EXPOSITION - Au Khan Assaad Pacha de Damas, jusqu’au 18 juillet

Une mosaïque de regards d’écrivains, de chercheurs, de voyageurs et d’artistes européens sur la Syrie «La Syrie dans les regards de l’Europe», tel est le thème d’une exposition organisée par la Commission européenne en Syrie, qui se déroule au Khan Assaad Pacha de Damas jusqu’au mercredi prochain 18 juillet. Pendant plusieurs siècles, c’est à travers une observation attentive, livrée dans les récits, les cartes et les illustrations, que la Syrie va être minutieusement décrite, représentée, cataloguée par les voyageurs européens. Naturalistes, géographes, militaires, hommes d’affaires, écrivains, aventuriers de tout gabarit transitent par le pays. Cette exposition se présente donc comme une mosaïque bigarrée de regards d’écrivains, de chercheurs, de voyageurs et d’artistes européens. Elle se parcourt de manière délibérément éclatée. Elle traverse les époques et les lieux, les disciplines et les genres, les idiomes et les styles. L’accent a toutefois été mis sur des formes de recherche et de création contemporaines. Ainsi, des documents anciens se mêlent aux témoignages du présent, éclairant la complexité des relations entre la Syrie et l’Europe, en retraçant parfois les moments les plus sombres. Pénétrer dans la «Babel» des langues, se laisser dériver sur l’Euphrate, se perdre dans les souks d’Alep, contempler Damas, découvrir la grande Zénobie et saint Siméon, interpréter le périple de ces voyageurs... C’est là un bref aperçu de ce qui est donné à voir et à découvrir. Parmi les innombrables récits de voyages en Orient, ceux de l’Italien Pietro della Valle, écrits sous forme d’épistolaire, au début du XVIIe siècle, deviendront une référence incontournable. Goethe avoue lui-même s’en être imprégné pour Le Divan. Des extraits de récits de Sir Richard Burton, T.E Lawrence, Alphonse de Lamartine nous plongent dans l’atmosphère de la Syrie empreinte de mystère. Depuis toujours, l’Euphrate attire et fascine. En témoignent ces paysages photographiés par Christine Delpal, où dimension humaine et intensité spirituelle se mêlent dans le corps à corps harmonieux des hommes avec le fleuve, sorte d’accomplissement que saisit et souligne la lumière de ces images. Sur les tells du nord de la Syrie, où elle avait l’habitude d’accompagner son mari archéologue, Agatha Christie se métamorphosait volontiers en photographe. Un autre chasseur d’images, Antoine Poidebard, missionnaire, aviateur, pionnier de l’archéologie aérienne, a légué quelques vues impressionnantes de l’Euphrate. Avant l’ouverture du barrage de Techrine, un photographe s’arrête pour immortaliser sur papier glacé le désastre imminent. Le lac de retenue effacera une trentaine de villages de la carte. Hugues Fontaine y posera son objectif pendant deux ans. Promenade guidée dans la ville d’Alep, avec Ibn Jubayr et Jean-Claude David. Ces deux géographes offrent, à plusieurs siècles d’intervalle, des regards croisés sur l’une des plus anciennes cités du monde. À la fin du IVe et au Ve siècle, dans les pays chrétiens du Proche-Orient, notamment en Syrie, des hommes exprimaient leur foi à travers différentes formes d’ascèse. Dans les hommes ivres de Dieu, Jacques Lacarrière décrit ces extraordinaires destinées, et en particulier celle de saint Siméon, le premier stylite. Du côté des contemporains, on retrouve Jacques Ferrandez, ses récits poétiques et ses croquis qui oscillent entre bande dessinée et aquarelle. Ou les créations multimédias de Laura Federici, architecte italienne. Les photographies sont de Hugues Fontaine, auteur également de L’Euphrate, le pays perdu publié en avril 2000 aux éditions Actes Sud. Christine Delpal illustre sa démarche, qui associe anthropologie et photographie. Entre fiction et document, Alep est son principal objet d’investigation. Les images de Damas de la photographe italienne Rosetta Messori et les œuvres picturales de Gerti Bierenbroodspot font également partie de l’exposition. Voilà un voyage à travers le temps et les disciplines qu’il serait dommage de rater.