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Actualités - CHRONOLOGIES

Un aspect méconnu : le parcours de Manoug photographe-spéléologue

Le 20 avril 2001, le Spéléo-Club du Liban organisait, avec le concours des autres associations spéléologiques au Liban, le 1er symposium de spéléologie consacré aux Proche et Moyen-Orient. Cette manifestation s’est déroulée dans les locaux de l’Université du Saint-Esprit de Kaslik en présence de cent-vingt spéléologues libanais et de trente spéléologues étrangers venus d’Europe, d’Asie, des États-Unis, d’Égypte, de Syrie et d’Arabie séoudite. À cette occasion, deux importantes expositions de photographies patronnées par Kodak groupaient pour la première fois au Liban plus de 400 documents se rapportant exclusivement au monde souterrain et, par-delà, à la protection de son environnement. La première comprenait plus de cent cinquante photos couleur de dimensions imposées en 30 x 40 ou en 50 x 70. Elle a été baptisée «Spélémédia». La seconde célébrait le cinquantenaire de la fondation du Spéléo-Club du Liban et groupait outre les documents d’époque consacrés aux activités nationales et internationales, les premières gravures de Jeïta réalisées en 1873, ainsi que plus de deux cents photographies en noir et blanc illustrant les différentes découvertes et la vie de ce club qui a tant rendu service au Liban. L’opportunité de rendre hommage aux premiers photographes-spéléologues libanais semblait s’imposer sans réserve. Le premier est destiné à Lionel Gorra, dont je possède un certain nombre de clichés remontant à 1947, le second est réservé au tandem Manoug-Zahi Hakim qui, dès 1953, se sont livrés à des expériences de photographies souterraines dans le but d’améliorer la qualité du rendu. Il me paraît important à l’occasion de la rétrospective Manoug, organisée à la place de l’Étoile, de rappeler son parcours de photographe-spéléologue, aspect méconnu jusqu’ici de notre grand artiste national. Décrire le personnage est superflu. Disons tout simplement qu’il fait partie des très grands noms de la photographie mondiale, je n’en veux pour preuve que le curriculum vitae (voir plus loin) que m’a fait parvenir du Canada son fils Ashod, que je remercie vivement ici. À quelle occasion ai-je connu Manoug ? Mes souvenirs remontent au mois de septembre 1952. Je sortais d’une expédition dans les grottes de Jeïta et ramenais un ou deux films de trente-six poses, prises avec les moyens de bord. Manoug était installé à cette époque à Bab Idriss au premier étage d’un immeuble de rapport juxtaposé à la Libraire Antoine et à la boutique Sarafian. Un long couloir menait à ce qui était son lieu de travail. Surpris par les documents pour le moins étranges qu’il avait sous les yeux, il se propose de m’accompagner lors de mes prochaines incursions souterraines. Je lui propose alors de se joindre au petit groupe constituant déjà le Spéléo-Club du Liban. Il acquiesce, l’occasion était trop bonne pour sortir du contexte de la photographie classique. C’est ainsi que nous avons eu la chance de compter Manoug parmi les passionnés de la photographie de notre club. Il est vrai que Manoug n’avait aucune, mais aucune aptitude aux sports quels qu’ils soient. L’effort physique, l’exploration pour le plaisir ne l’inspiraient guère. Manoug n’a jamais envisagé la photographie comme un simple passe-temps. Il lui fallait de beaux paysages souterrains, plutôt vastes et riches en concrétions. La photographie était pour lui source de réflexion et source infinie d’inspiration. Je lui ai servi de guide dans ses pérégrinations souterraines, encombrées de ses nombreux Lynhoffs, Hasselblads, Nikons..., flashs électroniques, ampoules magnétiques, trépieds, objectifs divers, fils de rallonge, réflecteurs spéciaux, arsenal précieux ô ! combien encombrant. Toujours avec le sourire et cette bonne humeur qui le caractérisait, il arrivait ainsi à franchir nombres d’obstacles se souciant peu de son matériel photos, que les «copains» il est vrai avaient pris en charge. Lors de ces courtes expéditions souterraines, Manoug travaillait toujours en symbiose avec les autres jeunes photographes du club. Il lui arrivait souvent de synchroniser les lumières de ses flashs avec les amateurs qui l’entouraient et de prodiguer généreusement conseils précieux quant à l’ouverture, la mise au point et le cadrage. Dès 1956, lorsque la rivière souterraine a été aménagée par les soins du Commissariat général au tourisme, Manoug n’était plus attiré que par le contexte original et spectaculaire qu’offrait la grotte de Jeïta. Le circuit touristique était son domaine favori. Les appareils lourds qu’il transportait étaient plus en sécurité dans les barques en Duralumin qu’empruntaient les touristes que dans les canots pneumatiques à haut risque. Il affectionnait particulièrement le Linhoff-13 x 18. Dès 1969, les galeries supérieures de Jeïta sont à leur tour accessibles. Elles seront son lieu de prédilection. Le résultat a toujours été remarquable. Je possède quelques épreuves en noir et blanc, et le Conseil national du tourisme a eu la sagesse avant son ultime départ pour le Canada d’acquérir une sélection de diapos-couleurs. Nombreuses de ses photographies spéléologiques ont servi de matrices aux affiches touristiques, à la livre libanaise, aux timbres-poste, aux posters des deux concerts électroacoustiques donnés dans les «galeries supérieures» de Jeïta en 1969 et aux cartes postales vendues jusqu’ici dans nombreuses papeteries. Les photographies prises dans les grottes de Jeïta, dont certaines reproduites sur panneaux de plusieurs mètres carrés, ont recouvert les murs de l’aéroport de Beyrouth, de nombreux ministères et d’agences de voyages représentant le tourisme au Liban et à l’étranger. Les affiches spéléologiques réduites à trois concernent la grotte de Jeïta : La première est une sérigraphie de Koroleff tirée à 100 exemplaires et inspirée du «Dais», concrétions situées à environ 200 mètres de l’entrée (format : 0,75 x 0,40 cm). La seconde (0,57 x 0,50) a été réalisée à l’occasion du concert inaugural donné à Jeïta en 1969. Elle représente des gours stylisés. Les lignes blanches figurant le contour de ces barrages naturels ont été gaufrées lors de l’impression de l’affiche. Celle-ci a été conçue par Wadah Farès. La troisième affiche (0,59 x 0,42) a été émise à l’occasion du concert de Stockhausen. Elle représente l’entrée des galeries supérieures aménagées de Jeïta. Un nuage psychédélique a été rajouté en surimpression. Elle a la particularité, avec son en-tête Concerts spéléophoniques, d’avoir introduit pour la première fois dans le vocabulaire spéléologique international une terminologie nouvelle. L’affiche a été conçue par Jean Balady. Les timbres-poste : le Liban est, en 1955, le 6e pays au monde à avoir reproduit un paysage souterrain sur timbres-poste. L’effigie est une reproduction d’une photographie de Manoug représentant la rivière souterraine, jadis à la portée des touristes visitant cette grotte aujourd’hui tombée dans l’oubli. La série postale comprend cinq timbres de format en mm., largeur : 19,5 - hauteur : 34,8. La valeur nominale en piastre est de 7,50 p, 10p, 12,50 p, 25 p et 50 p. Les couleurs sont rouge/orange, vert/jaune, bleu/violet et vert/gris. Le second timbre a été émis en 1967, à l’occasion de l’année internationale du tourisme. Il s’agit d’une effigie de format 43,5 pour la hauteur, et de 56,5 pour la largeur. De valeur nominale de 20 piastres, elle est de couleur orange/vert. Ce timbre toujours inspiré d’une photo de Manoug représente une barque de touristes sous le «Dais». Enfin, en ce qui concerne la monnaie libanaise, le ministère des Finances a eu l’heureuse idée d’imprimer sur l’une des faces l’un des plus beaux parcours de la rivière souterraine, aujourd’hui interdit au public, représentant la richesse inouïe de ce trésor souterrain. Il s’agit du billet d’une livre libanaise (aujourd’hui retiré de la circulation) dont le format est pour la largeur de 13,7 cm et pour la hauteur de 6,55 cm. J’ajouterai que c’était la première fois dans le monde des finances qu’une telle initiative était prise. Je n’en connais jusqu’ici aucun autre exemple. Je passerai sous silence les nombreux prospectus du tourisme, de la Middle East Airlines et des programmes de festivités diverses ayant emprunté pour les couvertures les photos spéléologiques de Manoug. L’apport dans le domaine libanais du spéléo-tourisme de Manoug reste l’une des nombreuses facettes inconnues de ce photographe de qualité universelle. Il mérite toute notre admiration.
Le 20 avril 2001, le Spéléo-Club du Liban organisait, avec le concours des autres associations spéléologiques au Liban, le 1er symposium de spéléologie consacré aux Proche et Moyen-Orient. Cette manifestation s’est déroulée dans les locaux de l’Université du Saint-Esprit de Kaslik en présence de cent-vingt spéléologues libanais et de trente spéléologues étrangers...