Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE - Des experts de « Consumers International » en visite au Liban - Protection du consommateur : un cadre juridique - et une réorganisation institutionnelle s’imposent

Avec un manque de cadre juridique pour la protection du consommateur, la corruption et les tiraillements politiques qui rendent toute mesure quasi impossible à appliquer, la situation du consommateur libanais n’est pas enviable. C’est la conclusion à laquelle sont parvenus des représentants de l’association «Consumers International» en visite au Liban. Alain Granson, directeur de programmes et point focal pour le Moyen-Orient, et Robin Simpson, directeur de projets spéciaux au sein du Conseil national de consommation du Royaume-Uni, ont apporté leur soutien à la jeune association «Consumers Lebanon», lors d’une conférence de presse tenue à l’Université Haïgazian, en collaboration avec les président et vice-président de l’association libanaise, MM. Zouheir Berro et Karim Trad. D’emblée, M. Granson a exprimé sa satisfaction du travail accompli par la nouvelle association libanaise, «qui devrait, si tout va bien, devenir membre de “Consumers International” dans l’espace d’une année». Il a souligné «l’importance d’une représentation locale des consommateurs dans les différents pays, d’où le fait que nous appuyons les associations nationales». Il a précisé que «Consumers International» n’apportait pas d’aide matérielle à ces associations, ce qui est au-dessus de ses moyens, mais peut les aider à obtenir des fonds d’agences internationales. M. Granson a évoqué trois objectifs de cette tournée, «effectuée sur notre initiative et à l’invitation de personne», qui a englobé, outre le Liban, la Jordanie et la Syrie. «D’une part, il s’agissait pour nous d’évaluer le niveau de représentation civile des consommateurs dans ces pays, notamment les associations, a-t-il dit. Il nous fallait également évaluer les besoins de ces mouvements et les problèmes auxquels fait face le consommateur. Nous nous sommes rendu compte qu’au Liban, les questions relatives à la sécurité alimentaire sont particulièrement préoccupantes. Enfin, nous avons discuté de la possibilité d’assurer un financement à des projets menés en collaboration avec les associations dans ces pays». Il a reconnu que «beaucoup reste encore à faire dans ces pays au niveau institutionnel et à celui des organisations». Les deux experts ont tenu des réunions avec différents responsables libanais et internationaux basés au Liban durant leur court séjour dans le pays : les députés Mohammed Kabbani et Yassine Jaber, respectivement président de la commission des Travaux publics et du Transport et membre de la commission de la Justice, Antoine Semaan, directeur de Libnor, le département de normalisation, les représentants de l’Unido et de l’Union européenne. Ils devaient se réunir avec le ministre de l’Économie et de l’Industrie, Bassel Fleyhane. Comment peuvent-ils se faire une idée précise de la situation des consommateurs à partir de ces quelques réunions ? «C’est difficile, mais nous avons parlé avec les membres de l’association, nous avons visité plusieurs officiels libanais et représentants d’agences internationales et nous allons rencontrer le ministre, a précisé M. Granson. Comme nous avons l’habitude de ce genre d’enquêtes, nous savons quelles questions poser. Nous pouvons vous rendre compte si une association fait du travail concret». Pour sa part, M. Simpson a précisé que «les initiateurs des associations dans les trois pays provenaient d’horizons différents : des universitaires pour la Jordanie, un fonctionnaire en Syrie et des citoyens au Liban». Il a parlé plus longuement des sujets traités avec les responsables : «Les négociations sur les accords autour de la zone de libre-échange entre l’Europe et le Liban pourraient profiter aux Libanais, qui verraient les marchés européens s’ouvrir devant eux, mais pourraient aussi causer de graves problèmes aux agriculteurs. En effet, il est difficile aux agriculteurs libanais et ceux des pays en développement de faire face aux produits européens subventionnés, donc débarqués dans leur pays à prix bas. Cela est déjà arrivé en Égypte et en Jordanie». Le second problème discuté est celui de la sécurité alimentaire. «Au Liban, l’usage des pesticides et des antibiotiques (pour les animaux) est incontrôlé et exagéré, a fait remarquer M. Simpson. La situation était similaire en Europe avant que des règles plus strictes ne soient appliquées. Mais il reste des pratiques qui devraient être modifiées dans ces deux parties du monde». Bientôt une FDA au Liban ? Partant du fait qu’il fallait garantir la sécurité des consommateurs dans tous les pays, l’expert anglais a soulevé le sujet de la création d’une agence, gouvernementale mais autonome, qui se chargerait de cette mission. «Mes collègues libanais sont tentés par l’exemple de la FDA (Food and Drug Administration, organisme chargé aux État-Unis du contrôle des produits alimentaires et des médicaments) américaine, a-t-il dit. Il existe également des agences au Royaume-Uni, créées après la crise de la vache folle, et en France, ainsi qu’une nouvelle agence communautaire pour toute l’Union européenne, basée à Dublin». À ce propos, M. Berro a révélé que deux réunions s’étaient tenues récemment, l’une les 14 et 15 juin à l’USJ, à l’invitation de l’Unido, et l’autre le 18 juin avec la municipalité de Beyrouth. Les deux réunions, auxquelles a pris part l’association, portaient sur la sécurité alimentaire. «La nécessité de créer une agence de protection du consommateur y a été soulevée, a-t-il assuré. Celle-ci devrait chapeauter tout ce qui se rapporte à la consommation, du laboratoire aux normes, à la production, à l’importation… Elle devrait fonctionner dans un contexte de collaboration entre l’État, le secteur privé et la société civile. Elle devrait également jouir de pleines prérogatives qui lui donnent le pouvoir d’accepter ou d’interdire n’importe quel produit». Insistant sur les déficiences dans la protection du consommateur au Liban, M. Granson a assuré cependant que «toutes les personnes rencontrées pensent que ce sujet est prioritaire». Mais, selon lui, rien ne peut être fait sans cadre juridique. «Il existe un projet de loi actuellement examiné au Parlement, a-t-il rappelé. Nous appuyons fortement de telles initiatives. Une loi facilite la lutte pour la protection du consommateur, puisqu’elle sert de cadre aux protestations d’une organisation ou d’individus en cas de problèmes». La réorganisation des institutions s’impose aussi. «Il est primordial qu’un corps indépendant se charge de la protection du consommateur», a souligné M. Granson. Il a ajouté que «l’UE devrait envoyer bientôt trois experts pour évaluer la situation au Liban, et du progrès devrait être réalisé sur ce front». Mais c’est justement cette initiative tardive de l’UE qui a provoqué le retard de l’intervention de «Consumers International» dans les pays de la région, comme l’a précisé le représentant de cette association en réponse à une question. «En 1998, l’UE nous avait assuré qu’un vaste programme en faveur des associations de protection des consommateurs pour les trois pays était en gestation, mais il n’a jamais été élaboré en raison de certains problèmes», a raconté M. Granson. Pour sa part, interrogé sur le rôle du consommateur international dans la protection des pays pauvres contre l’invasion de produits provenant de pays développés, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Simpson a précisé : «Le processus de libre-échange ne devrait s’implanter que dans dix ans. Nous sommes toutefois très actifs au sein des négociations de l’OMC. Nous défendons la cause des agriculteurs de pays pauvres. Cependant, force est de reconnaître qu’il vaut mieux, pour le Liban, de faire partie de l’OMC et y négocier sa place, que d’en être exclu et de voir les produits qui inondent son marché importés de toute façon». Comment se passera la coopération future avec l’association libanaise ? «Je suis moi-même le contact officiel au sein de “Consumers International” pour cette partie du monde, a précisé M. Granson à L’Orient-Le Jour. Je travaillerai régulièrement par e-mail, par téléphone, etc. Si j’en ai les moyens, je viendrai davantage au Liban. Nous sommes en train d’établir un programme de coopération, mais il est trop tôt pour en parler aujourd’hui. Nous avons cependant des idées bien concrètes sur l’échange d’informations, les conseils à donner. Actuellement, nous aidons l’association à obtenir un financement de l’Union européenne dans le cadre du programme MEDA». Il a affirmé avoir senti que les responsables libanais et étrangers soutenaient fortement l’association, «ce qui est un bon signe, mais ce n’est pas suffisant», reconnaissant «qu’il faut du temps pour progresser». Enfin, pour ne pas terminer sur une note négative, M. Simpsons a poussé les peuples de la région à préserver les atouts qu’ils possèdent, notamment «la cuisine, meilleure et plus saine que celles des pays du nord de l’Europe !»
Avec un manque de cadre juridique pour la protection du consommateur, la corruption et les tiraillements politiques qui rendent toute mesure quasi impossible à appliquer, la situation du consommateur libanais n’est pas enviable. C’est la conclusion à laquelle sont parvenus des représentants de l’association «Consumers International» en visite au Liban. Alain Granson,...