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Actualités - REPORTAGES

HISTOIRE - De l’occupation ottomane à l’autonomie acquise en 1860 - Quand le monde regarde vers le Mont-Liban

Historiquement, le Liban n’a jamais été absent de la scène internationale. Situé à l’entrée de l’Orient méditerranéen, à la périphérie de l’empire ottoman, habité par des minorités chrétiennes et musulmanes, gouverné par des dynasties arabes sans cesse préoccupées de se garantir un minimum d’indépendance ou d’autonomie, le Liban allait s’attirer, dès le XVIe siècle, l’intérêt de plus d’une nation. Plus précisément, l’intérêt était réciproque. D’une part, les nations européennes voient de plus en plus dans le Liban géographique un centre de communications terrestres et maritimes, des ports de commerce et une position stratégique, et dans la population libanaise des éléments humains à la fois dignes de protection et utiles pour saper les fondements de la puissance ottomane maîtresse de la plupart des rives méditerranéennes. Les premiers contacts des autorités libanaises avec des gouvernements étrangers remontent à Fakhreddine le Grand. Celui-ci a entretenu des relations suivies avec plusieurs souverains d’Europe et a engagé avec eux de fréquentes négociations. En 1608, il négocie un traité militaire avec Hippolyte Lioncini, envoyé de Ferdinand 1er, grand-duc de Toscane, en présence du consul de France à Saïda. L’entente secrète d’entraide convenue va provoquer l’invasion du pays par des forces turques, sous le commandement de Hafez Pacha (1613). Fakhreddine doit s’exiler en Italie, d’où il ne rentrera qu’en 1618. Durant son séjour en Italie, l’émir a de nombreuses conversations politiques avec le pape Paul V, le grand-duc Cosme II de Toscane et le duc d’Osuna, représentant en Sicile du roi d’Espagne. Il n’a de cesse d’intéresser l’Occident à chasser les Ottomans des lieus saints, de la Syrie et du Liban. Il essaie aussi de se rapprocher de la France, mais sans résultats concrets, celle-ci étant alors engagée dans une politique de coopération amicale avec la Sublime Porte. À partir de 1611, Fakhreddine se fait représenter auprès des cours italiennes par un envoyé permanent, l’évêque maronite de Chypre Gerios Maroun, qu’il charge à différentes reprises de missions auprès des souverains pontifes, des grands-ducs de Toscane et du roi d’Espagne. Un effort diplomatique énorme En novembre 1634, quand Fakhreddine est fait prisonnier par les envahisseurs ottomans, Gerios Maroun négocie avec le pape Urbain VIII et le grand-duc Ferdinand 1er de Toscane l’envoi d’une expédition au secours de son émir. L’évêque écrit le 11 novembre de la même année au souverain de Toscane : «L’audience que m’a accordée le souverain pontife a comblé mes vœux. Sa Sainteté a fait part de son désir sincère de voir conclure cette affaire. Elle a fait l’éloge de votre altesse et de ses bonnes intentions, et m’a ordonné de me mettre immédiatement en rapport avec l’ambassadeur de Toscane à Rome au sujet de notre projet. L’ambassadeur a présenté un rapport complet au cardinal Francisco Barberini, qui en a traité à son tour avec sa sainteté et m’a annoncé ensuite que ma maison était, avec l’aide de Dieu, en bonne voie». On peut donc dire que l’effort diplomatique de Fakhreddine a été énorme si on le situe dans son époque et dans l’état d’isolement où la puissance ottomane, alors considérable et redoutée, plaçait l’émir libanais. Fondateur du Liban moderne, Fakhreddine aura été aussi le précurseur de la diplomatie libanaise. Après lui, ses successeurs n’ont plus osé recourir à l’aide des puissances étrangères, si l’on excepte les timides efforts de l’émir Youssef (1770 – 1788). Ce dernier s’est d’ailleurs contenté de faire agir le patriarcat maronite auprès du Saint-Siège et de la France en vue, semble-t-il, non d’une aide précise mais d’une manifestation de sympathie envers son régime et sa personne. Youssef a laissé percevoir ses velléités d’alliance en faisant appel à la flotte russe de la Méditerranée, qui croisait au large de Chypre, pour l’aider à déloger de Beyrouth un lieutenant indocile, le fameux Djezzar. Les Russes lui prêtèrent assistance avant de se retirer. Quant à Béchir II, c’est avec un silence des plus prudents qu’il accueillit les offres d’alliance que lui fit parvenir Bonaparte à la veille d’assiéger Saint-Jean-d’Acre (1799). En 1840, il ne veut pas s’engager avec l’Europe et les Anglais, ce qui précipitera sa perte. Il est vrai qu’il a conclu une alliance secrète avec Méhémet-Ali, mais ce n’est qu’un accord d’entraide entre deux gouvernants vassaux du sultan ottoman. Luttes d’influences À partir de 1840, après la chute de Béchir II, le Liban devient le champ clos d’intrigues et de luttes d’influences entre diverses puissances étrangères. La région se situe désormais officiellement hors de la compétence exclusive de la Sublime Porte. Car, en novembre 1841, profitant des troubles et des guerres civiles, la Porte a destitué le dernier émir libanais, Béchir III, et nommé à sa place Omar Pacha. Mais le corps diplomatique accrédité à Constantinople proteste énergiquement auprès du sultan, et celui-ci doit accepter d’ouvrir des négociations avec les représentants des grandes puissances. C’est la première démarche collective solennelle des grands États européens en faveur de l’entité libanaise. Elle va aboutir en 1841 à une dernière décision ottomane, unilatérale en apparence, sur le régime administratif de la province du Mont-Liban : sa division en deux caïmacamats (ou districts), l’un maronite au Nord, l’autre druze au Sud. L’Europe s’en mêle Les événements, et plus précisément les troubles et l’anarchie que font régner sur son territoire, de 1841 à 1861, les soubresauts de l’empire ottoman, devenu entre-temps «l’homme malade» du siècle, ont fait franchir au Liban un pas décisif dans la vie internationale. Les entités habilitées à négocier et signer des traités et à entretenir des relations diplomatiques internationales sont les États souverains. Fakhreddine, on l’a vu, a eu des relations et des accords avec divers gouvernements étrangers. Mais ces rapports sont demeurés au stade officieux, voire secret. Les circonstances ne lui ont pas permis d’exercer librement, ouvertement et officiellement les attributs d’un État souverain «sujet du droit internationale». En 1860, une étape est franchie, qui va faire que le Liban, sans être encore un État habilité à user du droit de négocier et de signer des traités, devient l’objet officiel de conférences diplomatiques et une matière du droit international. Désormais, son sort échappe légalement à l’autorité exclusive du sultan de Constantinople.
Historiquement, le Liban n’a jamais été absent de la scène internationale. Situé à l’entrée de l’Orient méditerranéen, à la périphérie de l’empire ottoman, habité par des minorités chrétiennes et musulmanes, gouverné par des dynasties arabes sans cesse préoccupées de se garantir un minimum d’indépendance ou d’autonomie, le Liban allait s’attirer, dès le...