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Actualités - CHRONOLOGIES

Farid el-Khazen : Peut-il y avoir un gouvernement d’entente quand on tourne le dos aux appels au dialogue ?

Au troisième comme au premier jour du débat budgétaire : des critiques en série, des inquiétudes nombreuses, un scepticisme flagrant et des centaines de revendications. Politiques et économiques. La première impression qui se dégage de la cinquième séance parlementaire tenue le matin est celle du déjà entendu : les interventions se succèdent, répétitives et fastidieuses. Quatorze députés se relaient à la tribune, la plupart pour mettre en doute l’aptitude de l’Exécutif à initier une croissance en présence d’innombrables contraintes économiques, financières et politiques, ou pour lui reprocher de ne pas réaliser une entente nationale authentique. «Peut-on parler de l’existence d’un gouvernement d’entente quand la moitié du pays réclame le dialogue et qu’on lui tourne le dos ?», s’exclame Farid el-Khazen. La séance s’ouvre par l’intervention de Ghazi Zeayter qui assimile le préambule du budget exposant les orientations économiques du gouvernement à «n’importe quel tract distribué aux habitants de la Békaa» qu’il représente. Et c’est parti pour un exposé d’une heure sur l’absence de tout développement et de tout intérêt étatique dans cette région. Antoine Haddad qui lui succède à la tribune approuve en revanche ces orientations mais reproche au gouvernement de n’avoir pas précisé les conditions «d’entente et d’exécution indispensables à la réussite» de son programme économique : «Est-ce qu’il laisse entendre que nous serons tenus pour responsables de l’échec de ce programme si nous essayons d’en débattre ?», s’interroge M. Haddad. Il reprend l’argumentation de M. Omar Karamé sur les dangers de la dollarisation de la dette publique ainsi que ses remarques sur l’importance des accords commerciaux entre le Liban et l’Irak. «Dites-nous : Est-ce qu’il existe des pressions américaines ou arabes qui empêchent l’exécution de ces accords ou l’établissement d’une zone franche entre Beyrouth et Bagdad ?», demande-t-il. C’est au tour de Serge Ter Sarkissian de prendre la parole. L’air éternellement espiègle, le député de Beyrouth court presque vers la tribune : «Je vous donne cinq minutes pour terminer», l’avertit M. Berry. «Mais pourquoi ?». Plusieurs députés s’en étonnent. «Et bien c’est parce qu’il n’arrête pas de parler», répond M. Berry. Et c’est vrai. Le jeune député ne tient jamais en place, se balançant sur sa chaise ou bavardant avec ses voisins. Un large sourire aux lèvres, M. Ter Sarkissian attaque son discours en parlant justement du sourire des ministres au moment de la formation du gouvernement. «Un sourire qui a disparu depuis, sur certains visages», renchérit-il. Selon lui, la situation actuelle ne tolère aucune opposition. Il ne dit pas pourquoi mais encourage vivement l’Exécutif à aller de l’avant dans son programme. Prenant le contre-pied de ses collègues, M. Hagop Kassarjian appelle à une dissociation de l’économique et du politique, avant de revenir à la charge, comme M. Ter Sarkissian d’ailleurs, sur l’affaire de la nomination d’un deuxième ministre arménien. «Les tiraillements politiques, même s’ils sont naturels dans une société pluraliste à l’ombre d’un système démocratique, ne doivent en aucun cas hypothéquer un plan de redressement économique», affirme-t-il, jugeant qu’il n’y a pas lieu d’établir un rapport entre les tiraillements politiques et le règlement des problèmes économiques. Député du Hezbollah, Nazih Mansour axe son intervention sur l’état d’abandon dans lequel le Liban se trouve. M. Berry approuve en hochant la tête. «La loi 242 (prévoyant le déblocage de fonds d’aide au sud du pays) commence à ressembler à la résolution 242. Et si on l’appelait autrement ? Elle aurait peut-être une petite chance d’être appliquée», lance-t-il sèchement. Les divergences entre les trois pôles du pouvoir Il met l’accent sur l’accroissement affolant de la dette publique, notant qu’à la fin de 1992, la dette du Liban se chiffrait à 1 milliard 500 millions de dollars. M. Fouad Siniora proteste vigoureusement : «Mais le taux du dollar était différent à l’époque. Vous ne pouvez pas comparer». M. Husseini se mêle de la partie, approuvant les propos du député du Hezbollah et une âpre discussion s’engage entre les trois, au grand amusement de M. Berry. M. Mansour conteste ensuite certains chiffres du budget : «Pourquoi faut-il accorder 15 milliards de livres à la présidence du Conseil à titre de dépenses pour la publicité et la commercialisation ? La publicité et la commercialisation de quoi ? Des pommes de terre et des tomates ?». Il cite d’autres chiffres en ironisant toujours. Farid el-Khazen est aussi sévère et critique que le député du Hezbollah. Partant du principe qu’un redressement économique est tributaire d’un assainissement politique, il affirme, catégorique, que le gouvernement «ne pourra pas ignorer la crise politique». Il relève que les divergences entre les trois pôles du pouvoir «sont trop perceptibles au niveau des questions stratégiques, qu’il s’agisse du dossier du Liban-Sud, des projets de développement ou du préambule du budget. À titre individuel, chacun d’eux est peut-être digne d’une confiance qu’ils ne méritent toutefois pas en tant que groupe». Et d’enchaîner : «Où sont donc l’entente nationale authentique et la réconciliation nationale alors que les avocats et les députés sont empêchés de visiter un prisonnier politique ? Où sont donc les libertés publiques quand des dossiers pénaux sont ouverts dès que quelqu’un (le général Michel Aoun) exprime le souhait de regagner son pays pour exercer une action politique». Le député du Kesrouan réitère son appel au rééquilibrage des relations entre Beyrouth et Damas et, indirectement, au déploiement de l’armée au Liban-Sud, en soulignant que l’État doit être présent à travers toutes ses institutions administratives, politiques, sécuritaires et militaires dans cette partie du pays. Il soulève un problème sur lequel de nombreux députés ont exprimé des craintes : les pressions sur la livre. «Il faut en discuter, dit-il. C’est un phénomène très dangereux. Nous sommes constamment surpris par la forte régression des réserves en devises de la Banque du Liban et qui étaient inférieures, à la mi-mai, à l’ensemble des dépôts bancaires». Divers points développés au cours des derniers jours sont ensuite repris en vrac par Mohammed Safadi, Ali Bazzi, Ghenwa Jalloul, Mohammed Kabbara, César Moawad et Mohammed Raad dont les critiques acerbes sur la politique économique du gouvernement irritent au plus haut point M. Hariri qui l’interrompt à plusieurs reprises pour le contredire.
Au troisième comme au premier jour du débat budgétaire : des critiques en série, des inquiétudes nombreuses, un scepticisme flagrant et des centaines de revendications. Politiques et économiques. La première impression qui se dégage de la cinquième séance parlementaire tenue le matin est celle du déjà entendu : les interventions se succèdent, répétitives et fastidieuses....