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Actualités - CHRONOLOGIES

CONCERT - Église Saint-Joseph (Achrafieh) - L’Orchestre symphonique national libanais : variations et couleurs polonaises

En droite ligne du pays de la «mazoure» et du prince du clavier, Chopin (dont l’ombre et l’omniprésence étaient perceptibles), de la Pologne la plus profonde entre brumes lumineuses et ténèbres des forêts, entre nostalgie et légendes slaves, entre accents folkloriques et narrations modernes, voilà un concert qui s’érige en un authentique et vibrant hommage aux musiciens polonais, révélant ainsi leur immense talent ainsi que la beauté sonore de partitions peu familières à notre auditoire. Présenté conjointement par l’ambassade de Pologne à Beyrouth et l’Orchestre symphonique national libanais, placé sous la dynamique direction de Wojiech Czepiel, avec en soliste au clavier un champion des touches d’ivoire, Karol Radziwonowiez, un concert donc aux couleurs et variations exclusivement polonaises donné en l’église Saint-Joseph à Achrafieh illuminée et comme d’habitude archipleine. Au menu, des pages de Paderewski, Moniuszko, Szymanowsky et Kilar. Ouverture somptueuse, justement avec une brillante «ouverture» de Paderewski. Mort en 1941, il y a juste soixante ans, compositeur, pianiste de renommée internationale et homme politique (il a présidé de 1919 à 1921 le gouvernement de la République polonaise), Ignace Paderewski s’est illustré, avec bonheur, dans plus d’un genre. On l’écoute tout d’abord dans cette ouverture au lyrisme en crescendo et aux flamboyances mesurées. Et suit cette torrentielle «fantaisie polonaise» op. 19 pour piano et orchestre. Au clavier Karol Radziwonowiez, au meilleur de sa forme, éblouissant de fougue et de précision. Œuvre longue au souffle puissant, vibrant d’un nationalisme discret et où rythmes et mélodies ont des bouillonnements et des emportements irrépressibles dominés souvent par un piano à la volubilité saisissante. Débordante de vie, vigoureuse, d’un lyrisme aux envolées à la fois tendres et âpres, cette «fantaisie» aux frémissements secrets garde surtout la part belle au piano avec des arpèges liquescents et des passages tourmentés où les accords ont l’allure d’une impétueuse tornade. Éclatante de vie comme une eau à la fois cristalline et tumultueuse, cette narration «libre» révèle sans nul doute un authentique tempérament de feu. Authentique morceau de bravoure et de grande dextérité orchestrale et pianistique, cette «fantaisie» fut longuement applaudie par un public conquis et enthousiaste. En bis, Karol Radziwonowiez a offert en toute générosité à l’auditoire deux œuvres (plus calmes mais à l’inspiration non moins nationaliste) pour piano seul. Un délicieux «menuet à l’antique» tout en finesse, lisse et nacré comme un rang de perles et une ondoyante «polonaise» aux tonalités toutes en fuyante douceur comme un lointain hommage au plus virtuose des voyageurs polonais… Après l’entracte, de Stanislav Moniuszko (artiste aussi aux facettes multiples, à la fois compositeur, organiste et homme de théâtre), une «Mazoure» tirée de l’opéra Le Manoir hanté, œuvre riche en sonorités originales, bondissante et habitée d’une grande animation. Une «étude» en tons mineurs de Karol Szymanowski (dont l’œuvre prolifique et le personnage sont surprenants) devait prendre le relais. Szymanowski à l’œuvre polymorphe qui s’appuie sur une synthèse très personnelle entre diverses données de la culture où poésie, histoire, mythes et littérature font un tout à la fois uni et cohérent. Une «étude» qui n’en demeure pas moins un authentique morceau de concert traversé d’une certaine mélancolie oscillant entre mélodie prenante et douce rêverie. Pour terminer cette ronde bien polonaise, une œuvre éminemment moderne et séduisante. Krzesany de Wojiech Kilar, musicien contemporain dont on a pu apprécier les compositions au cinéma avec le Dracula de Francis Ford Coppola et La jeune fille et la mort de Roman Polanski. Inspiré des mélodies campagnardes des bergers sentant la bonne terre polonaise, ce musicien allie à son monde sonore d’une péremptoire modernité d’étranges parfums venus d’ailleurs (il n’est pas pour rien l’élève de N. Boulanger !). Ici, dans ce détonant et avant-gardiste Krzesany, il insuffle aux notes une incroyable part de mystère et de tension. Sonorités audacieuses et nouvelles pour une atmosphère vibrionnante, dramatique, tendue, grinçante, précipitée et qui de silences en ruptures, de stridences en percussions, d’éclats furibonds en tumultes incandescents, conduit l’auditeur, le souffle littéralement coupé (ne croyez surtout pas à une figure de style !), aux bords de rives inconnues dans une triomphale et magistrale apothéose finale. Longue ovation, à tout rompre et debout, d’un public médusé et séduit à la fois par un programme sortant des chemins battus et une prestation plus que remarquable.
En droite ligne du pays de la «mazoure» et du prince du clavier, Chopin (dont l’ombre et l’omniprésence étaient perceptibles), de la Pologne la plus profonde entre brumes lumineuses et ténèbres des forêts, entre nostalgie et légendes slaves, entre accents folkloriques et narrations modernes, voilà un concert qui s’érige en un authentique et vibrant hommage aux musiciens...