Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Au contraire des autres régions de la Syrie ottomane, les familles princières locales ont conservé leur pouvoir sur l’arrière-pays. Deir el-Qamar, dans le Chouf, berceau de Ma’an, est transformé en résidence princière, regroupant autour d’une place ouverte des palais, un grand bâtiment de commerce et une mosquée. Cette transformation servit de modèle à toute une série de résidences montagnardes. Les Chéhab prirent ensuite le relais des Ma’an. L’émir Béchir II fut le plus grand constructeur. Ainsi surgirent à Deir el-Qamar d’autres palais et non loin de là le célèbre palais de Beiteddine à côté d’autres résidences pour ses fils. Des princes locaux, vassaux des Chéhab, les Joumblatt à Moukhtara, et surtout les Abillamaa dans le Metn, firent également bâtir leurs résidences dans les montagnes libanaises. La plus importante et la plus célèbre des constructions de cette époque reste toutefois le palais de Beiteddine, commencé peu avant 1800 et construit dans les deux premières décennies du XIXe siècle. Il frappe non seulement par sa grandeur, mais aussi l’importance de son architecture, l’une des plus élaborées du Liban. En lui s’unissent les éléments traditionnels du palais turc et les éléments décoratifs locaux constituant un tout homogène. Comme dans d’autres ensembles palatiaux ottomans (par exemple le Topkapi Sarayi, à Istanbul), plusieurs cours intérieures s’échelonnent sur un axe (ici légèrement brisé) qui hiérarchise leurs diverses fonctions. La première cour, très vaste, et bordée par les écuries et les bâtiments économiques du palais : la deuxième, très décorée, fournit le cadre approprié pour les grandes réceptions et le traitement des affaires officielles. Après un espace intermédiaire, la troisième cour n’est accessible qu’à la famille et au premier cercle des courtisans. Les éléments décoratifs étaient empruntés à la tradition locale, caractère que l’on retrouve ailleurs au Liban comme à Tripoli et dans d’autres régions du Proche-Orient. Pour orner les murs des espaces intérieurs, il a fait venir des artisans de Syrie qui ont utilisé la technique des pâtes de couleur ; les plafonds et les lambris offrent les formes et les techniques damascènes traditionnelles. Des influences «rococo» viennent s’y mêler, apparition temporaire dans l’ensemble de l’empire ottoman ; cette spécificité locale est soulignée par des tendances historicistes. Pour se distinguer des Turcs, plusieurs palais empruntent à l’architecture des Mamelouks. Cela va si loin que dans les palais de Salima ou de Qarnell, par exemple, des incsription mamelouks remployées ont été intégrées ostensiblement au mur. L’activité architecturale toucha toutes les grandes villes y compris celles de la côte, aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui virent s’ériger des mosquées, des madrasas et des khans. Les ultimes décennies de la domination ottomane au Liban, en revanche, se distinguent nettement des périodes précédentes, sur le plan politique comme sur le plan architectural. Les temps modernes Les structures féodales de la montagne libanaise se défirent et, avec elles, sa prépondérance. La région côtière reprit sa primauté. Beyrouth, en particulier, devient le foyer des activités politiques, commerciales et d’urbanisation. À Beyrouth, la place des Canons apparaît le nouveau centre de la ville, avec les bâtiments de l’administration centrale. Dominant la ville, l’administration turque signale sa présence par une vaste caserne (1853), un hôpital moderne (1861) et une tour d’horloge visible de fort loin (1898). À partir du XIXe siècle apparaissent les grandes maisons libanaises typiques, demeures de la bourgeoisie, à triple fenêtre néogothique (ou en arcade) en façade et toits de tuiles. Par ailleurs, on reprend le concept fondamental du grand espace central, hérité de l’architecture domestique anatolienne. Les propriétaires montrent ostensiblement leur aisance. Ce faisant, les liens avec l’architecture française et surtout italienne – contre pieds délibérés de l’architecture ottomane – sont doublement accentués par le développement de la conscience politique de la bourgeoisie. Correspondant aux évolutions constatées auparavant, on retrouve une symbiose des formes architecturales ottomanes et de divers éléments locaux. C’est précisément cette symbiose qui caractérise, en fin de compte, tous les grands bâtiments typiques de l’architecture libanaise au temps des Ottomans. Stéfan WEBER «Liban, l’autre rive»
Au contraire des autres régions de la Syrie ottomane, les familles princières locales ont conservé leur pouvoir sur l’arrière-pays. Deir el-Qamar, dans le Chouf, berceau de Ma’an, est transformé en résidence princière, regroupant autour d’une place ouverte des palais, un grand bâtiment de commerce et une mosquée. Cette transformation servit de modèle à toute une série...