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Actualités - BIOGRAPHIES

Deuil - Le patriarche a succombé à une crise cardiaque à l’âge de 94 ans - Maximos V Hakim, colonne de l’Église grecque-catholique

Il est parti à une date symbolique, celle de la fête des saints Pierre et Paul, les deux piliers sur lesquels a été fondée l’Église. À sa manière, pour son Église et pour l’époque tourmentée que son patriarcat a couverte, Maximos V Hakim était aussi une colonne. Il a succombé hier à une crise cardiaque, à l’hôpital du Sacré-Cœur, à l’âge de 94 ans, après des mois d’hospitalisation pour des complications pulmonaires. Son état de santé l’avait poussé à démissionner le 22 novembre dernier. Le synode grec-catholique lui avait choisi pour successeur le patriarche Grégoire III Laham. Des soubresauts des deux conflits mondiaux à la guerre des dupes du Liban, en passant par la «nakba» et le partage de la Palestine, en 1948, sa vie aura été mêlée de près aux événements dramatiques qui ont marqué le XXe siècle et dont certains se prolongent dans le XXIe. C’est à Tanta (Egypte), le 18 mai 1908, que Georges Hakim, qui prendra le prénom de Maximos V, voit le jour. Sa vocation sacerdotale est précoce. Homme de grande foi, il achève ses études au séminaire Sainte-Anne, à Jérusalem, et n’a que 22 ans quand il est ordonné prêtre en 1930 par l’évêque grec-catholique de Tyr Maximos Sayegh. Son intelligence, ses charismes l’appellent aux plus hautes fonctions. Il se voit confier la direction de la Faculté patriarcale, au Caire, et publie une revue religieuse de langue française – la première d’une longue série. Son zèle pastoral, la richesse de sa culture, le distinguent déjà aux yeux de ses supérieurs. Ce sont ces qualités qui les poussent, en 1943, alors que Maximos n’a encore que 35 ans, à l’ordonner évêque d’Acca, de Haïfa, de Nazareth et du reste de la Galilée. C’était le 13 juin 1943, sous le patriarcat de Cyrille (Kyrillos) XIII Moghabghab. Durant ses années épiscopales, il se distingue par ses qualités d’administrateur et de bâtisseur. Sous son impulsion, des églises, des écoles, un séminaire, un orphelinat et un foyer pour personnes âgées voient le jour. Aucun aspect de la vie de son diocèse n’échappe à son attention. Le clergé, les associations monastiques et les laïcs sont l’objet de sa prévenance. Dans le même temps, conscient de l’importance des médias, il publie en arabe la revue al-Rabita puis en français la revue L’apôtre de la Galilée. Il rédige en outre un recueil de commentaires de l’Évangile : Pages d’Évangile lues en Galilée qui sera traduit en plusieurs langues. Le 22 novembre 1967, quelques mois après la clôture du Concile, il est élu patriarche par le Saint-Synode réuni au siège d’Aïn Trez pour succéder à ce même Maximos IV Sayegh qui l’avait ordonné prêtre. En signe de reconnaissance et de continuité, il prend le nom de Maximos V, vingtième patriarche de sa communauté depuis 1724. Son patriarcat sera marqué par la décision d’ouverture de l’Église au monde qui marque le Concile, et bien des associations laïques jouiront de sa courageuse et clairvoyante protection et s’épanouiront dans leurs charismes particuliers. Dans le même temps, il accorde une grande attention à la formation sacerdotale. En 1970, il fonde un petit séminaire à Damas, dont la direction sera confiée aux pères paulistes, avant d’inaugurer en 1977 le grand séminaire Sainte-Anne à Raboué. C’est dans ce cadre nouveau qu’il installera le patriarcat, après le sac du siège patriarcal de Aïn Trez, en 1983. Ses déplacements continuels et obstinés entre Raboué et Damas, siège historique du patriarcat, lui valent d’échapper à une tentative d’assassinat. Quelques années auparavant, en 1969, pour faire entendre la voix de sa communauté dans un Liban dont l’horizon commencait à s’alourdir d’un amoncellement de sombres nuages, il avait décidé de fonder le Conseil supérieur grec-catholique. Son attention va également aux grecs-catholiques de la diaspora, en passe de devenir plus nombreux que ceux qui vivent dans cet Orient chrétien que beaucoup croient menacé de mort. Toutefois, pour resserrer les liens entre les communautés grecques-catholiques dans le monde et cette terre natale du christianisme où subsiste un petit reste, avec l’approbation du Saint-Siège, il fonde plusieurs diocèses dans les pays d’émigration (Brésil, États-Unis, Canada, Australie, Europe) et crée pour eux une union mondiale (1982). En 1983, après le cataclysme qui atteint le Liban et l’exode des chrétiens de la montagne, Maximos V Hakim convoque le Synode de son Église. Un deuxième et un troisième congrès suivront. Son charisme de bâtisseur continue, entre-temps, de se déployer à travers la création de nombreuses institutions, dont le centre Maximos V à Abra, orphelinat et école technique, la restauration du patriarcat et la création d’un foyer pour jeunes filles à Damas. Sur le plan politique, ses positions furent toujours empreintes d’une grande prudence et d’un grand équilibre. Sollicité par les journalistes, il restait conscient des enjeux vitaux de la guerre et se rangeait souvent à l’avis du patriarche maronite, qu’il rencontrait régulièrement au sein de l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban, puis au sein du Conseil des patriarches d’Orient. Sa voix, qui ne s’entendait pas souvent en public, n’était pas moins écoutée dans les grandes capitales du monde et d’abord au Vatican. Elle se fait entendre aujourd’hui sur un autre registre, dans une autre réalité où seuls pénètrent les hommes de foi tel qu’il fut.
Il est parti à une date symbolique, celle de la fête des saints Pierre et Paul, les deux piliers sur lesquels a été fondée l’Église. À sa manière, pour son Église et pour l’époque tourmentée que son patriarcat a couverte, Maximos V Hakim était aussi une colonne. Il a succombé hier à une crise cardiaque, à l’hôpital du Sacré-Cœur, à l’âge de 94 ans, après...