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Actualités - CHRONOLOGIES

DÉBAT BUDGÉTAIRE - Ghanem revient à la charge sur le dossier syrien en séance nocturne, - Omar Karamé crève tous les abcès, place de l’Étoile

Le lot de remarques sur le projet de budget et sur les orientations économiques du gouvernement semble épuisé. Place à la politique donc durant la séance nocturne de la deuxième journée du débat budgétaire, qui se transforme ainsi rapidement en débat de politique générale. En vedette, Omar Karamé, qui tient en haleine une assistance clairsemée, et Antoine Ghanem qui revient à la charge sur l’affaire du redéploiement syrien. Le ton est donné avec l’intervention de Mohsen Dalloul, qui surprend ses collègues en affirmant qu’il s’exprimera en son nom personnel et au nom de Mansour el-Bone député du Kesrouan. Ce dernier n’était pas présent dans l’hémicycle. «Êtes vous sûrs ? Pourquoi devez-vous parlez au nom de Mansour el-Bone» ? M. Hariri ne cache pas sa surprise, mais le député ne répond pas et, d’un ton passionné, il évoque rapidement les problèmes économiques avant de se lancer dans un interminable discours avec des idées politiques qui s’emmêlent, se chevauchent et se répètent. M. Dalloul donne à ses collègues une leçon en bonne et due forme sur ce que devrait être l’exercice démocratique et le projet d’édification de l’État de droit. Il n’hésite pas à établir une comparaison entre l’époque présente et celle de Fouad Chéhab. En dépit de son discours très théorique et surtout nébuleux, on comprend que ce qu’il veut, c’est une réforme politique. Il lui a fallu une heure pour faire passer son message. «Donc si j’ai bien compris, tout ça, c’était pour toi et pour Mansour el-Bone. C’est bien ça» ? M. Berry l’interpelle par ces mots pendant que Farid Makari accède à la tribune pour mettre en relief dans une intervention d’une demi-heure, le déséquilibre dans le pays au niveau politique. «Les tiraillements et la tension entre les pôles du Pouvoir ainsi que les pressions politiques paralysent les décisions politiques». Et ce n’est pas tout : le député, connu pour être un allié fidèle du chef du gouvernement, reproche à l’Exécutif «son manque de courage et de constance, l’ambiguïté de sa vision (politique ou économique ?) ses retards et ses atermoiements». Il lui reconnaît quand même ses efforts «louables et fructueux» pour redresser la barre sur le plan économique et s’attaque de nouveau au dossier politique en plaidant vigoureusement en faveur de l’ouverture d’un dialogue national. Décidément, il se passe des choses avec les députés haririens : ils étaient trois hier à réclamer un dialogue sur les sujets conflictuels, qu’ils ne précisent toutefois pas. La présence syrienne au Liban peut-être ? Antoine Ghanem n’hésite pas à en parler, sans ambages, appelant avec instance à un rééquilibrage des rapports entre les deux pays et prenant soin de souligner que c’est «de bonne foi» qu’il soulève cette question. «Nous voulons vraiment parvenir à des relations privilégiées avec la Syrie. C’est la finalité de tous ceux qui tiennent le même discours». Le « sel » syrien M. Ghanem constate que les expressions telles que «la paix civile et l’entente et l’union nationales sont devenues creuses et ne permettent pas d’édifier un pays et de le doter des moyens de combattre les caprices suicidaires politiques, les changements régionaux et les ingérences étrangères, notamment israéliennes, dont le but de miner l’unité libanaise». Il salue les réalisations de la Résistance libanaise tant et si bien que M. Berry finit par l’interrompre : «Mettez-donc un peu de sel pour la Syrie». Le député lui jette un regard étonné. Un instant, il semble se demander si le président de la Chambre plaisantait : «Je suis sérieux. Sans la Syrie, rien de tout cela ne se serait produit», reprend M. Berry. Mais M. Ghanem ne répond pas et poursuit son discours qu’il conclut en appelant à la formation d’une commission parlementaire «qui aidera à motiver le gouvernement sur les plans politique, économique et social». Selon lui, cette commission devra être présidée par M. Berry et «comprendre parmi ces membres des figures politiques et civiles non représentées à la Chambre». Elle aura pour mission principale de «gérer un dialogue national et établira un document de travail qui sera examiné en séance plénière». Après Mohamed Kabbani, qui prend à partie les détracteurs du gouvernement, M. Alaeddine Terro appelle à une «action commune dont le but serait de sauver le pays de la dégradation aux niveaux politique, économique, social, pédagogique et autres». Adnan Arakji dénonce la manière avec laquelle est géré le dossier du paiement d’indemnités aux déplacés, criant à l’injustice puis énumère patiemment une série de mesures prises par le gouvernement et qui ont l’avantage, dit-il de stimuler l’économie. Avant-dernier orateur, Jihad Samad choisit comme thème principal de son discours, l’absence de certaines personnalités qu’il ne nomme pas, au premier anniversaire du retrait israélien. Il les prend vivement à partie avant de mettre l’accent sur la dégradation de la situation socio-économique, notamment au Liban-Nord. Karamé entre en lice À partir du moment où l’on assimile la nature et la fonction de ce personnage qu’était le «bouffon du roi», comprendre, appréhender et avoir conscience de ce que représente, dans un hémicycle, un ténor du calibre de Omar Karamé devient chose bien plus aisée. Le «bouffon du roi» était ce jeune homme ou ce vieil homme à qui le monarque permettait tout – c’est-à-dire, en fait, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité – à condition qu’il le fasse rire. Et qu’il soit le plus transparent possible. Non que le leader du Nord soit un comique, bien au contraire. Le fait est que l’ancien Premier ministre, lorsqu’il vient occuper la tribune parlementaire, est drôle, cinglant, ironique, et ne rate presque jamais sa cible, met le doigt là où ça fait vraiment mal. Pose les questions qu’il faut, de la manière qu’il faut, et quand il le faut. Tout cela ne l’empêchant pas, évidemment, de ne jamais se mouiller dès qu’il s’agit de répondre à ces grands sujets de débat politiques que sont, par exemple, les relations libano-syriennes ou l’envoi de l’armée au Liban-Sud. Il n’empêche, tous les abcès ont été crevés, hier place de l’Étoile, par le leader du Nord. «Où est le président Berry ?», demande Omar Karamé à Élie Ferzli, qui l’a appelé à la tribune pour succéder à Jihad Samad. «Il arrive, il arrive», lui répond le vice-président de la Chambre qui occupe momentanément le perchoir. «Ah…, se rassure l’ancien Premier ministre, avant de lancer, presqu’en maître de céans, un sonore bienvenue à toi, Hajj». Il arrange ses feuillets, aucune page ne doit dépasser, il a le sens de la représentation, Omar Karamé, et il le sait. Il suffit d’ailleurs de voir tous ceux qui sont présents sous les lambris de l’hémicycle se préparer, chacun à sa manière, à assister à un moment savoureux. Savoureux, mais généralement cruel et impitoyable. Rafic Hariri qui se gratte, un peu nerveusement, le nez, en est une des nombreuses façons… «Monsieur le président, messieurs les députés…». Il sourit… «Cela va presque devenir une coutume, ma montée à cette tribune pour adresser des remarques au gouvernement, et spécialement à son chef, ainsi qu’à la grande majorité des ministres. Parce que, dans leur comportement, et plus particulièrement au cours des séances essentielles… Ah, mais votre tour va arriver, vous…», se délecte-t-il en voyant Nabih Berry retourner dans l’hémicycle et se diriger vers son perchoir. Éclats de rire. «Le débat budgétaire est l’un des débats parlementaires les plus essentiels, et selon la Constitution, le président du Conseil représente le gouvernement et parle en son nom. Et je m’étais promis de m’excuser et de ne pas intervenir si le Premier ministre n’avait pas été présent. Mais grâce à Dieu, qui fait bien les choses, il est là. En ce qui concerne la majorité des ministres, et notamment ceux des services publics, c’est bien rarement qu’ils ont assisté au séances, et certains même, pas du tout.» Acquiescement de Rafic Hariri. «C’est à mon avis, prendre bien peu au sérieux les députés, leurs avis, leur débat. Et je pense, monsieur le président Berry, que vous êtes celui pour qui la dignité du Parlement et celle des députés tient le plus à cœur». « Alors, allons à Faqra»… «Loin d’une quelconque opposition, ou d’une volonté de provoquer, et au regard de la gravité de la situation économique, et en me souvenant de ce que vous avez dit hier, monsieur le président Berry – et étant donné que vous avez toujours raison (sourire) – cette situation économique est bien plus dangereuse pour le Liban qu’Israël (Nabih Berry opine de la tête), un grand nombre de mes collègues m’a demandé d’arrondir les angles de mon discours. Pour deux raisons, selon eux : d’une part, la situation économique est extrêmement délicate, et de l’autre, pour que personne ne s’imagine que je puisse avoir un œil sur le Sérail». Berry : «Salémét aynak (que Dieu te garde ton œil)». Hariri: «Nous voulons que vous y ayiez les deux yeux, président Karamé» Karamé : «Que Dieu vous donne la baraka, président Hariri, personne ne vous envie, vous savez…». Et Omar Karamé d’enfoncer encore plus loin le clou : «Nous n’allons débattre ni des articles de ce projet de budget ni de son préambule. Les deux n’en valent pas la peine». Éclat de rire général. «Eh ben, même Siniora est d’accord avec moi. Je vais le garder pour moi, celui-là, président Hariri. Bref. Il faudra bien que nous parlions de tout ce qui se rapporte à la situation socio-politique critique. Commençons par le politique, même si politique et économique sont intrinsèquement liés. Il y a, d’abord, le Liban-Sud, les fermes de Chebaa, la résolution 425 a-t-elle été ou non appliquée? Et l’envoi de l’armée au sud? Voilà des sujets de débat entre le Liban et Israël, entre les USA et l’Onu. Sur le plan intérieur, il y a également débat sur l’accord de Taëf. A-t-il été ou non complètement appliqué? Quid du redéploiement des forces militaires syriennes? Ces débats ne font que créer un climat de crispation dans le pays. Et puis il y a ces tiraillements entre les (trois) présidents…» Karamé, à Hariri : «Comment ça, non?» Hariri : «Entre Abou Moustapha (Nabih Berry) et moi, ça va…» Karamé : «Bon, ben si vous voulez, je passe outre…». Hariri : «Voyons voir…». Karamé : «Lors du dernier Conseil des ministres, qui n’est pas au courant du litige à ce sujet? Le vote sur les 24 600m qui ont été à Solidere? Vous en voulez encore, des exemples? Bien. Allons à Faqra». Début de fou rire général. Hariri : «Il vous l’a promis, président Berry, qu’il ne vous épargnera pas…». Karamé : «Eh bien cette rencontre entre les n° 2 et 3 de l’État (Hariri tique, il déteste l’évocation de ce chiffre)… Aucun résultat n’a encore été appliqué, non ?» Hariri, riant de nouveau : «Si, si, beaucoup de choses. Et puis ça ne tient ni à Abou-Moustapha ni à moi». Berry, péremptoire : «Ah, mais non ! Pas du tout! Seuls les points liés au Parlement ont été appliqués.Et pas les points concernant le gouvernement. Tous ces nouveaux emplois… Vous avez raison, président Karamé.» Karamé : «J’ai raison?» Berry : «Vous avez raison.» Karamé : «Eh ben voilà!» Hariri : «Vous voulez nous brouiller au président Berry et à moi-même…». «Je l’affirme : Vous n’avez aucun plan anticrise» Et Karamé de continuer, plus rien ne l’arrêtera. «Comment espérez-vous qu’avec cette ambiance aussi tendue, aussi crispée, attirer les investisseurs. Et ça c’est votre credo, attirer les investisseurs. Moi, j’affirme que vous n’avez aucun plan anticrise qui soit clair, complet et à long terme. Vous vouliez faire du Liban un paradis touristique qui pourrait, au minimum, concurrencer Dubaï? Bon vous avez abaissé les tarifs douaniers, mais tout en gardant les taxes et les impôts, chose définitivement inadmissible. Finalement, vous vous êtes rangés de notre côté, vous avez réduit tout cela. Mais cela ne sert toujours à rien, puisque vous n’avez pas aboli les contrats d’exclusivité, ce qui fait que le monopole demeure». Hariri : «Ça, je suis d’accord». Karamé, plus du tout drôle ou amusé : «Vous êtes d’accord? Alors prenez une décision! Ensuite, il n’y a toujours aucune surveillance des prix affichés par l’ensemble des commerçants, c’est l’anarchie totale, les comités de surveillance du ministère de l’Économie ne font absolument rien. Résultat: aucune concurrence avec Dubaï n’est possible, le Liban reste l’un des pays les plus chers au monde. Mais nous espérons beaucoup de cette promesse que vous venez de nous faire, président Hariri…». Et puis, s’adressant à Rafic Hariri et aux «ministres de Cour, avec à leur tête celui qui est en train de rire» (Fouad Siniora), Omar Karamé leur rappelle que les institutions internationales avaient promis d’aider le Liban à condition que celui-ci allège le poids de son administration. Il leur rappelle ainsi l’échec de la mesure prise par «mon ami» le ministre de l’Information Ghazi Aridi, parce que parmi les 500 personnes licenciées, «il en existait des qui travaillaient», et que, au bout du compte, «les 500 ne font plus rien et continuent d’être payés». Idem pour Télé-Liban, qui, selon le leader tripolitain, «n’a été réouverte dans ces conditions que pour mieux être, bientôt, fermée une nouvelle fois». Accusant Rafic Hariri d’avoir tout fait pour couler la télévision publique, Omar Karamé s’emploie ensuite à expliquer à son assistance, toujours suspendue à ses lèvres, que l’équation «une confession, une télé», ne pouvait qu’exacerber les tensions et les crispations intérieures. S’attaquant ensuite à la restructuration de la dette publique, «dont le volume atteindra à la fin de l’année 30 milliards de dollars, si si, monsieur Siniora, je l’ai entendue de votre propre bouche. Comment non? Combien alors? Allez faites-nous plaisir, donc. 28 milliards? 28? Allez, adjugés! Et arrêtez de me dire que ça change quoi que ce soit, ça ne change rien. Le problème est tellement grave actuellement, que deux milliards en plus ou en moins… Et savez-vous, mesdames et messieurs, que chaque matin, le Liban paye 10 millions de dollars d’intérêts ? 300 millions de dollars par mois? Mais selon les experts, le problème n’est pas là. Le problème; c’est que le taux de la dette publique s’est aujourd’hui élevé à 160% du PIB. Toutes les lignes rouges sont dépassées. Et que fait le gouvernement? Il a décidé de convertir une grande partie de la dette interne (en LL) en dette externe (en $). Et moi, malgré le risque, j’approuve cette option». Le commerce avec l’Irak, et l’allusion au veto syrien Concernant la situation du Trésor, Omar Karamé a également touché là où ça fait mal, c’est-à-dire au niveau «des négligences du gouvernement». Emboîtant le pas à Nabih Berry, qui avait dit que c’était cela, «le pétrole du Liban», il a déploré que le Cabinet Hariri n’ait pas (su? pu?) profiter de la mine d’or que constituait la téléphonie mobile et sa privatisation. Il a également regretté que le gouvernement ait négligé tant le système ultramoderne de communication UMTS – auquel s’était intéressée l’équipe Hoss –, que celui consacré aux communications internationales, en utilisant les services de la société B-Sat. Un autre dossier, ultrasensible, a également été soulevé, à l’instar de Salah Honein par exemple, par Omar Karamé: les liens commerciaux avec l’Irak, dont il a regretté l’inexistence. Indiquant, innocemment, que «l’économie syrienne avait gagné, grâce à un accord commercial avec Bagdad, plus d’un milliard de dollars en un an», il a fait boire à bon nombre de ses auditeurs le calice jusqu’à la lie en affirmant, à Rafic Hariri, que des rumeurs prétendent que «ce seraient les USA qui lui auraient déconseillé» de faire du commerce avec l’Irak. «Je crois cet argument, parce qu’il n’y a pas d’autre raison», a-t-il asséné, imperturbable, royalement cynique. Et qui avait l’air de dénoncer le veto imposé par Damas aux relations commerciales libano-irakiennes. Sa conclusion, elle, n’avait par contre plus rien de drôle. «M. Hariri, nous sommes conscients du fardeau que vous portez, nous sommes prêts à vous aider en toute situation, parce qu’en définitive, nous voguons tous dans la même galère, et si cette galère coule, nous coulerons tous. Les Libanais ne peuvent plus».
Le lot de remarques sur le projet de budget et sur les orientations économiques du gouvernement semble épuisé. Place à la politique donc durant la séance nocturne de la deuxième journée du débat budgétaire, qui se transforme ainsi rapidement en débat de politique générale. En vedette, Omar Karamé, qui tient en haleine une assistance clairsemée, et Antoine Ghanem qui...