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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Conférence - Une fonction destinée à favoriser le rapprochement entre le citoyen et l’Administration - Stasi : « Le médiateur ne reçoit de directives de personne »

La fonction de médiateur de la République sera-t-elle bientôt instituée au Liban ? L’idée fait son chemin, lentement mais sûrement. Encore étrangère à nos traditions, «la démocratie de proximité», de plus en plus sollicitée par les administrés, ne saurait être atteinte sans l’intervention d’un médiateur. Devenu l’homme-clé des démocraties modernes, le médiateur incarne le droit que détient tout citoyen de contester un acte administratif qui le concerne. Une fonction d’autant plus utile au Liban qu’elle permettrait de résoudre – en grande partie – la crise de confiance qui envenime la relation entre l’Administration et le citoyen. Hier, la seconde conférence internationale sur ce thème s’est tenue au Palais de justice, devant un parterre de juristes et d’officiels, dont des médiateurs appelés communément ombudsmen ou encore protecteurs du peuple (en Espagne), garants de la justice (au Portugal), défenseurs du citoyen (au Québec), etc. Conviés par l’Institut des droits de l’homme au barreau de Beyrouth et par le ministère d’État au développement administratif, les médiateurs venus de France, de Chypre, de Grèce et de Suisse ont échangé leurs observations sur cette fonction ainsi que leurs expériences dans leurs pays respectifs. Également présents à cette rencontre : le bâtonnier Michel Lyan, le chargé d’affaires de la Commission européenne Vincent Depaigne et le représentant résident du Pnud Yves de San. Après avoir rappelé les circonstances de la création du bureau des plaintes initié par le président de la République, «afin d’améliorer les relations entre le peuple et l’Administration», le bâtonnier Lyan a évoqué les motivations qui ont poussé l’Ordre des avocats à adopter un modèle singulier de projet de loi pour la création d’une fonction de médiateur s’adaptant aux particularités libanaises. «Il appartient à l’ombudsman d’aplanir les difficultés que rencontre le citoyen libanais pour récupérer ses droits aussi bien avec l’Administration qu’avec l’ensemble des services de l’État», a soutenu Me Lyan . La question de la médiation «s’inscrit en outre dans le contexte du programme d’assistance de l’UE à la réforme administrative, un projet mis en œuvre par le biais du ministère d’État au développement administratif», a rappelé M. Depaigne dans son intervention. À l’instar d’autres projets concernant la question des droits de l’homme et du citoyen, ce séminaire s’inscrit également «dans la ligne de notre action en faveur de la promotion de l’État de droit – un aspect essentiel, lié à l’institution du médiateur – que nous mettons en œuvre avec l’Institut des droits de l’homme du barreau de Beyrouth», a-t-il précisé. Ouverture et transparence Yves de San dira qu’une telle institution ne fera que renforcer la démocratie, par la défense des droits de la personne et des libertés publiques, en renforçant l’ouverture, la transparence et partant la crédibilité de l’État. «Indépendante, accessible, gratuite, appliquant le principe de l’équité et constituant une véritable force de proposition, cette institution enrichira le système administratif libanais d’un outil moderne, proche des particuliers, et contribuera ainsi au processus de cohésion nationale», a-t-il conclu. Le principe d’indépendance reviendra très souvent dans la bouche des intervenants, tant il est vrai que cette caractéristique constitue la condition sine qua non de la réussite de la mission du médiateur. S’il a compétence sur toutes les autorités qui remplissent une tâche administrative – y compris la police, les forces armées, les institutions publiques ainsi que les différents ministères –, il ne saurait en aucun cas perdre son indépendance face aux détenteurs des pouvoirs publics. «Le médiateur ne reçoit de directives de personne. On ne cherche pas à plaire à qui que soit», dira Bernard Stasi, ancien ministre, actuellement médiateur de la République française. «Moi j’ai même commis l’erreur de l’excès d’indépendance», reconnaît-il. On aura compris que d’ici à la fin de son mandat, il ne lui restera plus beaucoup d’amis parmi les hauts fonctionnaires de l’État. Cependant, si le médiateur français bénéficie d’une immunité juridictionnelle, encore faut-il qu’il abandonne toute fonction publique qu’il occupait au préalable, et ce toujours sur la base du principe sacro-saint de l’indépendance. Car tout parlementaire ou homme publique subit des pressions qui mettent en cause sa liberté d’action, explique M. Stasi. Le médiateur, poursuit l’ancien ministre français, «a l’ambition d’être le plus proche possible du citoyen, à une époque où la mode est à la globalisation». Cette proximité est traduite par le mécanisme de saisine de l’ombudsman, qui, en France, peut être effectuée directement par le citoyen en passant par un parlementaire . Pourquoi un médiateur, alors qu’il existe un contrôle administratif hiérarchique, un contrôle parlementaire et un contrôle juridictionnel ? Pourquoi donc créer une quatrième institution de contrôle ? s’interroge Georges Kaminis, médiateur de la République grecque . «Le contrôle juridique est un mécanisme lourd, difficile à actionner et qui demande beaucoup de temps. Le contrôle parlementaire est généralement influencé par la politique. Quant au contrôle administratif, il n’aboutit pas toujours à de bons résultats». D’où l’intérêt d’un médiateur, qui représente par opposition aux autres une institution souple, qui ne traite pas avec les tribunaux et dont le travail doit s’effectuer rapidement, a-t-il indiqué. Le cas de la Grèce Soulevant le cas particulier de la Grèce, l’intervenant a toutefois expliqué comment les rivalités politiques entre les différentes forces ont pu finalement être résolues par un consensus. L’institution a été mise en place en octobre 1998. Également née en 1998, en Tunisie, la fonction d’ombudsman, appelé conciliateur, est détenue par une femme, Mme Alifa Farouk. «Les requêtes qui ont trait au dysfonctionnement de l’Administration parviennent par centaines au bureau de l’institution», explique-t-elle. Elles sont étudiées par une équipe de délégués et d’avocats qui collaborent étroitement avec le conciliateur. Celui-ci relève directement du président de la République, qui le nomme par décret. «Un rapport exhaustif sur les litiges et les moyens de résolution est régulièrement remis à l’Exécutif, qui le soumet ensuite pour information à la Chambre», explique Mme Farouk. Bref, autant de types de médiations que de pays qui ont adopté cette institution, comme le souligne par ailleurs Phillippe Bardiaux, conseiller du médiateur français pour les questions des droits de l’homme. «Le pouvoir du médiateur est très large, notamment en France où il exerce sa médiation avant, pendant et après la procédure judicaire», dit-il. L’ombudsman intervient précisément «pour essayer de régler le litige à l’amiable». Cette solution est d’autant plus efficace que le délai mis par les tribunaux administratifs pour le règlement des litiges est long, affirme M. Bardiaux. Le pouvoir que détient le médiateur est particulier, poursuit le conseiller de M. Stasi. «Il exerce un pouvoir d’influence. Il ne tranche pas, mais fait une recommandation à l’Administration. Par conséquent, il dispose d’un moyen de pression». L’Administration ne peut lui opposer la confidentialité, car, le cas échéant, le médiateur peut engager une procédure judiciaire, explique M. Bourdiaux. Autres moyens que détient le médiateur : les pouvoirs d’injonction, d’investigation, d’intervention et celui de proposer des réformes des textes législatifs. Le secteur social est de loin le plus important en matière de requêtes soumises au médiateur, affirme le conférencier. Les litiges concernent notamment le domaine de la santé, de la sécurité sociale et de l’emploi.
La fonction de médiateur de la République sera-t-elle bientôt instituée au Liban ? L’idée fait son chemin, lentement mais sûrement. Encore étrangère à nos traditions, «la démocratie de proximité», de plus en plus sollicitée par les administrés, ne saurait être atteinte sans l’intervention d’un médiateur. Devenu l’homme-clé des démocraties modernes, le...