Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSES

constitution - Taëf, un système difficilement modifiable en pratique

Cela fait dix bonnes années que tout le monde, signataires en tête, se plaint de Taëf. Alors, pourquoi pas de nouveaux accords, pourquoi pas un pacte national revisité, s’exclament les antitaëfistes ? Mais est-ce possible, est-ce même souhaitable ? La controverse se poursuit dans les salons, les mêmes arguments étant d’ailleurs utilisés pour descendre en flèche le système en place ou pour le défendre. Ainsi, au nom d’une conjoncture régionale extrêmement tendue, les loyalistes conservateurs soutiennent qu’il serait tout à fait inopportun de toucher à l’ordre établi. Leurs adversaires affirment pour leur part qu’au contraire, pour mieux faire face au péril, il est urgent de doter le pays d’une armure institutionnelle solide, en modifiant les règles du jeu. Mais, justement, quel changement peut-il y avoir à l’ombre d’un confessionnalisme politique qui reste intouchable, sans doute encore pour de longues années. Les partisans du statu quo font du reste valoir que, tout compte fait, un nouvel arrangement risquerait fort d’être encore pire que Taëf, ce qui n’est pas peu dire. Ils relèvent que certaines composantes communautaires du paysage politique local considèrent le statut obtenu à Taëf comme une sorte de droit acquis. D’ailleurs insuffisant, se hâtent-elles de surenchérir pour prévenir toute velléité de leur rogner ces précieux acquis. Même au titre d’un nécessaire rééquilibrage égalitaire dans la participation ainsi que dans le tableau de rapports de force entre les pouvoirs. – Ainsi, soulignent ces sources, les chiites ne sont pas du tout disposés à ce que l’on ramène de nouveau à un an ou deux le mandat du président de la Chambre, qui couvre actuellement, comme on sait, les quatre années d’existence d’une législature. Ce détail a son importance car, en rendant le speaker inamovible, il en fait une force redoutable, incontournable, sur l’échiquier politique. Car le deuxième personnage protocolaire de l’État est de la sorte en mesure de contrer l’Exécutif quand bon lui semble, sans jamais craindre de perdre le perchoir. Il concentre pratiquement entre ses mains le pouvoir législatif et cette continuité se traduit par une suprématie larvée du Parlement. Qui dominerait totalement la scène, n’était le jeu des décideurs qui s’arrangent pour que la place de l’Étoile ne soit ni l’unique réservoir de ministres ni en mesure de faire sauter le cabinet quand bon lui chante. Il n’empêche que le président de la Chambre a pris, grâce à Taëf, une telle envergure qu’il participe directement aux choix de l’Exécutif lui-même, où il est d’ailleurs largement représenté en termes de portefeuilles dévolus à ses lieutenants. Une puissance de feu confortée par le fait qu’en pratique la présente Constitution interdit à l’Exécutif, sauf sous certaines conditions quasi impossibles, de dissoudre l’Assemblée nationale. Dans le même ordre d’esprit, le Législatif «tient» l’Exécutif, dont il peut contrer à tout coup les projets, ou les bloquer indéfiniment. Même s’ils sont revêtus du caractère d’urgence, car les textes sont si confus qu’on ne sait toujours pas quand les délais commencent à courir. – De leur côté, les sunnites ont marqué des points essentiels à travers Taëf, au niveau de la prise en main de l’Exécutif. On les voit de la sorte s’arc-bouter sur la nature obligatoire des consultations parlementaires précédant la désignation d’un nouveau Premier ministre. Car cette procédure empêche le président de la République de nommer lui-même, à son gré, le nouveau président du Conseil. Et donc, d’en disposer par la suite. Aussi, le chef du gouvernement devient une puissance politique autonome. D’autant qu’étant en mesure de former le gouvernement presque à sa guise, sous condition de faire avaler la pilule au chef de l’État, il s’arrange assez facilement pour y disposer sinon d’une majorité absolue mais au moins de la minorité de blocage dite d’un tiers. Autre avantage appréciable, le président du Conseil n’est pas tenu à des délais pour signer ou contresigner des décrets, comme le président de la République. Il garde dès lors un pouvoir certain de veto pratique ou d’obstruction, quand le Conseil des ministres, titulaire théorique du pouvoir exécutif, s’oppose à ses propres vues. Parallèlement, ce même Conseil, le chef de l’État ne peut plus le convoquer à titre exceptionnel, sauf avec l’assentiment du Premier ministre. Et il en va de même pour l’ouverture de sessions extraordinaires de la Chambre des députés. Comme on voit, Taëf a assuré, au titre de ce que l’on appelait «la participation», une redistribution des cartes qu’il serait difficile de remettre en cause sans provoquer une levée de boucliers, un refus brutal, des bénéficiaires. Dirigeants et communautés.
Cela fait dix bonnes années que tout le monde, signataires en tête, se plaint de Taëf. Alors, pourquoi pas de nouveaux accords, pourquoi pas un pacte national revisité, s’exclament les antitaëfistes ? Mais est-ce possible, est-ce même souhaitable ? La controverse se poursuit dans les salons, les mêmes arguments étant d’ailleurs utilisés pour descendre en flèche le...