette institution, jusqu’au jour où je l’ai quittée, la perception des factures est passée de 26 % à 95 %». Aujourd’hui, l’Office est évalué à un milliard, 500 000 dollars en biens mobiliers et immobiliers, ajoutés à la contre-valeur en droits d’exploitation et d’utilisation, une estimation que l’ancien directeur général avait établie en octobre 2000 (Voir encadré). Pour cet administrateur, la rigueur était la loi et l’intérêt public au-dessus de toute considération. «Bien sûr j’ai eu affaire à des hauts placés qui s’étaient abstenus de payer leurs factures. Je leur ai tout simplement coupé l’eau», affirme M. Freiha qui s’abstient toutefois de divulguer les noms desdites personnalités. Qui ont fini par régler leur dû. Cet ancien directeur général était initialement peu favorable à la privatisation de l’OEB. Qu’est-ce qui lui a fait changer d’avis depuis lors ? «Plusieurs raisons», dit-il. D’abord, la question des postes vacants. Alors que la majorité des ministères souffrent d’un problème d’effectifs surnuméraires, à l’OEB il existe 400 postes à pourvoir sur 502. «La raison est que je n’ai jamais accepté d’embaucher du personnel affilié aux différents partis ou milices durant la guerre. Par la suite, j’ai exprimé des réticences au sujet du transfert de fonctionnaires effectué à partir d’autres ministères», explique M. Freiha. Un fonctionnaire de l’administration est un expert au vrai sens du mot. Il est temps de corriger ce faux concept qui consiste à croire que le fonctionnaire public est un simple clerc qui accomplit des tâches routinières et qui peut être muté ici et là, indistinctement, estime M. Freiha. «De plus en plus, les administrateurs sont des personnes spécialisées qui sont formées aux technologies modernes. En tous les cas, j’ai eu à faire face à ce problème en ce qui concerne l’OEB, lorsque j’ai eu besoin d’ingénieurs hautement spécialisés et de personnels administratifs qualifiés. Aucune des personnes qui m’ont été suggérées ne répondait aux critères». Autre raison de taille qui a poussé un homme aussi attaché à son administration à vouloir s’en défaire au bénéfice du secteur privé, c’est le comportement des organes de contrôle de l’État, que Rizk Freiha appelle les cinq «hypostases», dont celui du ministère de tutelle face aux différents projets suggérés par l’Office. Dans un rapport exhaustif qu’il a publié avant son départ en retraite, l’ancien directeur a dénoncé les problèmes et les difficultés rencontrés lorsqu’il était à la direction de l’OEB. «Parfois, le ministère de tutelle s’en tenait à l’application restrictive des textes sans rien y ajouter ou retrancher, refusant ou approuvant ce qu’il voulait, provoquant l’embarras et la stagnation de l’institution publique qui n’arrivait pas à convaincre ce ministère de revenir sur sa décision», écrit M. Freiha. «Ainsi, le préjudice frappe l’Office des Eaux de Beyrouth, à cause de la mauvaise évaluation, par l’autorité de tutelle, des décisions de l’Office se rapportant à de pressants projets (comme pourvoir l’eau à la capitale), et cela en se basant sur des divergences de vue techniques entre le ministère et l’Office». Une illustration concrète de ce type d’obstacle est précisément la question cruciale des projets d’adduction d’eaux supplémentaires pour l’approvisionnement de la région de Beyrouth. En hiver, le manque y est évalué à 65 000 m3 par jour et en été il est de 157 000 m3 / jour. «Or, sur la base du plan directeur présenté par l’OEB qui prévoit deux projets principaux – celui de Nahr el-Kalb et celui des eaux du Awali – le déficit aurait pu être comblé», rappelle l’ancien directeur général. Qu’est-il donc advenu de ce projet ? «Le ministère ne l’a pas exécuté à cause de différends sur des questions techniques avec l’OEB», souligne M. Freiha qui s’abstient d’en dire plus. Or, d’après certains observateurs qui ont suivi ce dossier de près, il est apparu que le projet de Nahr el-Kalb, qui était prêt d’être conclu avec une société canadienne, avait été négocié à la baisse par l’OEB. Certains analystes politiques se sont alors demandé si la somme de 128 millions de dollars, sur laquelle les négociateurs s’étaient mis d’accord, n’aurait pas dû être généreusement arrondie pour que le projet obtienne l’aval des officiels. D’autres en outre ont relevé que certains responsables ont, peut-être, voulu privilégier le projet Awali pour des raisons communautaires. Ces raisons ne sont-elles pas suffisantes pour persuader le citoyen de l’urgence de privatiser un secteur aussi vital que l’eau ? Surtout lorsque l’on sait que d’ici à l’an 2015, le manque atteindra 370 000 m3/jour en période d’été et que jusqu’à présent, aucun desdits projets n’a été pris en compte par le ministère de tutelle ? Voilà probablement ce qui a pu faire changer l’avis de M. Freiha, converti aujourd’hui aux bienfaits de la privatisation. «Oui à la privatisation, mais à condition que l’État puisse maintenir son pouvoir de supervision sur le secteur privatisé». Pour l’ancien directeur de l’OEB, l’État ne doit en aucun cas abdiquer son rôle qui reste primordial après l’opération de privatisation. Ce rôle consiste en un suivi qualitatif et quantitatif. «Il faut notamment que l’État établisse une politique de protection des ressources hydrauliques, tout en gardant la prérogative d’autoriser l’exploitation des ressources souterraines et de surface. Il faut en outre qu’il maintienne sa prérogative de répartition des ressources entre les différents usagers, à savoir entre le secteur agricole, industriel et celui de la consommation générale. De même qu’il doit avoir une maîtrise de la politique tarifaire», indique M. Freiha. Il existe plusieurs types de privatisation, tels que le partenariat, le BOT, la concession, la gestion déléguée, etc., rappelle ce gestionnaire. Sa préférence va toutefois au premier choix dans lequel le secteur public continue d’être un partenaire important pour ce qui est des décisions primordiales, surtout dans un secteur aussi sensible. Le contrat ne doit rien omettre, dit cet ancien routier. Il doit prévoir les moindres détails, jusqu’à la compétence du personnel local censé superviser le travail des experts chargés par le secteur privé des questions techniques, telles que la gestion du cycle de l’eau. Privatisation, oui encore une fois, mais à condition que l’on ne supprime pas la «mémoire d’une entreprise». Par mémoire, Rizk Freiha entend l’information, les réalisations, les réussites et peut-être même les erreurs qui ont pu être commises un jour, bref le cumul, c’est-à-dire la réussite de cette entreprise qui, au fil des temps, a su fièrement s’imposer et forger – à contre-courant – une réputation de véritable institution publique, au service des citoyens. Dans une définition moins romantique, le concept de mémoire signifie pour Rizk Freiha «la protection des ressources». Celle-ci a été assurée à l’OEB par un système informatisé intitulé SIG ( Système d’information géographique), mis en place à l’aide d’une coopération française qui a participé à la modernisation de l’Office. La privatisation est prévue pour le début de l’an 2002. Comment voyez-vous l’avenir ? «Je n’ai aucune inquiétude pour cette institution. Ce sont les plus grandes entreprises internationales qui vont participer à l’appel d’offre : La Générale des eaux, La Lynonnaise, By Water ; même les Américains seront présents, dit-il. Pour privatiser il faut commencer par une société alléchante. L’OEB vaut un milliard et demi. Il a tous les atouts, aussi bien financièrement que du point de vue des équipements, de la distribution et de l’approvisionnement hydraulique».
L’Office des Eaux de Beyrouth (OEB) et celui du Mont-Liban sont appelés à être privatisés dès le début de l’an 2002. «La poule aux œufs d’or», comme on l’appelle communément, – un qualificatif qui s’accorde mieux avec la situation de l’OEB que celui du Mont-Liban – ne devrait poser aucun problème dès lors qu’un appel d’offre international est lancé,...