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Actualités - CHRONOLOGIES

Communautés - La dimension œcuménique de la visite du pape dépasse sa dimension politique - L’unité qui vient de demain

Politique d’abord, la visite du pape ? Simple apparence. Ce n’est que samedi 9 mai, passé l’extraordinaire accueil réservé à Jean-Paul II par la population de Bab Touma, qu’on pouvait se rendre compte réellement de ce que cette visite en Syrie avait d’insolite, d’aventureux. La papauté à la recherche de ses racines, entre Damas et Antioche, les traces de Paul et les actes de Pierre ! Aussi voûté que soit son corps, figé que soit son visage supplicié par l’impossibilité de sourire, aussi lourd que soit l’élan de l’accolade donnée au patriarche Hazim, Jean-Paul II incarnait ce soir-là quelque chose comme une énergie à sa source qui explosait dans les formes sclérosées de la chrétienté orientale. Renouveau d’amour jaillissant, comme une pousse verte sous l’écorce durcie d’un arbre, de la croûte des cultures et conduites héritées, des épaisseurs historiques superposées, des poussières qui, insensiblement, se sont déposées au fil des siècles, sur les pierres et les institutions. Oui, la concession à la Syrie pouvait avoir la primeur des médias, le président syrien pouvait, maladroitement et sans nuances, placer son hôte devant le devoir de l’appuyer, les visites du successeur de Pierre à Ignace et Zakka gardent la priorité du cœur. Jean-Paul II tenait enfin le bout du fil de l’unité. Une unité qui, contrairement aux lois de la nature, vient de l’avenir et fait irruption dans le présent. Comme toutes les prophéties. Dans un geste dont les conséquences ne sont pas, et ne peuvent pas être prévisibles, sinon dans la promesse et les certitudes de l’amour, l’Église d’Orient et l’Église d’Occident se sont rencontrées. En offrant à la grâce le terreau humain qui lui est nécessaire pour se manifester, les rencontres œcuméniques de Damas auront plus de force que les gestes politiques, même si leur impact immédiat est moindre. Les théologiens épilogueront sur la nouveauté des gestes. Pour le simple mortel, les visages des fidèles dans les venelles de Bab Touma suffisent. Car le bout du fil de l’unité, ce n’est pas l’accord sur le dogme de l’infaillibilité du pape, où l’existence du purgatoire, mais l’unification des dates de Pâques, ardemment souhaitée, impatiemment attendue par les fidèles, et pleinement justifiée par Jean-Paul II, pour la première fois aussi solennellement, lors de sa visite à Damas. C’est un tonnerre d’applaudissements qui a accueilli, samedi 9 mai à la cathédrale mariamite des grecs-orthodoxes, les paroles du pape souhaitant une restauration «sans délai» de la célébration commune de la fête pascale. Désormais, cette demande des fidèles, formulée, à temps ou à contretemps, pourra se prévaloir de l’entière approbation du pape. Le passage entier de l’allocution du souverain pontife, ce soir-là, mérite d’être cité. Le voici : «Il y a quelques semaines seulement, nous avons eu la grande joie de pouvoir célébrer le même jour la fête de Pâques. J’ai vécu cette heureuse coïncidence de l’an 2001 comme une invitation pressante de la Providence, adressée à toutes les Églises et communautés ecclésiales, pour qu’elles restaurent sans délai la célébration commune de la fête pascale, fête entre toutes les fêtes, mystère central de notre foi. Nos fidèles insistent, à juste titre, (oui, le pape a dit «à juste titre») pour que la célébration de Pâques ne soit plus un facteur de division. Depuis le deuxième concile du Vatican, l’Église catholique s’est déclarée favorable à toute tentative capable de rétablir la célébration commune de la fête pascale. Ce processus semble néanmoins plus laborieux que prévu. Peut-être faut-il envisager des étapes intermédiaires ou différenciées, pour préparer les esprits et les cœurs à l’application d’un comput acceptable par tous les chrétiens d’Orient et d’Occident. Il revient aux patriarches et aux évêques du Moyen-Orient d’assumer ensemble cette responsabilité envers les communautés qui sont les leurs, dans les différents pays de cette région. Du Moyen-Orient pourraient naître et se répandre un nouvel élan et une nouvelle inspiration à ce sujet». Quelques instants auparavant, le pape avait encouragé la poursuite du processus de rapprochement œcuménique entre le patriarcat grec-orthodoxe et le patriarcat grec-catholique d’Antioche, soulignant que ce rapprochement «émane à la fois du désir du peuple chrétien, du dialogue entre théologiens, ainsi que de la collaboration fraternelle entre évêques et pasteurs des deux patriarcats». Il avait ajouté: «J’exhorte toutes les personnes concernées à continuer cette recherche de l’unité, avec courage et prudence (...) cette recherche s’inscrit évidemment dans le cadre plus large du processus de réunion entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes». La date de Pâques Le pape avait poursuivi en souhaitant la reprise des activités de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes, en mettant en garde contre toute lassitude dans cette recherche, car «plus ce dialogue touchera des questions centrales, plus il sera laborieux». Toutes ces considérations méritent qu’on s’y arrête. L’élan donné aux processus de rapprochement entre les patriarcats grec-orthodoxe et grec-catholique d’Antioche, à la recherche d’une unification des dates de Pâques, à la reprise des travaux de la commission œcuménique, sont significatifs, sinon capitaux. Les travaux de cette commission, réunie l’an dernier à Baltimore (États-Unis), étaient arrivés à une impasse, les Églises orthodoxes ayant exigé le retour des Églises uniates à leurs communautés ecclésiales originelles, ce que Rome considère comme une condition préalable impossible à satisfaire, estimant que cette réunification, là ou elle est souhaitable et souhaitée, doit être l’aboutissement d’un processus de réconciliation. Ces missions ne sont pas confiées à quiconque. C’est à nous, Églises d’Orient, catholiques et orthodoxes, qu’elles le sont. Qu’une nouvelle inspiration œcuménique vienne d’Orient n’est pas une événement minime, mais un responsabilité historique, qu’il revient aujourd’hui aux Églises d’Orient, fidèles et clergé réunis, à assumer, avec toute la maturité et toutes les forces dont elles disposent. Du reste, le pape a souligné à Damas qu’il est un cas de retour à la pleine communion qui semble plus proche de se concrétiser que les autres, c’est celui qui est appelé à se produire entre l’Église catholique et l’Église syrienne- orthodoxe, qui ont signé en 1984 une déclaration théologique commune dissipant tout malentendu sur les deux natures humaine et divine du Christ. Entre les deux Églises, une coopération pastorale et, à certaines conditions, la communion eucharistique sont désormais en place . Par ailleurs, des contacts sont en cours pour unifier la date de Pâques en Syrie. Le patriarche grec-catholique Grégoire III est sans doute le chef d’Église le plus impatient de réaliser cette unité, et il n’a pas manqué une seule occasion de le dire. À la rencontre œcuménique au patriarche grec-orthodoxe, à la messe en plein air au stade des Abbassides et à la rencontre avec les jeunes. Évidemment, cette unification, qui revient à l’adoption de la date à laquelle l’Église la plus importante, numériquement, célèbre la fête de Pâques, va poser certains problèmes, notamment aux Églises maronite et arménienne-orthodoxe, qui suivent le calendrier occidental. En tout état de cause, et comme le souligne le pape, des étapes «intermédiaires et différenciées», d’un pays à l’autre, devront être élaborées, expérimentées. S’il est vrai qu’il a miraculeusement échappé à la mort, le 13 mai 1981, Jean-Paul II a su utiliser les années vierges qui ont été ajoutées à sa vie pour écrire librement le destin imprévisible de la fraternité retrouvée. Le vicaire du Christ a fait ce qu’il pouvait, ce qu’il devait faire, laissant aux autres hommes le soin d’en faire autant, aussi bien au Golan, à Jérusalem, Washington ou Paris, qu’à Moscou, Antioche et Constantinople. De cette recherche active, inlassable et parfois ingrate, de l’unité et de la paix, nul ne doit se sentir dispensé. L’histoire n’est jamais autre chose que ce qu’on en fait. Rien n’est «mektoub», Jean-Paul II est là pour le prouver.
Politique d’abord, la visite du pape ? Simple apparence. Ce n’est que samedi 9 mai, passé l’extraordinaire accueil réservé à Jean-Paul II par la population de Bab Touma, qu’on pouvait se rendre compte réellement de ce que cette visite en Syrie avait d’insolite, d’aventureux. La papauté à la recherche de ses racines, entre Damas et Antioche, les traces de Paul et les...