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Actualités - ANALYSES

Les loyalistes relativisent les retombées politiques du scandale

Sésame, ouvre-toi ! C’est l’effet qu’a produit la fameuse liste d’indélicats usagers électriques publiée par les syndicats. Le bon peuple a cru un moment pouvoir, enfin, contempler les trésors d’Ali Baba. Ou plutôt des quarante voleurs. Et surtout, les Libanais ont eu soudain l’espoir que cette fois, tout irait jusqu’au bout. C’est-à-dire qu’à la faveur de ce scandale, une rafale de révélations multiformes permettrait un grand coup de balai général dans la caverne, aussi bien au niveau des mœurs politiciennes, clientélisme en tête, qu’à celui de l’administration. C’est cette quête du Graal que promet un preux chevalier, membre du cabinet, qui affirme que «les dossiers seront tous ouverts et le train de la réforme ira jusqu’au bout du tunnel». Mais, mieux placés que quiconque pour savoir de quoi ils parlent, d’autres loyalistes influents mettent tout de suite les points sur les i. «Il ne faut pas se bercer d’illusions, soulignent-ils dans leurs assises privées. Le système est immunisé contre tous les remous, vagues de fond comprises. Pour plusieurs raisons, du reste largement connues. Il faut prendre en compte le confessionnalisme politique, qui limite beaucoup les perspectives de saine évolution. Il faut aussi se rappeler que rien ne peut être accompli sans l’aval des décideurs. Et enfin, il faut reconnaître, tout bêtement, que pour changer la situation en mieux, il est nécessaire de disposer d’un matériau de base, c’est-à-dire d’un personnel politique ou administratif, qualitativement meilleur. Ce qui n’est pas le cas, malheureusement, dans ce pays : les compétences, surtout quand elles sont revêtues de blanche probité, ne sont pas intéressées par un service public mauvais payeur et souvent ingrat». Mais alors, pourquoi tout ce remue-ménage ? Pourquoi engager des poursuites, pourquoi jurer ses grands dieux qu’on va vraiment réformer l’administration et juguler le gaspillage ? «Simplement parce que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les pays donateurs exigent avant Paris II des gestes concrets, montrant que nous voulons vraiment assainir nos finances publiques», répondent placidement ces sources. Qui ajoutent que le pouvoir «veut être pragmatique et tenter de limiter la casse, sur le plan financier et économique. Il ne cherche pas à engager le pays sur la voie d’une révolution blanche et surtout pas à ouvrir un débat d’ordre politique. Nous suivons donc une stratégie de petits pas et cela nous semble le seul moyen d’avancer, dans la conjoncture présente». Mais les petits pas en question peuvent être multiples. D’une part par effet naturel de réaction en chaîne, un scandale en appelant, ou en cachant, un autre. D’autre part, parce qu’il faut faire diversion. Un impératif qui filtre à travers les assertions du président de la Chambre, M. Nabih Berry, qui voit dans cette histoire de liste «une campagne visant des cibles politiques déterminées». Parallèlement, la justice révèle qu’elle s’inquiète avant tout de vérifier qu’il n’y a pas calomnie et qu’elle axe ses efforts sur ce point. Un souci de défense des renommées justifié par les récriminations unanimes des instances ou des particuliers dénoncés comme mauvais payeurs (ou plutôt comme pas payeurs du tout) par les syndicats. Tout le monde est blanc comme neige (au soleil de Satan) et se déclare diffamé. Mais les chiffres sont là pour laisser le doute planer : après le pavé dans la mare, l’EDL a pu collecter en une seule journée deux milliards de LL de quittances. Alors qu’ordinairement elle n’en voit pas une piastre, sauf à l’Est, la preuve étant que les créances qu’on lui doit se montent à plus de 1 000 milliards de LL.Une gabegie qui n’a rien d’étonnant quand on voit la confusion anarchique dans laquelle baigne l’exercice de l’autorité publique. Les journalistes ont pu de la sorte entendre le directeur général de l’office, M. Georges Moawad, proclamer tranquillement que tout ce que le ministre de tutelle, M. Abdel Hamid Beydoun, a dit devant les commissions parlementaires «est faux, archifaux». Le fait est que l’on peut s’étonner de la position «socio-politique» adoptée par le ministre, qui, depuis sa prise de fonctions, s’efforce toujours de plaider en faveur des régions qui sont branchées sur le courant mais pas sur les factures. On peut également trouver surprenant que dans un conflit de cette ampleur, un ministre prenne indirectement la défense des mauvais payeurs, souvent musclés. Et se retourne contre son département pour lui reprocher de ne pas savoir percevoir les fonds qui lui sont dus. Ce sont certes là des détails quasi anecdotiques. Mais ils apportent de l’eau au moulin des nombreux observateurs qui pensent que le Liban est encore loin de pouvoir se réformer. Ou se reformer.
Sésame, ouvre-toi ! C’est l’effet qu’a produit la fameuse liste d’indélicats usagers électriques publiée par les syndicats. Le bon peuple a cru un moment pouvoir, enfin, contempler les trésors d’Ali Baba. Ou plutôt des quarante voleurs. Et surtout, les Libanais ont eu soudain l’espoir que cette fois, tout irait jusqu’au bout. C’est-à-dire qu’à la faveur de ce...