La race et la langue, éléments - secondaires de l’unité nationale

Le terme de race a toujours prêté et prête encore, même dans le public éclairé, à de constantes confusions. On confond très souvent, en effet, les mots race, peuple, nation, langue, culture ou civilisation, et parfois même religion. «C’est véritablement à tort et à travers, écrit Marcellin Boule, qu’aujourd’hui encore, les auteurs les plus éminents et les plus académiques, quand ils traitent des groupements humains, se servent du mot race dans un sens, totalement faussé… La race, représentant la continuité d’un type physique, représente un groupe essentiellement naturel… C’est ainsi qu’il n’y a pas une race bretonne, mais un peuple breton ; une race française, mais une nation française ; une race aryenne, mais des langues aryennes ; une race latine, mais une civilisation latine». La race physique, concept théorique La race, dans le sens scientifique, est un groupement essentiellement naturel, composé «d’individus semblables», issus de parents de même sang et apparentés par les caractères physiques suivants : taille du corps, couleur des yeux et des cheveux, forme du crâne et de la face. C’est la race dite anthropologique, ou race physique pure. Ces sortes de races, on l’a vu, n’existent qu’en théorie : elles sont une création arbitraire de l’anthropologie et leur concept est aujourd’hui rejeté par la science. Dès les temps préhistoriques, en effet, les races soi-disant pures ont été altérées par les croisements et les métissages, à la suite des migrations, invasions et déplacements. Depuis les origines, le brassage des groupes humains a entraîné la disparition des races pures, pour ne laisser que des métis, des races ou sous-races «fabriquées», des «mélanges stabilisés», modelés, au cours des siècles, par le milieu géographique où ils se sont fixés. Capitale pour le savant qui s’occupe d’anthropologie, l’étude de la race physique «n’a pas d’application en politique. L’histoire humaine diffère essentiellement de la zoologie» (Renan). Les peuples et les nations, mélanges stabilisés et réalités historiques Comme les races, les groupements géographiques et sociaux (tribus, peuples, nations) sont des formations complexes, des mélanges stabilisés et façonnés par l’hérédité et le milieu extérieur. Leurs caractères généraux distinctifs, modelés par l’action du milieu physique et transmis par l’hérédité, sont relativement permanents. Ils peuvent cependant être modifiés, soit temporairement, par un mélange avec des races allogènes, soit d’une façon durable, à la suite de leur transfert dans une contrée différente. C’est surtout le milieu, en effet, qui, à cause de son caractère relativement constant, exerce, à la longue, sur les caractères physiques et psychiques, une action plus ou moins déterminante. Ce sont ces groupements géographiques et sociaux (tribus, peuples, nations), ces mélanges stabilisés, ces produits de l’hérédité complexe et du milieu géographique, qui comptent en histoire. Ils se distinguent les uns des autres, non par les traits physiques, mais par des caractères psychologiques et moraux, c’est-à-dire par les manifestations matérielles, sociales, intellectuelles et morales de leur activité respective. La parenté de sang, celle qui apparente les hommes issus d’un ancêtre commun, est indubitablement illusoire dans les sociétés composées et les vastes agglomérations. En outre, là-même où cette parenté de sang est repérable, dans les collectivités restreintes (famille, clan familial, certaines tribus), elle est loin de constituer un lien social dont la solidité résiste aux épreuves. On sait qu’il n’est de pire haine qu’entre parents et la rivalité des frères ennemis est proverbiale.