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Actualités - BOOK REVIEWS

VIENT DE PARAÎTRE - « Sarah el-Katil » par Akl Awit - Décrypter la vie par la mort

Comme le silence qui habite les cimetières, terrible et vivant, tel est l’écho de cette poésie radieuse malgré un certain hermétisme et flirtant en toute audace, presque impudeur et lucidité avec la mort. Une plaquette au titre à la fois étrange et révélateur Sarah al-Katil (Libération du tué – 157 pages – Dar An-Nahar) de Akl Awit diffuse une musique non «funèbre» ou «funéraire» mais lumineuse en dépit de sa sereine mélancolie et ses clairs nuages transparents dans un ciel dégagé... Une musique, légère cantate et non solennel requiem, qui évoque constamment la mort avec une certaine troublante complaisance et familiarité. Omniprésence de «thanatos» avec son cortège de douleur, d’absence, de vide, de larmes, d’invocation, d’évocation, de prière, de pierre tombale, de cierges allumés, d’encens, de blanc, de noir, d’ombre, de pénombre mais aussi de joie inespérée, de découvertes insoupçonnées, de résurrection, de renonciation, de mysticisme et d’élévation. Des mots, touchés par la grâce de la foi, des mots donc aériens et insaisissables comme le battement d’ailes d’un ange, qui sondent et explorent avec gravité et voracité la vie par la poignante expérience de l’ultime voyage. La vie du côté de la mort (d’ailleurs le titre du premier poème) pourrait être la paraphrase de ce huitième ouvrage d’Akl Awit, poète d’expression arabe à la plume altière et éthérée. «La vie est aux vivants», dit l’adage populaire, mais ici la mort et son ombre rôdent autour des vivants comme pour mieux éclairer le parcours d’un quotidien brusquement insoutenable quand un «compagnon» est parti à mi-chemin... Apprendre la mort, l’apprivoiser, l’appréhender, la comprendre et ne pas en avoir peur et être dérouté, telle est la démarche «poétique» de cet auteur au verbe châtié et pur comme un reflet de nacre. Se libérer en regardant de front la Grande Faucheuse et savoir qu’«elle n’est pas notre ennemie mais notre voisine». La vie et la mort en effet voisinent (bien dangeureusement !) comme d’immémoriales complices, et leur compagnonnage est source d’une étincelle «différente». Acceptation (et non résignation), sens du divin et de l’éphémère, rituel d’une vie «perçue» différemment, voilà les propos d’un homme de lettres au ton élégant sans être empesé ou emphatique. Parler de la mort, la côtoyer, pour mieux percevoir le pouls même de l’existence... Une fenêtre, non sur le vide et l’absence, mais ce que le cœur et la pensée peuvent capter comme signes intelligibles d’ une vie nouvelle. Des images et des sonorités pleines de ferveur et de piété, telle une icône sainte ou une prière psalmodiée, habitent ce mince recueil et les mots, jaillis d’une certaine philosophie de l’au-delà, sont sertis avec la grâce, non d’un collier de perles mais des grains de buis d’un chapelet longuement, patiemment égrené. Ici la poésie, libre, libératrice (comme une confession) et «visionnaire», a pour fonction de rendre les souvenirs impérissables et la mort plus... humaine ! Notre voisine la vie Je ne suis pas votre ennemie dit notre voisine la mort. Parmi mes nombreux oublis J’étais la nuit de la pierre et du désert et presque le livre du néant Je parcourais la vie là où se profile l’ombre cherchant repos,sommeil et indolence Je comptais les prairies pour cultiver l’herbe de mon enfance et cacher l’inconnu de mon être avec la prière de la menthe et le ciel des calmes saisons. Je n’ai pas apprêté le soleil du jour pour le premier réveil de l’archange. La chambre La chambre c’est le livre du corps ses pierres sont les compagnons de l’esprit et le journal d’une femme ses pages sont un début et son jour est une fenêtre. Des anges d’un autre temps jouent de la musique un être s’interroge sur sa vie sur les murs il se réfugie dans ses habits et ne peut dormir. Rien ici que le lieu un tabernacle pour l’offrande et une douleur pour le prêtre un isolement qui désire la permanence de la nuit sa lumière habille les frissons sa pénombre est lueur de désir son silence est regard des yeux clos ses chants l’éloge de la fuite vers soi oraisons pour la solitude et la peur une coupe pour s’asseoir et un oasis pour la contemplation. Ses visiteurs sont personne et ils sont des amis et une vie.
Comme le silence qui habite les cimetières, terrible et vivant, tel est l’écho de cette poésie radieuse malgré un certain hermétisme et flirtant en toute audace, presque impudeur et lucidité avec la mort. Une plaquette au titre à la fois étrange et révélateur Sarah al-Katil (Libération du tué – 157 pages – Dar An-Nahar) de Akl Awit diffuse une musique non «funèbre»...