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Actualités - REPORTAGES

CORRESPONDANCE - L’Afro-Américain Jacobs Lawrence, - ou la grande percée dans le gotha de l’art blanc

WASHINGTON - Irène MOSALLI «Je crois ferme qu’il est très important pour un artiste de développer une approche et une philosophie de vie : lorsqu’il accède à cette philosophie, il n’applique plus uniquement de la peinture sur la toile, il se met lui-même sur la toile». Ainsi parlait et peignait Jacob Lawrence, le premier Afro-Américain qui, en pleine période de ségrégation (1930-1960), avait pu passer la frontière le séparant, comme tous les seins, de ses concitoyens de couleur blanche. En débarquant dans cette zone interdite, il avait été quand même accepté avec toutes ses spécificités «différentes». Sa première consécration Wasp, si l’on peut dire, était due à l’une de ses toiles intitulée «La Migration du Nègre». Elle avait été acquise par le grand amateur d’art américain Duncan Phillipis qui a créé un musée portant son nom, musée qui donne aujourd’hui à voir une imposante rétrospective de Jacob Lawrence intitulée «Au-delà de la ligne de démarcation». Jacob Lawrence (1917-2000) est un pur produit de Harlem où il est né, où il a grandi et où il a forgé un talent pictural imprégné des couleurs et de la culture de ce ghetto. Initié tout jeune à la peinture dans un centre récréatif de Harlem, il a de suite appris à inventer son propre langage artistique et son rythme de composition. Il a aussi été marqué par le goût du beau cultivé par sa mère qui, malgré des moyens financiers restreints, faisait un grand effort pour continuellement enjoliver son intérieur à l’aide de tissus et de tapis de couleurs vives L’épique et le quotidien Une palette qui est devenue la sienne et qu’il a utilisée pour conter son combat et celui de sa communauté pour la liberté et la justice. Ce peintre est considéré comme un narrateur de génie qui a su égrener les images de cette période sombre de l’Amérique, allant de la guerre civile à la revendication des droits civils. Il en a restitué les aspects épiques aussi bien que les moindres détails du quotidien. Aucun angle, ni trop insignifiant ni trop déterminant, n’a échappé à son observation. Sous son pinceau, ont surgi les églises, les bordels, le vendeur de blocs de glace, le racisme, la pauvreté, la guerre, les mariages interraciaux, les hospices, le poids de l’âge et la recherche des racines au Niger. Chez lui, les tensions et les dissensions ont généré une forme d’esthétisme qui ne pouvait pas passer inaperçue. Jacob Lawrence a fait, en 1941, sa grande percée dans le monde de l’art blanc par le biais d’une toile, intitulée «La Migration du Nègre», qui avait été exposée dans une galerie prestigieuse. Acquise de suite par Duncan Phillips, elle relatait la migration massive des Noirs du Sud rural américain vers les centres urbains du Nord. Développant un puissant style abstrait, conjugué à une forte sensibilité au drame de la ségrégation, il avait ainsi conçu une nouvelle expression moderniste qui distillait formellement une expérience intensément vécue. Dans les années 50, en pleine expansion de l’art abstrait new-yorkais, dans le tumulte de la bataille pour les droits civils et à l’issue d’un bref passage dans un hôpital psychiatrique, le peintre s’adonne aux jeux de l’ombre et de la lumière pour atteindre à plus de profondeur psychologique. Cette époque est notamment illustrée par une toile intitulée «Vaudeville» qui donne à voir deux comédiens noirs se faisant face dans une attitude de défi ironique. Un humour grinçant pour dire comment le public perçoit le showbiz de couleur. Ses compositions continuent à suivre les événements de près et dans les années 60, en plein feu de l’action, ils ont pour titre, Les prêtres en pière, Deux rebelles et La Révolution américaine. Une fois les tensions sociales apaisées, il n’en reste pas moins attaché (de 1970 à 2000, l’année de son décès) au parcours afro-américain tout en mettant l’espace à profit pour tenter de jeter un pont entre la démarche abstraite et la représentativité. Avec lui, comme avec Gide, «l’art commence à la résistance».
WASHINGTON - Irène MOSALLI «Je crois ferme qu’il est très important pour un artiste de développer une approche et une philosophie de vie : lorsqu’il accède à cette philosophie, il n’applique plus uniquement de la peinture sur la toile, il se met lui-même sur la toile». Ainsi parlait et peignait Jacob Lawrence, le premier Afro-Américain qui, en pleine période de...