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Actualités - REPORTAGES

ENVIRONNEMENT - Un livre écrit par un chimiste « pour l’éveil du public » - Pollution de l’air : on devine sa gravité - mais on est toujours dans le noir

La pollution de l’air est un phénomène si important et si «visible» de nos jours qu’il en est devenu la préoccupation générale. Mais pour les scientifiques, le souci causé par cette pollution très dangereuse est ressenti depuis longtemps. C’est en 1974 que le Conseil national de recherche scientifique libanais (CNRSL) a commandé à trois experts la première étude sur un plan environnemental, avant que la guerre ne fasse voler ce projet, comme bien d’autres, en éclats. L’un de ces trois experts, Robert Hanna, a écrit un livre en langue arabe sur «L’environnement et la pollution de l’air», détaillant tout le processus. Robert Hanna est un chimiste, détenteur d’un doctorat d’État ès sciences, ancien doyen de la faculté de génie de l’Université libanaise (UL). Il a exposé pour nous le résultat de ses recherches. Comment un chimiste en est-il arrivé à s’intéresser à la pollution de l’air ? «Étudier la pollution, c’est observer les substances chimiques dans l’air, explique M. Hanna. Il faut dire qu’en 1974, le CNRSL a formé une commission de trois membres, dont moi, qui avait pour mission de préparer un plan quinquennal concernant l’environnement». C’était il y a 27 ans et la guerre, entre-temps, avait tout interrompu. «J’avais alors demandé au CNRSL de sponsoriser un projet de recherche sur la pollution de l’air, poursuit-il. Notre projet était de mesurer la pollution dans le Grand-Beyrouth à l’aide d’une station fixe et d’autres mobiles. Nous avions commencé à placer nos machines à la municipalité de Jdeidé qui était située sur un axe routier menant de Beyrouth à Tripoli. À l’époque, les statistiques nous indiquaient que douze mille voitures y passaient par jour. D’autre part, la municipalité se trouvait entre une zone industrielle et une zone résidentielle, et il était intéressant pour nous de mesurer l’impact de l’une sur l’autre». Après un travail de six mois, les chercheurs ont trouvé un coefficient de brouillard de 0,40, soit une moyenne équivalente à la limite supérieure admise aux États-Unis. La situation pourrait donc être catastrophique aujourd’hui ? «Il faut dire que, d’un autre côté, les voitures ont connu des améliorations au niveau de l’équipement», souligne M. Hanna. Aujourd’hui, les recherches sont donc interrompues depuis longtemps, et le matériel s’est carrément volatilisé. Mais le professeur de chimie n’a pas perdu sa flamme pour l’environnement. Ce qui l’a ravivée, c’est l’affaire des déchets toxiques enterrés en terre libanaise durant la guerre et qui a fait scandale il y a quelques années. «Ce souci constant de l’environnement m’a poussé à écrire ce livre, afin de donner au lecteur arabe un outil complet sur tout ce qui se passe dans l’atmosphère, depuis l’émanation des polluants aux réactions chimiques auxquelles ils sont soumis, à la manière dont ils y répondent, à leur impact sur la santé des humains, des animaux, des plantes et même des matériaux», explique M. Hanna. Le livre de 400 pages est divisé en neuf chapitres. Il aurait dû être suivi de deux autres ouvrages sur la pollution de l’eau et celle du sol. Mais M. Hanna ne compte plus les écrire. «La lecture n’est pas vraiment entrée dans nos mœurs», souligne-t-il avec amertume Zouk : incidence importante de maladies Il affirme que l’un de ses objectifs principaux demeure de contribuer à l’éveil du public : «Lorsque le phénomène de l’amincissement de la couche d’ozone a commencé à être connu à l’extérieur des cercles de scientifiques, les associations civiles américaines ont joué un grand rôle dans l’éveil et la lutte contre ce fléau. Cela m’amène à vous dire que si j’ai écrit ce livre, c’est aussi pour créer une opinion publique active dans le pays, que le citoyen devienne conscient de son importance dans la résolution des problèmes écologiques». Ce sont ces associations qui, quand la responsabilité des gaz appelés chlorofluorocarbones (CFC) a été établie dans l’affaire du trou d’ozone, ont donné le mot d’ordre pour que les consommateurs arrêtent d’acheter les produits contenant ces composés. Les ventes ont chuté de 70% en un an, malgré une étude monnayée par les producteurs de CFC visant à prouver le contraire. Ces derniers ont finalement dû se plier à la volonté populaire. Les huit premiers chapitres du livre de M. Hanna traitent de la question d’un point de vue environnemental, prodiguant des informations valables en tout temps et en tout lieu. Le neuvième chapitre est local, consacré à la pollution au Liban, en fonction des données qu’il a pu collecter sur place. Toutefois, M. Hanna précise qu’il n’effectue plus lui-même de recherches sur la pollution de l’air au Liban depuis l’interruption de son projet initial débuté en 1974. «Il y a cependant eu des études sur le sujet, sponsorisées par le CNRSL et conduites par deux collègues, dont j’expose les résultats dans mon livre, souligne-t-il. Les mesures ont été prises près des centrales électriques à Jieh et à Zouk, et près du complexe industriel de Chekka. Près de ce site, la teneur en oxyde de soufre (NO) atteint le double de ce qui est permis aux États-Unis, pays déjà tolérant en ce qui concerne ce polluant. À Zouk, les moyennes de NO étaient excessivement élevées quand le fuel utilisé contenait 2,5 % de soufre. Aujourd’hui qu’il n’en contient plus que 1 %, le taux avoisine celui des États-Unis». Certaines autres mesures ponctuelles ont été prises dans des rues de Beyrouth, mais elles restent fragmentaires. L’autoroute de Jal el-Dib serait la plus touchée. Toutefois, une étude intéressante a été effectuée par des étudiants de l’AUB : il s’agissait d’une comparaison entre Zouk et Amchit, deux localités géographiques similaires que ne distingue que la présence d’une centrale électrique à Zouk. Les résultats sont effrayants, ils ont montré une fréquence beaucoup plus importante de maladies de différents types à Zouk : toux sèche, quatre fois plus à Zouk qu’à Amchit, toux non sèche, trois fois et demi, pneumonie, dix fois, gêne respiratoire, trois fois, sensibilité cutanée, trois fois, allergies du système respiratoire, trois fois, asthme, trois fois. Par ailleurs, M. Hanna ne trouve pas de mots assez sévères pour dénoncer le diesel de mauvaise qualité utilisé au Liban et les permis accordés par le gouvernement en faveur de moteurs à mazout. « Les gens qui importent ces moteurs en achètent de très usés, prêts pour la casse, dit-il. Ces voitures roulaient à l’essence. On n’a pas bougé le petit doigt quand elles sont passées au mazout, puis aujourd’hui on veut leur payer des indemnités de la poche du contribuable ! Entre-temps, les taux de pollution atteignent des sommets, ce qui est une catastrophe pour un pays qui prétend avoir une vocation touristique !». Il ajoute : «C’est un crime contre les Libanais que de laisser ces gens-là rouler dans de telles conditions, voitures, minibus ou camions». M. Hanna assure n’avoir pas de projets actuels de recherche, surtout depuis qu’il a quitté l’université. Toutefois, il insiste sur le fait que ce dossier doit être traité de façon globale. «Il y a tellement à faire !», constate-t-il enfin.
La pollution de l’air est un phénomène si important et si «visible» de nos jours qu’il en est devenu la préoccupation générale. Mais pour les scientifiques, le souci causé par cette pollution très dangereuse est ressenti depuis longtemps. C’est en 1974 que le Conseil national de recherche scientifique libanais (CNRSL) a commandé à trois experts la première étude sur...