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Actualités - REPORTAGES

Politique ottomane au Liban en 1842

En 1842, après l’inqualifiable exil de l’émir Béchir Kassem à Constantinople, le gouvernement turc choisit, pour gouverneur des chrétiens, un membre de la famille Bellamah, l’émir Haydar. C’était un homme parfaitement inoffensif, ce qui n’empêcha pas son neveu, l’émir Béchir-Akmed, de lui faire une guerre sourde, poussé qu’il était par une puissance occulte. L’émir Haydar meurt en 1854, et on lui donne pour successeur au caïmacamat des chrétiens ce même Béchir-Akmed qui était druze et qui n’embrassa le christianisme qu’à l’occasion de son mariage avec la nièce de l’émir Haydar. Toutes les menées de la Porte Ottomane dans le Liban y ont produit, en divisant les maronites, je ne dirai pas précisément divers partis, mais enfin des camps opposés : le camp des Bellamah, celui des cheikhs et celui des fellahs ou paysans dans lequel se trouve, dit-on, le clergé. Je déclare ici que je n’entre particulièrement dans aucun des ces camps : je ne suis ni du parti des émirs, ni du parti des cheikhs, ni du parti des fellahs ; je suis tout entier avec les chrétiens, quels qu’ils soient, maronites ou autres. Je les range en faisceau dans ma pensée, et je défends leur cause, dans la mesure de mes forces, contre l’ennemi commun, le gouvernement turc ; depuis trois mois que je suis en Syrie, j’entends des accusations terribles des fellahs contre les cheikhs, des cheikhs contre les fellahs et, un peu tout le monde, contre l’émir Béchir-Akmed qui est encore, on ne sait ni pourquoi ni comment, caïmacam des chrétiens. Je n’entre dans aucune de ces accusations. Je me tiendrai en garde contre toute personnalité. Mais je ne pourrai pas me dispenser de citer des noms propres, plus encore pour faire bien comprendre la politique destructive de la Porte Ottomane, que pour jeter sur ces noms une flétrissure. Ce n’est pas ma faute s’ils se sont laissé duper, en s’amoindrissant eux-mêmes, par la politique turque. L’émir Béchir-Akmed, dont le père était mort druze, je l’ai dit ailleurs, druze lui-même avant son mariage avec la nièce de l’émir Haydar, ne se présentait pas aux maronites avec toutes les conditions qu’ils avaient droit d’exiger de leur gouverneur. Ils le virent arriver au caïmacamat avec une véritable peine. Leur crainte était-elle fondée ? Que répondrai-je ? Une seule chose : les maronites ont constamment été en défiance contre lui. Ils l’ont accusé d’être resté druze sous une enveloppe chrétienne. Plus que cela, ils l’ont accusé de les avoir trahis dans la dernière guerre. Ce sont là des accusations graves. En a-t-on des preuves évidentes ? «Non, vous répondent les maronites ; Béchir-Akmed est trop fin pour se compromettre par des paroles écrites, mais l’ensemble de sa conduite prouve bien qu’il n’était pas avec nous dans les derniers événements». Il est vrai que l’émir Béchir-Akmed, loin d’entrer dans l’idée d’une guerre des maronites contre les druzes, l’a combattue. Comment l’a-t-il combattue ? Par des démarches directes vers les hommes de sa nation ? Mais il ne le pouvait pas, car sa nation l’avait chassé de la montagne. Je sais de source certaine que l’émir Béchir croyait que la dernière guerre devait être fatale aux maronites. Il était donc de son devoir de les prévenir. A-t-il accompli ce devoir ? «Oui, vous répondra l’émir ; j’ai averti le consul de France». Mais le consul de France pouvait-il partager la croyance du caïmacam, en ce sens que les chrétiens devaient être battus ? Ce serait vraiment trop exiger. Quels motifs pouvaient faire croire à l’émir Béchir-Akmed que sa nation devait être écrasée ? Il peut répondre : «Les divisions qui régnaient». Mais il y a une chose que le caïmacam des chrétiens sait encore mieux que moi : c’est que les druzes ne voulaient pas de cette guerre ; pourquoi donc l’ont-ils commencée ? C’est lorsqu’ils ont été convaincus que l’appui de la Porte Ottomane ne leur manquerait pas. Je tiens ce mot d’une bouche non suspecte, de Béchir-Akmed lui-même. Ce mystère d’iniquité était donc connu à l’avance, et personne au monde ne l’a énergiquement dévoilé ! Il m’est impossible, à l’heure qu’il est, d’en dire davantage sur ce point. J’étudie une situation, et plus je vais, plus j’y découvre de sombres abîmes. Ce que je viens de dire au sujet de l’émir Béchir-Akmed entre dans mon étude de l’idée politique du gouvernement turc de détruire autour de lui tout ce qui n’est pas lui-même. B. Poujoulat : «La vérité sur la Syrie».
En 1842, après l’inqualifiable exil de l’émir Béchir Kassem à Constantinople, le gouvernement turc choisit, pour gouverneur des chrétiens, un membre de la famille Bellamah, l’émir Haydar. C’était un homme parfaitement inoffensif, ce qui n’empêcha pas son neveu, l’émir Béchir-Akmed, de lui faire une guerre sourde, poussé qu’il était par une puissance occulte....