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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

CONFÉRENCES - Éthique et neurosciences à l’Hôpital de la Croix - Droit à l’information : quand et comment

Si la question de l’éthique est indiscutable dans le domaine de la médecine générale – tout au moins dans le principe –, elle devient plus problématique et impose une réflexion d’un autre ordre dès lors qu’il s’agit du domaine des neurosciences. C’est à ce sujet précis qu’a décidé de s’attaquer la Société libanaise de psychiatrie, conjointement avec l’Hôpital de la Croix, sur une initiative du Dr Samy Richa. Les intervenants, psychiatres et neurologues, soulèveront principalement la question du droit à l’information et du savoir, un sujet d’autant plus complexe qu’au regard de l’éthique, les réponses apportées sont souvent difficiles. «Débattre du thème “Éthique et neurosciences” c’est accepter avant tout de se remettre en question en tant que soignant, de remettre en question son savoir et ses croyances», a affirmé le Dr Dory Hachem, président de la Société libanaise de psychiatrie, dans son mot d’ouverture. «L’éthique nous impose d’être constamment à l’écoute de la demande du patient, de son désir, de ses attentes. Ce patient a des droits face auquel le thérapeute a des devoirs éthiques», a-t-il encore souligné. Le schizophrène a-t-il droit à l’information ? Faut-il l’informer sur sa maladie, sur le traitement ? Des questions «éthiques» auxquelles le Dr Samy Richa, psychiatre, a tenté de répondre dans un exposé développé intitulé «Éthique et schizophrénie». «Quelles connaissances peut-on livrer au patient souffrant de schizophrénie, supposé atteint dans ses capacités de compréhension et de jugement par la maladie mentale ?», s’interroge le psychiatre. «Aux États-Unis, 70 % des psychiatres et au Japon, moins de 30 % annoncent au patient le diagnostic de schizophrénie», affirme le Dr Richa, qui souligne toutefois que «le manque d’information du public sur la maladie pourrait renforcer la difficulté à annoncer le diagnostic». Temps privilégiés En règle générale, dit l’intervenant, «on peut soutenir qu’en psychiatrie plus qu’ailleurs l’information est un des moteurs essentiels en vue du maintien de l’autonomie de la personne», qui est d’autant plus importante, dit-il, que la maladie psychique est souvent liée à l’aliénation mentale. Ainsi, cette information doit être étendue dans le temps, personnalisée et animée par une thérapeutique. «Elle ne relève pas d’un moment ponctuel. Elle doit être engagée sur le mode du partenariat», soutient le conférencier. Quant aux fondements éthiques du consentement aux soins, «de nombreux médecins considèrent que l’obtention d’un consentement totalement libre et éclairé reste du domaine de l’utopie», affirme le Dr Richa. Car, dit-il, «quels critères retenir pour apprécier la capacité de consentir chez un individu qui a ses facultés de discernement amoindries et ses effets émoussés ?». «En dehors des situations où l’on sait que le consentement libre est impossible (dissociation du schizophrène délirant, détérioration cognitive du dément sénile), est-il pour autant éthique d’écarter volontairement des soins des patients qui poseront des difficultés au médecin du fait de leur personnalité ?», s’interroge encore Samy Richa. Et le psychiatre de souligner qu’il existe «des temps privilégiés pour donner des informations au malade», et que ce n’est pas durant une phase délirante ou lorsqu’il est en proie à des angoisses psychotiques qu’il faut informer un schizophrène. C’est au médecin traitant de savoir reconnaître le moment opportun, dans la mesure où c’est son «sens clinique» qui doit guider son attitude éthique, conclut le Dr Richa. L’intervention du Dr Kamal Kallab, neurologue, portera sur «La médecine prédictive, et l’éthique en neurologie». «Après la médecine qui traite et la médecine qui prévient, c’est-à-dire la médecine préventive comme la vaccination, la médecine prédictive nous interpelle de plus en plus», affirme le Dr Kallab. De quoi s’agit-il ? Elle consiste en la possibilité de prédire avec certitude, ou à tout le moins une forte probabilité, la survenue ultérieure d’une maladie chez une personne saine ou apparemment saine, explique l’intervenant. Cette médecine s’intéresse plus particulièrement, mais non exclusivement, aux maladies génétiques pour en établir le diagnostic, par la découverte du gène ou du chromosome malade, avant l’apparition de ses symptômes, et ce grâce au test prédictif. «Si les avantages sont évidents, à savoir un traitement ou une prévention à temps lorsque cela est possible, les inconvénients sont par contre multiples», explique le conférencier : imprécision dans certains tests, conséquences psychologiques sur l’individu lui-même et sur son tissu social, risque de discrimination génétique dans le travail et dans le domaine des assurances, etc. Thérapeutique balbutiante Parmi les exemples développés par l’intervenant dans le domaine de la neurologie, la maladie de Huntington, avec 50 % de risque de transmission, affirme le Dr Kallab. Celle-ci aboutit à l’âge de 40 ans à un état de démence. «Après l’âge de la procréation, le diagnostic prédictif est possible. Mais la thérapeutique est encore balbutiante. Les conditions de la pratique du test doivent subir de façon rigoureuse les règles de l’éthique», souligne le conférencier, qui énumère les différentes attitudes affichées par les parents lors de l’annonce de l’éventualité de l’existence de la maladie. Quant aux réactions, elles varient entre détresse, déni, refus, rationalisme, affirme le neurologue. «Une éthique mondiale et individuelle est une condition incontournable pour traiter avec ces problèmes», conclut Kamal Kallab. La psychiatrie infantile sera également au centre des débats avec l’intervention de John Fayad, pédopsychiatre, qui soulèvera le thème de «L’éthique dans la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent». «C’est un domaine où il existe encore beaucoup d’incertitude, dira John Fayad. Nous ne prétendons pas avoir de réponses définitives quant aux solutions (éthiques) à apporter à certaines situations». L’intervenant explique que les pédopsychiatres se fondent toutefois sur des lignes directrices et sur des principes devenus acquis dans le domaine de la psychiatrie infantile. Ces «codes d’éthique», comme il dit, aident le médecin traitant à prendre des décisions concernant les patients, surtout dans des situations complexes. Parmi ces principes, il cite celui du traitement «bénéfique» pour le patient, ou l’habilité à ne pas lui causer du tort, un principe inspiré du serment d’Hippocrate. Autre principe, dit le pédopsychiatre, est celui de «l’autonomie». «Dans le cas des enfants, cela pose problème à cause des parents, mais à un certain âge, cela devient possible». John Fayad explique par ailleurs le rôle délicat que doit être amené à jouer le pédopsychiatre à un moment donné, à savoir celui de trouver le juste compromis entre l’intérêt de l’enfant et celui des parents. «L’intérêt de l’enfant n’est pas souvent celui des parents, affirme le Dr Fayad. Le problème, c’est que ce sont les parents qui doivent prendre les décisions et qu’ils sont les gardiens légaux de l’enfant. Nous nous retrouvons souvent dans des situations difficiles, impuissants à mettre à exécution les informations que nous détenons en tant que psychiatres». Parmi les exemples de situations difficiles où les questions d’éthique sont à prendre en considération par le médecin traitant, le Dr Fayad cite le cas des enfants qui souffrent de retard mental, ou les enfants autistes. La question qui se pose est de savoir à quel âge on peut considérer qu’ils sont devenus indépendants, autonomes. Peut-on les laisser prendre leurs propres décisions ? Autre problème qui se pose face au pédopsychiatre : celui de la confidentialité, surtout en cas d’abus sexuel, ou de maltraitance physique. Dans de telles situations, le risque de perdre la confiance de l’enfant est élevé, affirme le pédopsychiatre. La solution idéale dans ce cas précis consiste à établir une relation de partenariat avec l’enfant de manière à inclure les parents dans le processus de la thérapie. Bref, qui informer, et à quel moment ? S’il n’est pas toujours nécessaire d’informer à tout prix, l’important est de personnaliser l’approche, en prenant en compte des facteurs relationnels, humains et les droits des patients, s’accorderont à dire les intervenants.
Si la question de l’éthique est indiscutable dans le domaine de la médecine générale – tout au moins dans le principe –, elle devient plus problématique et impose une réflexion d’un autre ordre dès lors qu’il s’agit du domaine des neurosciences. C’est à ce sujet précis qu’a décidé de s’attaquer la Société libanaise de psychiatrie, conjointement avec...