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Actualités - OPINIONS

PATRIMOINE EN PÉRIL - Ces bétonneuses qui écrasent - passé, présent et futur

Aujourd’hui, le Liban célèbre la Journée nationale du patrimoine. Objet de tous les défis, ce domaine embrasse des monuments historiques et archéologiques dont on peut tirer une légitime fierté. Mais il est aussi le dépôt sacré de quelques modestes témoignages dont la disparition s’accélère. Le patrimoine, c’est le paysage architectural traditionnel, offrant l’image de toute une culture, de tout un art de vivre. C’est le Liban parsemé de couvents, de vieilles demeures, d’églises aux pierres bosselées, de mosquets au minaret délicat. Un Liban qui tient compte d’un besoin de sentiment et de poésie chez l’homme. Ce sont aussi nos forêts, nos vallées, nos plaines, nos montagnes, nos grottes, la côte et la mer… Que reste-t-il de ce patrimoine ? En dépit des défenseurs acharnés du principe de préservation (comme l’Apsad) et d’une poignée de passionnés, la liste des vieilles demeures beyrouthines «à conserver» se rétrécit comme peau de chagrin. De 520 bâtiments recensés en 1997, on est passé à 469 en 98, puis à 209 en 1999. Il nous reste à ressasser, sans nous rassasier, le décor du troisième millénaire. Une œuvre contemporaine qui s’étire d’Est en Ouest, du Nord au Sud, en passant par Beyrouth : des villes champignons érigées dans un chaos absolu sur la dépouille d’un patrimoine architectural davantage détruit en vingt ans qu’en deux siècles. On s’interroge sur le nouveau genre humain, ses goûts, ses rêves, et nous pensons à ceux qui vivront après nous et qui, de loin en loin, évoqueront nos visages. Que reste-t-il de nos forêts ? Quelques bosquets, quelques «réserves naturelles» intouchables. Des centaines de milliers de mètres carrés de «Loubnan el-Akhdar» ont été engloutis par les cheminées, les charbonniers et dans bien des cas par les carrières de pierre qui ont laissé des plaies béantes. Pour assurer une matière première à un Liban en cours de reconstruction, des engins monstrueux ont creusé les entrailles des montagnes et modifié la configuration naturelle du paysage. Les carrières ont condamné la beauté de nos sites ; elles ont dévié les cours d’eau, rasé la végétation, détérioré le micro-climat. Et attaqué le patrimoine, pour ne citer que Ksar Akil, la grotte du premier homme dans le Wadi d’Antélias. Ou encore la terre sacrée d’Adonis qui abonde en temples et en monuments, à Nahr Ibrahim. Et toujours la menace de sonner ailleurs le glas d’un nouveau deuil écologique. Que reste-t-il de nos fleuves, de nos rivières ? Des cours d’eau pollués où se déversent les égoûts, les produits chimiques agricoles et les déchets de toutes sortes. Que reste-t-il de nos plages ? Plus de 50 % de notre littoral est défiguré. Bientôt, il ne restera pas grand-chose de notre flore et de notre faune. On a extrait le sable ; on a remblayé la mer ; on a édifié de gros complexes qui ne sont pas toujours favorables au tourisme. Ce secteur présente des chiffres à donner le tournis : un milliard de voyageurs en 2010 et 1,6 milliard en 2020, selon l’Organisation mondiale du tourisme. Or les vacances et le tourisme sont souvent synonymes de farniente, en plein air, dans un environnement agréable. Comment un pays qui détruit son paysage peut-il en profiter ? En bref, on a accompli en dix ans de paix ce que dix-sept années de guerre n’avaient pu faire. Tant de dégâts dans un mouchoir de poche. Tant de déficit écologique et esthétique engendré par l’appétit de bâtisseurs plus friands de devises que d’environnement. Les promoteurs trouvent des arguments pour se défendre. Avec les mots, on peut jongler et se donner toujours raison. Mais en dernier ressort, ce qui doit compter, c’est une histoire à sauver, une perception, une sensibilité à retrouver, une continuité à rétablir… Pour le Liban .
Aujourd’hui, le Liban célèbre la Journée nationale du patrimoine. Objet de tous les défis, ce domaine embrasse des monuments historiques et archéologiques dont on peut tirer une légitime fierté. Mais il est aussi le dépôt sacré de quelques modestes témoignages dont la disparition s’accélère. Le patrimoine, c’est le paysage architectural traditionnel, offrant...