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Actualités - REPORTAGES

Le journalisme en ligne - tisse sa Toile -

La presse «en ligne» est devenue le nec plus ultra des journaux traditionnels qui tentent de rajeunir leur image et de séduire un public plus jeune. Mais l’irruption de l’Internet dans le monde du journalisme a bousculé quelques habitudes. Graduellement, insidieusement depuis une demi-douzaine d’années, l’Internet s’empare du journalisme. Dans les premiers temps, les premiers journaux à se mettre en ligne faisaient figure de pionniers. Les autres ne tardèrent pas à les imiter afin de n’être pas en reste. Au sein des rédactions, on voyait débarquer des «webmasters» chargés de mettre en ligne la production des journalistes. Parmi ces derniers, certains membres d’une avant-garde technophile proclamèrent l’avènement d’un journalisme du troisième type, le journalisme multimédia et interactif qui éclipserait la presse traditionnelle. Méfiants, la plus grande partie des journalistes, technophobes assumés ou honteux se tint à l’écart de cette nouvelle mode, n’y voyant qu’un gadget passager ne les concernant pas. De fait, beaucoup de rubriques mises à la disposition des internautes par ces journalistes «en ligne» parlaient d’informatique et d’Internet. Les informaticiens parlent aux informaticiens, l’esprit de ghetto était somme toute rassurant pour ceux de leurs confrères qui se méfiaient comme de la peste de ces nouvelles techniques. Pourtant, à l’occasion d’un Noël, d’un anniversaire, sous la pression insistante des enfants, ou, plus inavouable, afin de réaliser un désir refoulé, les journalistes les plus réticents à mêler l’Internet à leur activité professionnelle en vinrent à le pratiquer à domicile en amateur. En quelques mois, on put assister dans presque toutes les rédactions à une spectaculaire métamorphose : les mêmes qui, naguère encore, juraient leurs grands dieux que jamais on ne les verrait succomber à l’attrait du Web (lieu de rendez-vous bien connu des nazis et des pédophiles, et de surcroît dominé par la langue anglaise) étaient devenus des internautes confirmés, prescrivant à leurs collègues de travail qui n’avaient pas encore franchi le pas d’acheter le dernier modèle d’ordinateur multimédia et se vantant avec un zeste de fausse modestie, d’être des virtuoses des moteurs de recherche. On les vit alors se plaindre que les directions des journaux n’aient pas encore songé à les doter d’un poste de travail ayant accès à l’Internet : seul, le chef de service, notoirement rétif à l’informatique, avait éventuellement accès au réseau des réseaux. Non pour les satisfaire, mais parce que la concurrence avait équipé ses journalistes (ou s’apprêtait à le faire !), les directions finirent par leur donner satisfaction. Et graduellement, la nature du travail s’en trouva changée. Arrivant le matin, chacun put naviguer sur le Net, lire la concurrence en ligne, chercher la documentation qui lui manquait sur place (en prenant garde de ne pas se fier aveuglément à toutes les informations ramenées par les moteurs de recherche). Les plus entreprenants des journalistes y trouvèrent des sources nouvelles et inaccessibles par les moyens traditionnels car situées à l’autre bout de la planète. Les plus paresseux y puisèrent une justification supplémentaire de ne pas bouger de leur fauteuil. Tous pouvaient lire leur prose sur les écrans, sachant qu’au même moment, du Brésil, à la Nouvelle Zélande, des internautes inconnus qui jamais n’auraient pu acheter l’édition papier, faisaient de même. L’Internet a ceci de particulier qu’il agrège et désagrège tout à la fois. Des communautés (linguistiques, ethniques, nationales, ou simplement animées par des centres d’intérêt commun) se retrouvent dans le cyberespace à travers la planète, et le journal virtuel peut être ce lieu de rassemblement. Fidéliser l’internaute, une alchimie difficile Mais le journal que l’on feuillette n’est plus. On accède directement à l’article par thème, à travers une recherche sur un moteur. Et les tentatives des rédacteurs en chef pour guider l’internaute par la main se soldent le plus souvent par un échec, ce dernier ayant horreur qu’on lui dise où aller. Et plus vite encore qu’un zapping à la télévision, un clic de souris éloigne du journal cet internaute que l’on a cru apprivoiser le temps d’un article. La fidélisation du lecteur n’est déjà pas chose simple pour la version papier d’un journal. Appliquée à l’Internet, elle tient d’une alchimie plus mystérieuse encore. D’autant qu’à de très rares exceptions près, la presse sur Internet ressemble pour l’heure davantage à un gouffre financier qu’à une martingale pour doper les recettes du journal. Une contrariété, cependant, vient parfois assombrir l’horizon de ces nouveaux cyberjournalistes. Naviguant sur la Toile à la recherche d’informations pour enrichir les leurs, ils découvrent parfois que leurs propres articles ont été purement et simplement plagiés (dans le cas contraire, on parle de documentation !). Mais il y a pire : l’information n’est plus le monopole de la presse et des journalistes. Tout un chacun peut désormais éditer son propre «webzine» un magazine Internet réalisé en amateur et parfois – pas toujours – d’une grande richesse en information. Du coup, voilà notre cyberjournaliste saisi par le spleen. Si n’importe qui peut s’instituer journaliste à partir de sa page personnelle sur le Web, que reste-t-il aux journalistes, aux «vrais», ceux qui travaillent pour la presse labellisée ? Eh bien peut-être tout simplement de se battre pour leur raison d’être : apporter au public une information rigoureuse, vérifiée, inédite avec des analyses intéressantes. Rien ne garantira que le public se tournera vers les sites de presse, plutôt que vers les autres, sinon leur qualité. Et la stimulation engendrée par la concurrence devrait être un puissant aiguillon. Car sur la Toile, plus qu’ailleurs le lecteur/internaute se comporte en consommateur exigeant et compare ce qu’on lui offre. Au fond, l’Internet, cette technique dans laquelle la presse traditionnelle est entrée à reculons avant d’y plonger avec délices et de s’interroger enfin sur son intérêt, est sans doute le catalyseur dont elle avait besoin pour se remettre en question, et pas seulement sur le plan technologique.
La presse «en ligne» est devenue le nec plus ultra des journaux traditionnels qui tentent de rajeunir leur image et de séduire un public plus jeune. Mais l’irruption de l’Internet dans le monde du journalisme a bousculé quelques habitudes. Graduellement, insidieusement depuis une demi-douzaine d’années, l’Internet s’empare du journalisme. Dans les premiers temps, les...