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Actualités - ANALYSES

Les chancelleries attentives à l’émergence politique du Hezbollah

C’est avec une attention soutenue que les chancelleries occidentales et arabes ont suivi les péripéties d’un débat budgétaire local particulièrement houleux. Cet intérêt entre sans doute dans le cadre d’une mission d’observation de routine. Mais il s’est trouvé démultiplié par l’émergence, sur le front des tiraillements intérieurs, du Hezbollah. En effet, la formation intégriste, bien qu’ayant rejoint le cycle parlementaire traditionnel dès 1992, s’était cantonnée jusque-là dans un rôle de représentation sociale et économique. Sans participer au jeu des axes ou des alliances, malgré son évidente lutte d’influence avec le mouvement Amal au sein de la communauté chiite. C’est que, jusqu’au retrait israélien, l’idéologie du parti lui commandait de se focaliser sur la libération. Une priorité maintenue en principe, puisque le Hezbollah pense et proclame qu’il doit continuer à combattre pour Chebaa. C’est justement pour cette raison que les diplomates étrangers en poste à Beyrouth se demandent si la brusque irruption du Hezb sous le chapiteau du cirque politicien ne signifie pas qu’il se fait désormais une raison. Ou plutôt qu’on lui a fait entendre raison, pour l’amener à transférer son potentiel d’activité du terrain militaire aux marais, aux sables mouvants, du domaine dit politique. À vrai dire, le parti s’en défend vigoureusement, en affirmant que ses assauts contre le gouvernement lors du débat budgétaire ne sont inspirés que par des considérations de développement rural et nullement par des prises de position s’inscrivant dans un rapport de forces politiques. Mais la diversification de ses attaques, qui ne se sont pas limitées aux revendications en faveur de la région déshéritée de Baalbeck-Hermel, et la coordination manifeste avec les détracteurs de M. Hariri donnent à penser que le Hezbollah n’est pas loin d’intégrer le circuit traditionnel qui s’articule autour de la recherche d’acquis en termes de désignations, de permutations et de protection d’une riche clientèle de fonctionnaires. On sait ainsi la part prépondérante qu’il a prise dans le mouvement de sédition des employés radiés de la MEA, qu’il affirme crûment vouloir protéger de tout licenciement. Dans le même ordre d’esprit, et en bonne logique, les observateurs prévoient que lors de la formation du prochain gouvernement, le Hezb, qui n’a jamais encore eu de ministres, réclamerait sa part de portefeuilles. D’avance ou dès à présent, beaucoup de forces politiques en place, que cette métamorphose ne séduit pas, accusent le Hezb de vouloir exploiter l’action de résistance armée qu’il a pu mener au Sud. Alors que, soulignent ces âmes charitables, la propagande du parti le présentait comme totalement désintéressé, n’ayant en vue que la libération du territoire et même traitant par le mépris les pratiques de la caste politique locale. Or, ajoutent ses contempteurs déjà très nombreux, voici que le Hezbollah, pour son galop d’essai, se distingue par sa virulence, n’hésitant pas à joindre l’action de rue au verbe parlementaire contestataire. Sans aller jusqu’à lui reprocher une telle attitude, un vétéran note que «le Hezbollah, en devenant comme les autres, risque au fond d’élimer son capital de confiance auprès des gens. D’autant que parallèlement à son image de marque de chevalier blanc, il prônait jusque-là l’unité des rangs intérieurs, pour renforcer le pays face à l’ennemi israélien. En renonçant à cette sage attitude de neutralité positive ou de rassembleur, le Hezb risque d’écoper des mêmes qualificatifs peu élogieux dont la population, l’homme de la rue accablent la caste politique traditionnelle, championne de sordides zizanies. En somme, sur l’échelle des valeurs et des appréciations, les intégristes courent vers une sérieuse dégringolade». Ce professionnel averti soutient que «des signes avant-coureurs d’un changement de cap de la part du Hezbollah avaient pu être relevés quand il avait décidé de s’engager contre Bkerké au sujet du redéploiement syrien. La deuxième erreur de débutant commise semble être la confrontation avec le gouvernement et avec la loi, au sujet de la MEA. Une décision lourde de sens, puisqu’on sait que ce dégraissage promet des charrettes dans toutes les administrations qui accusent une surcharge pondérale parasitaire en matière d’effectifs. Dès lors, le Hezb, comme beaucoup de pôles attachés à leurs acquis ou à la défense de leur clientèle, a l’air de refuser la réforme et de se rebiffer contre un redressement économique auquel tout le pays aspire. Cela ne va pas le rendre très populaire, sauf bien évidemment dans les foyers touchés par les licenciements. De même, le Hezbollah mène campagne pour Baalbeck-Hermel en oubliant qu’il existe bien d’autres régions déshéritées. En d’autres termes, le Hezbollah, comme bien d’autres forces politiques locales, se présente en défenseur d’intérêts particuliers aux dépens de l’intérêt général. Offrir une telle image au moment où le pays est en train de sombrer économiquement ressort d’une mauvaise stratégie. D’autant que le Hezb aggrave son cas, si l’on peut dire, en descendant dans la rue pour y contester les institutions. Il va sans dire qu’une telle agitation n’encourage pas ces investissements dont le Liban a besoin».
C’est avec une attention soutenue que les chancelleries occidentales et arabes ont suivi les péripéties d’un débat budgétaire local particulièrement houleux. Cet intérêt entre sans doute dans le cadre d’une mission d’observation de routine. Mais il s’est trouvé démultiplié par l’émergence, sur le front des tiraillements intérieurs, du Hezbollah. En effet, la...